BRUXELLES (AFP) - Les Européens n'ont pas applaudi à l'exécution de l'ancien président irakien Saddam Hussein, pendu samedi à l'aube, réaffirmant l'opposition de principe de l'Union européenne à la peine capitale.
"Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté", proclame l'article 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, qui a visiblement guidé les réactions de la plupart des dirigeants européens après la pendaison de l'ancien dictateur condamné pour l'exécution de 148 villageois chiites dans les années 1980.
"L'UE condamne les crimes commis par Saddam et aussi la peine de mort", a déclaré la porte-parole du Haut représentant de l'UE pour la politique extérieure Javier Solana.
Des réactions similaires sont venues de différentes capitales européennes, contrastant avec celle du président américain George W. Bush qui a évoqué une "étape importante" pour la démocratie en Irak.
La France a "pris acte" de cette décision, tout en rappelant que Paris comme le reste de l'UE plaide "pour l'abolition universelle de la peine de mort".
La chancelière allemande Angela Merkel a indiqué "respecter" le verdict, tout en soulignant que Berlin "est contre la peine de mort".
La Suède a été beaucoup plus virulente, condamnant fermement l'exécution du président irakien déchu. "Le fait que la peine de mort contre Saddam Hussein a été exécutée est regrettable", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Carl Bildt, déplorant que le "processus judiciaire contre lui ne (puisse) pas être terminé".
Toutes les procédures engagées contre le dictateur s'éteignent en effet avec sa mort, notamment les poursuites pour génocide contre les populations kurdes.
La présidence finlandaise de l'UE a elle aussi condamné cette pendaison. "L'UE a toujours été contre le recours à la peine de mort (...) et comme nous l'avons déjà dit après le verdict, elle n'aurait pas dû être appliquée dans ce cas non plus", a déclaré à l'AFP le chef de la diplomatie finlandaise Erkki Tuomioja.
Madrid, qui avait lancé vendredi le même appel à ne pas exécuter Saddam Husein, a aussi "regretté" son exécution, même si "son régime dictatorial a conduit son peuple à des situations tragiques et de grande souffrance".
Le chef du gouvernement italien Romano Prodi, qui avait par avance condamné vendredi une exécution jugée "inhumaine", s'est dit "préoccupé" samedi à l'idée que cette pendaison "puisse accroître la tension" en Irak.
De nombreuses capitales européennes ont préféré exprimer l'espoir que cette mesure puisse permettre au pays d'avancer vers la réconciliation.
La ministre grecque des Affaires étrangères Dora Bakoyannis a appelé le "peuple irakien" à "suivre la voie de la réconciliation".
Son homologue néerlandais Bernard Bot a dit espérer que l'exécution "sera un pas en avant pour l'Irak, maintenant que justice est faite pour de nombreuses personnes".
La Grande-Bretagne, principale alliée des Etats-Unis dans la guerre en Irak, a semblé un peu plus satisfaite que ses partenaires européens de la mort de l'ancien dictateur.
"Il a payé", a déclaré la ministre britannique des Affaires étrangères Margaret Beckett, tout en rappelant que Londres "ne soutenait pas le recours à la peine de mort en Irak, ni nulle part ailleurs".
Opposé à titre personnel à la peine capitale, le Premier ministre Tony Blair qui a toujours paru gêné pour commenter le sort de l'ancien dictateur, est resté silencieux.
Budapest a pris moins de précaution. Saddam Hussein "a mérité la peine capitale", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, tout en assurant que la Hongrie "n'acceptait aucune forme" de peine de mort.
Hors UE, le Vatican et le Conseil de l'Europe ont condamné sans appel cette exécution.
"La mise à mort d'un coupable n'est pas la voie pour reconstruire la justice et réconcilier la société", a jugé un porte-parole du Vatican en évoquant la "nouvelle tragique".
Saddam Hussein était un "criminel impitoyable" mais il "ne fallait pas le tuer", a estimé le secrétaire général du Conseil de l'Europe Terry Davis.