Comité des droits de l'homme
Quatre-vingt-huitième session
16 octobre-3 novembre 2006
Examen des rapports présentés par les Etats parties en vertu de l'article 40 du Pacte
Troisièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis le 11 avril 1991
Barbade
[...]
Article 6
Droit à la vie
217. La Barbade reconnaît le droit inhérent à la vie de toute personne humaine et ce droit est protégé par la Constitution, laquelle dispose cependant qu'une personne peut perdre la vie en application d'une décision de justice au motif d'un acte criminel, du fait d'un acte de guerre légitime ou suite à un usage de la force se justifiant raisonnablement pour a) se défendre ou défendre autrui, b) effectuer une arrestation légale ou empêcher la fuite d'une personne légalement détenue, c) réprimer une émeute ou une insurrection, d) empêcher légalement un acte criminel. Les raisons justifiant l'usage de la force sont définies et délimitées par la common law. Il appartient dans ce cas au pouvoir judiciaire, qui est indépendant et impartial, de déterminer, en se fondant sur les circonstances d'un cas particulier et sur les lois et principes applicables, si l'usage de la force ayant provoqué le décès d'une personne était raisonnable, justifié et conforme aux limites prévues par la loi. La privation arbitraire de la vie, par un particulier ou un agent de l'État, est interdite et punissable par la loi. Quand une personne est portée manquante ou disparue, les forces de police enquêtent au mieux de leurs capacités et de leurs moyens pour la retrouver saine et sauve et, si elle a été enlevée, pour traduire son ou ses ravisseurs en justice. Les atteintes à la liberté, telles que les enlèvements, sont passibles de poursuites pénales au titre de la loi sur les délits contre la personne.
[...]
Peine de mort
225. La peine de mort est encourue en cas d'homicide volontaire et de haute trahison et pour certaines infractions à caractère militaire telles que l'intelligence avec l'ennemi et les actes de mutinerie. Aux termes de l'article 2 de la loi sur les infractions contre les personnes (chap. 141), la peine capitale est la peine obligatoire pour les personnes coupables d'homicide volontaire et, aux termes de l'article 3 de la loi contre le terrorisme (chap. 158), cette même peine est obligatoire pour les personnes coupables d'infractions apparentées à l'homicide volontaire. Aux termes de l'article 7 de la loi sur la trahison (chap. 155A), la haute trahison emporte obligatoirement la peine de mort.
226. Suite aux amendements apportés à la Constitution en 2002, les pratiques suivantes ne sont plus contraires à l'article 15 de la Constitution:
a) L'imposition et l'exécution de la peine de mort en tant que peine obligatoire;
b) Tout retard dans l'exécution d'une peine de mort légalement prononcée; et
c) Le maintien en détention légalement de personnes en attente d'exécution, dans les conditions et termes prescrits par la loi sur les établissements pénitentiaires ou habituellement appliqués à la Barbade immédiatement avant l'entrée en vigueur des amendements constitutionnels de 2002.
227. Le Gouvernement barbadien considère que son système d'administration de la peine capitale est équitable et conforme aux obligations contractées par l'État partie en vertu du Pacte étant donné que les personnes accusées ont droit à une procédure équitable. Aux termes de l'article 18 de la Constitution, toute personne accusée d'un acte criminel est présumée innocente jusqu'à preuve de sa culpabilité ou à son aveu de culpabilité. En cas d'homicide volontaire ou d'autres crimes punissables par la loi, une enquête préliminaire est menée par le tribunal de première instance aux fins de déterminer si l'auteur présumé des actes en cause est responsable de ses actes et s'il doit être jugé par la Haute Cour. S'il est considéré apte à être jugé, l'accusé comparaît devant un jury composé de personnes issues de la société civile, les audiences étant présidées par un juge. Durant toute la procédure, y compris la procédure d'arrestation et les procédures d'instruction de la juridiction inférieure, la personne accusée a le droit d'être assistée et représentée à ses propres frais par un représentant légal ou, si elle n'en a pas les moyens, un avocat commis d'office, et de le consulter. Toute personne accusée est également habilitée à se défendre seule, auquel cas le juge est tenu de lui attribuer des facilités à cette fin (20).
228. En outre, la Barbade estime que le caractère obligatoire de l'administration de la peine capitale n'est ni arbitraire ni contraire aux dispositions du Pacte. La Barbade considère qu'une interprétation littérale du Pacte conduirait à la conclusion que la peine de mort en tant que peine obligatoire est arbitraire. Or, selon le prestigieux Oxford English Dictionary et la jurisprudence de plusieurs autres juridictions régies par la common law, à savoir l'Angleterre (21), l'Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande (22), dans son sens usuel le mot «arbitraire» signifie: qui n'obéit pas à la raison, qui dépend du caprice de quelqu'un, qui n'est pas fondé sur la raison ou un principe, qui dépend du bon vouloir et du bon plaisir de quelqu'un, exercice incontrôlé de la volonté, pouvoir incontrôlé, «non conforme à la loi ou … non conforme aux principes reconnus par la loi comme pertinents pour l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire» (23).
229. La Barbade estime que ne peuvent être jugées arbitraires les peines capitales, y compris la peine capitale comme peine obligatoire, imposées conformément à la législation en vigueur dans le cadre de procédures judiciaires complètes et impartiales. La peine capitale appliquée à la Barbade est en totale conformité avec la loi. Elle n'entre pas dans la catégorie des actes relevant de l'exercice incontrôlé de la volonté ou du pouvoir. L'imposition de la peine de mort n'est pas non plus une décision dépendant du caprice d'une personne ou qui échappe à la raison, non plus qu'une décision prise sans raison valable. Si l'on interprète strictement le terme «arbitraire», la peine capitale telle qu'elle est appliquée à la Barbade ne peut donc être considérée arbitraire.
230. Quoi qu'il en soit, l'article 6 du Pacte a de toute évidence été rédigé de manière que les États qui imposaient la peine de mort avant de le signer puissent continuer à le faire. En outre, attendu que la législation de nombreux États parties contenait des dispositions établissant la peine capitale en tant que peine obligatoire au moment de l'élaboration du Pacte et que le Pacte ne contient aucune disposition interdisant expressément la peine de mort, l'intention du Pacte ne peut pas avoir été d'exclure la peine capitale imposée en tant que peine obligatoire. Dans tous les cas, l'utilisation du mot «arbitraire» dans le contexte d'une procédure pénale et d'une condamnation à une peine criminelle doit être interprétée à la lumière des autres dispositions du Pacte, c'est-à-dire en tenant compte du caractère impartial et équitable de la procédure comme requis par le Pacte. Le principe de procédure équitable et impartiale (24) est établi par les dispositions de la Constitution (25).
231. En outre, dans les faits, une personne accusée d'homicide volontaire peut, en vertu de la common law et de la loi de 1994 sur les infractions contre les personnes, invoquer plusieurs circonstances atténuantes pour sa défense. Si elles sont admises par le jury, ces circonstances atténuantes permettent à l'accusé d'être déclaré innocent ou reconnu coupable du chef moins grave d'homicide involontaire. Si la culpabilité d'homicide involontaire est retenue, la peine de mort ne peut pas être requise. Les circonstances atténuantes peuvent être, notamment: la provocation, la légitime défense, la démence, l'atténuation de la responsabilité et l'accident. En outre, la loi sur les infractions contre les personnes dispose que si certains éléments d'un crime qui seraient par ailleurs constitutifs d'un homicide volontaire sont avérés, le crime est assimilé à un crime moindre, puni d'une peine d'emprisonnement plafond ou d'emprisonnement à perpétuité. Les crimes assimilables à un crime de moindre gravité sont les suivants:
a) L'homicide commis lors de la commission d'une autre infraction ou en conjonction avec cette infraction;
b) La tentative d'homicide volontaire;
c) La conspiration aux fins d'un homicide volontaire;
d) L'aide au suicide;
e) L'infanticide (26).
232. La législation barbadienne interdit l'exécution des femmes enceintes et des mineurs.
233. À l'issue du procès, toute personne condamnée à mort peut faire appel de la condamnation et a le droit de solliciter la grâce, l'amnistie ou la commutation de sa peine. La grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine est accordée par le Gouverneur général sur recommandation du Conseil privé (27). Cet organe exerce, conjointement avec le Gouverneur général, la prérogative de grâce de l'exécutif, raison pour laquelle le Conseil privé est aussi appelé le «Comité des grâces».
Procédure de grâce
234. Les pouvoirs et devoirs du Conseil privé sont énoncés à l'article 76 de la Constitution et ses travaux sont régis par l'article 77 de la Constitution. Le Conseil privé est composé de membres éminents du pouvoir exécutif (des gouvernements précédents ou du gouvernement en exercice, en dehors de toute considération politique partisane). Ces dernières années, la pratique a été la suivante:
a) En vertu de l'article 78, paragraphe 3, de la Constitution, lorsqu'une personne est condamnée à mort, le juge du procès doit communiquer un rapport écrit sur l'affaire au Gouverneur général;
b) Si l'accusé fait appel et que la cour d'appel rejette sa demande, la cour d'appel doit transmettre l'intégralité du dossier au Secrétaire du Conseil privé dans les 21 jours suivant le rejet du recours;
c) Dès réception du dossier, le Secrétaire informe l'accusé que son recours va être examiné par le Gouverneur général et le Conseil privé et que l'accusé peut soumettre une déclaration écrite conformément à l'article 78, paragraphe 5, de la Constitution, tel qu'amendé par la Loi constitutionnelle (amendement) no 14 de 2002;
d) Ensuite, sur instruction du Gouverneur général, le Secrétaire du Conseil privé peut demander au Directeur de l'administration pénitentiaire, au Directeur de la police et à l'aumônier de la prison de lui transmettre un rapport, y compris une expertise psychiatrique, et tout autre document ou rapport pouvant être nécessaire à l'examen du recours;
e) Le Secrétaire du Conseil privé transmet tous les documents au condamné afin de permettre à ce dernier, s'il le souhaite, de soumettre ses observations écrites y relatives, directement ou par l'intermédiaire de son conseil.
235. Si le Conseil privé recommande au Gouverneur général de commuer la condamnation à mort, la peine capitale n'est pas appliquée. Si le Conseil privé recommande au Gouverneur général de ne pas commuer la condamnation à mort, ce dernier signe l'ordre d'exécution qui est ensuite transmis au Directeur de l'administration pénitentiaire et au condamné par le chef du protocole. La pratique veut que depuis toujours un ordre d'exécution soit transmis cinq jours avant la date d'exécution afin de permettre au condamné de s'entretenir avec les membres de sa famille et son conseil et de demander un sursis à exécution.
Recours devant les tribunaux
236. La coutume veut qu'un condamné puisse saisir la Haute Cour d'une demande de sursis à exécution de sa condamnation afin de lui permettre de solliciter l'autorisation de faire appel auprès de la Section judiciaire du Conseil privé ou de la Cour de justice des Caraïbes, selon qu'il convient (28). Ces sursis sont très souvent accordés.
237. Si la Cour de justice des Caraïbes n'accorde pas l'autorisation de faire appel ou le rejette après examen, la personne condamnée peut former un recours en inconstitutionnalité de la peine capitale, ce qui est assez fréquent. Un recours en inconstitutionnalité, procédure assez récente à la Barbade, habilite le plaignant à être entendu par la Haute Cour et la cour d'appel de la Barbade. La Cour de justice des Caraïbes peut également être saisie de ce type de recours. Si cette voie légale échoue, le requérant peut s'adresser au système interaméricain des droits de l'homme et au Comité des droits de l'homme des Nations Unies.
Quel est le statut de la Loi constitutionnelle (amendement) de 2002 visant à limiter le délai dont disposent les détenus condamnés (notamment les condamnés à mort) pour former un recours devant des organes intergouvernementaux de défense des droits de l'homme, tels que le Comité des droits de l'homme? Dans quelle mesure cette disposition est-elle compatible avec les obligations de la Barbade en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son premier Protocole facultatif?
238. La Loi constitutionnelle (amendement) de 2002 a force de loi à la Barbade. La disposition à laquelle le Comité fait allusion permet au Gouverneur général de fixer un délai applicable aux affaires en instance devant le Comité afin d'éviter que les procédures d'appel accumulent un retard inutile ou indu.
Étant donné que la peine de mort ne peut être imposée que pour «les crimes les plus graves» (par. 2 de l'article 6 du Pacte), donner des renseignements détaillés sur les crimes passibles de la peine de mort et préciser pour lesquels d'entre eux la peine de mort est obligatoire. Fournir des statistiques, pour les cinq dernières années, sur le nombre de peines de mort prononcées et appliquées, ainsi que sur le nombre de détenus condamnés actuellement en instance d'exécution.
239. À la Barbade, la peine de mort ne peut être imposée que pour l'homicide volontaire, la haute trahison et certains crimes à caractère militaire tels que l'intelligence avec l'ennemi et les actes de mutinerie. En outre, l'article 2 de la loi sur les infractions contre les personnes (chap. 141) dispose que la peine de mort est obligatoire en cas d'homicide volontaire. En vertu de l'article 3 de la loi contre le terrorisme (chap. 158), la peine capitale est obligatoire si les actes interdits au titre dudit article ont provoqué la mort et s'ils étaient constitutifs d'homicide ou de trahison avant sa promulgation.
240. La loi sur la trahison de 1979 dispose que l'infraction de haute trahison est constituée lorsqu'une personne:
a) Assassine ou tente d'assassiner Sa Majesté, le Gouverneur général ou toute autre personne assumant les fonctions de gouverneur général en vertu de la Constitution;
b) Blesse mortellement toute personne désignée à l'alinéa a;
c) Fait la guerre contre l'État ou mène des préparatifs à cette fin;
d) Aide un ennemi en guerre avec la Barbade ou quelque force armée que ce soit contre laquelle les Forces de Sa Majesté levées à la Barbade sont en guerre, que l'état de guerre ait été ou non déclaré entre la Barbade et le pays auquel cette force appartient.
241. Fin 2005, on dénombrait:
Détenus en attente d'exécution : 6
Exécutions les cinq années précédentes : 0
Peines capitales prononcées les cinq années précédentes : 15
L'État partie envisage-t-il de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte?
242. La peine capitale étant prévue par sa législation, la Barbade n'est pas actuellement en mesure de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. La Barbade reconnaît et considère comme importantes les obligations juridiques et internationales contraignantes qu'elle a contractées en vertu d'instruments internationaux et régionaux. Elle réaffirme ses obligations eu égard à son système de représentation démocratique et respecte les droits fondamentaux de la personne. À cet égard, l'application de la peine capitale, si le châtiment a été décidé démocratiquement par le peuple, est respectueuse du processus démocratique. La Barbade maintient que son peuple a le droit de se prononcer, par l'intermédiaire de ses représentants élus, sur les aspects les plus fondamentaux de l'ordre juridique et moral du pays. Ce respect de la volonté démocratique du peuple confirme le droit à l'autodétermination, et la Barbade, dans l'exercice de ce droit, a décidé de faire de la peine capitale un type de sanction pénale. Cela est encore confirmé par le fait que le Gouvernement a choisi de continuer à respecter le droit et la responsabilité de tous les citoyens de prendre part aux décisions qui les concernent.
[...]
Application de la peine de mort
247. Comme indiqué plus haut, la peine de mort est obligatoirement requise en cas d'homicide volontaire et de haute trahison. La peine de mort est administrée par pendaison dans l'enceinte de la prison. La loi sur les établissements pénitentiaires (chap. 168) dispose que le fonctionnaire responsable doit s'assurer que toutes les précautions ont été prises pour assurer une administration et application efficaces de la peine et veiller à ce que tous les dispositifs nécessaires à l'exécution soient en bon état de fonctionnement. À moins de décision écrite contraire du Ministre de l'intérieur, les seules personnes autorisées à assister à une exécution sont: le chef du protocole, le fonctionnaire responsable, le bourreau, le médecin de la prison, l'aumônier ou le ministre du culte de la religion du condamné, et tout autre membre du personnel pénitentiaire jugé nécessaire par le fonctionnaire responsable. Toutes les dispositions sont donc prises pour que les exécutions se déroulent aussi rapidement que possible dans un cadre restreint.
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20
Voir l'article 18 de la Constitution pour plus d'informations sur les droits des personnes accusées d'un acte criminel.
21
La common law britannique a force obligatoire à la Barbade.
22
Bien que le droit jurisprudentiel de ces juridictions ne soit pas contraignant, il a valeur convaincante compte tenu de la similarité de leur ordre juridique.
23
Voir l'affaire de la Nouvelle-Zélande Re M [1992] 1 NZLR 29 at 41, per Gallen J at 225.
24
Ces principes sont énoncés dans les articles 9 et 14 du Pacte.
25
Voir les articles 13 et 18 de la Constitution de la Barbade. Voir également les paragraphes du présent rapport sur l'application des articles 9 et 14 du Pacte.
26
Voir les articles 3, 9, 11, 12 et 14 de la loi sur les infractions contre les personnes.
27
Le Conseil privé doit être différencié de la Section judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni, qui assume une fonction judiciaire et était la cour d'appel chargée de statuer en dernier ressort à la Barbade avant la création de la Cour de justice des Caraïbes. Le Conseil privé dont il est ici question est un organe barbadien qui exerce, conjointement avec le Gouverneur général, une fonction exécutive.
28
Telle était la coutume, qui s'appliquera désormais mutatis mutandis à la Cour de justice des Caraïbes.