--par Edward Rwema--
KIGALI - Un homme a été reconnu coupable de meurtres jeudi par ses voisins: c'est le premier jugement rendu par un «gacaca», l'un des tribunaux communautaires mis sur pied au Rwanda pour accélérer le jugement de dizaines de milliers de personnes accusées d'avoir participé au génocide en 1994.
Réunis à Kigali, neuf juges-citoyens ont condamné Saddam Nshimiyimana à 30 ans de prison pour avoir tué des gens à un barrage routier et d'autres qui s'étaient réfugiés dans une église catholique de la capitale rwandaise durant le génocide. L'accusé, âgé de 37 ans, avait démenti avoir pris part aux meurtres mais avait reconnu avoir commis des vols et détruit des maisons de Tutsis.
Les premiers procès se sont ouverts jeudi dans 118 de ces gacaca, juridictions traditionnelles inspirées des assemblées villageoises, qui mènent des enquêtes depuis trois ans, a souligné Johnston Busingye, secrétaire général au ministère de la Justice. «Les gacaca sont une entreprise massive», souligne-t-il.
Elles ont en effet été créées pour accélérer le jugement de 63.000 personnes accusées d'avoir pris part aux massacres. Les tribunaux rwandais classiques et le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPR), basé à Arusha en Tanzanie, ne jugent que les chefs d'orchestre et principaux responsables du génocide qui dura 100 jours, au printemps 1994.
Lorsque toutes les gacacas seront opérationnelles, le pays en comptera 12.000, a précisé M. Busingye. Mais on ne sait pas quand elles seront en mesure de toutes fonctionner.
Ces tribunaux permettent aux survivants de juger des auteurs présumés du génocide de 1994 perpétré par les extrémistes hutus, au cours duquel ont été massacrés au moins 500.000 Tutsis et Hutus modérés. Les autorités rwandaises estiment qu'en mettant ainsi face-à-face survivants et exécutants du génocide, ces juridictions favoriseront la réconciliation nationale.
«Il est très bien de voir la justice passer, mais il y a toujours des accusés qui refusent de révéler la vérité sur ce qui s'est passé durant le génocide», souligne Augustin Ngendahayo, qui a perdu des dizaines de proches dans le génocide.
Les suspects sont encouragés à avouer et à demander pardon aux survivants, en échange de peines plus légères. Jusqu'ici quelque 80% de ceux qui doivent être jugés par des gacaca ont admis leur rôle dans le génocide, précise M. Busingye.
Pour chaque gacaca, des personnes habitant à proximité ont été élues et formées pour servir dans ces tribunaux composés de neuf juges. La peine maximale que peuvent infliger ces juridictions est la prison à vie, seuls les tribunaux classiques pouvant imposer la peine de mort au Rwanda.
Reste que les organisations de défense des droits de l'homme estiment que les procédures des gacaca ne sont pas conformes aux normes pénales internationales. En outre, certains survivants s'inquiètent de la lenteur du traitement des dossiers devant ces juridictions.