RWANDA - Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé par l'Onu pour rechercher et juger les principaux responsables du génocide de 1994 au Rwanda, a commencé à passer le relais à des juridictions nationales, avant la fin prévue de ses activités dans 5 ans.
Ce "désengagement" a débuté mercredi avec le transfert à la justice rwandaise de 15 dossiers d'instruction de responsables présumés des massacres, actuellement en fuite.
Le temps presse. Le Conseil de sécurité de l'Onu a en effet demandé au TPIR, souvent critiqué pour son extrême lenteur, de terminer en 2008 les procès en première instance et en 2010 les procès en appel.
Pour respecter cet échéancier, le tribunal a décidé dans le cadre de sa "stratégie d'achèvement" de se dessaisir de certains dossiers au profit "des juridictions nationales compétentes", dont celles du Rwanda.
"C'est une étape importante en ce qui concerne la mise en application de la stratégie d'achèvement du côté du procureur", a commenté jeudi le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga.
Selon cette stratégie, le procureur envisage de transmettre un total de 41 cas -les 15 dossiers y étant inclus- devant des juridictions nationales du Rwanda et celles d'autres pays qu'il refuse encore de nommer.
L'ensemble comprend non seulement des cas qui font encore l'objet d'enquêtes, mais aussi des inculpés en fuite et des détenus qui sont déjà entre les mains du TPIR.
Avant de remettre les 15 dossiers au parquet général rwandais, le procureur Hassan Bubacar Jallow (Gambie) avait effectué une tournée dans certains pays africains où pourraient se trouver certains des suspects recherchés ou des inculpés en cavale.
M. Jallow est arrivé au Rwanda, en provenance du Cameroun, de la République démocratique du Congo (RDC), du Congo-Brazzaville et de la République centrafricaine (RCA).
La plupart des quatorze inculpés en fuite se trouveraient cachés, selon lui, en RDC.
Le plus recherché d'entre eux est le milliardaire Félicien Kabuga, parent par alliance de l'ex-président Juvénal Habyarimana et considéré comme l'"argentier du génocide".
Le Rwanda pourrait par ailleurs juger cinq des 17 accusés en attente de procès devant le TPIR, selon la stratégie d'achèvement.
"Pour cette catégorie, le règlement prévoit que le procureur saisisse la chambre pour demander une ordonnance de transfert", a précisé le porte-parole du TPIR. "Le tribunal rend sa décision après avoir entendu les parties", a-t-il conclu.
Cette disposition est cependant loin de rassurer les détenus du TPIR pour lesquels un transfert pour jugement au Rwanda, est synonyme de "mort certaine", en dépit des nombreuses promesses de Kigali de ne pas requérir la peine capitale à l'encontre des accusés en provenance du tribunal international.
Le TPIR et le gouvernement rwandais sont par ailleurs sur le point de signer un accord, en vertu duquel certains condamnés du TPIR seraient envoyés purger leurs peines au Rwanda.
"Ce projet ne vise qu'à nous envoyer à une mort certaine et dans des conditions effroyables", ont déclaré mercredi la plupart des détenus dans une lettre adressée au président norvégien du TPIR, Erik Mose.
A Kigali, la principale organisation des rescapés du génocide, Ibuka, souhaite au contraire qu'on transfère des prisonniers au Rwanda
"Si l'on transférait les gros poissons, ça montrerait au peuple qu'eux aussi peuvent être punis", a indiqué jeudi à l'AFP le secrétaire exécutif de Ibuka, Benoît Kaboyi.
"Si l'on pouvait avoir (Théoneste) Bagosora (le présumé cerveau du génocide) dans les prisons de Kigali en même temps qu'un lieutenant sous ses ordres, ça aurait un sens éducatif", a-t-il conclu.
En dix ans d'activités, le TPIR a prononcé seulement 20 condamnations et trois acquittements.