BRUXELLES (AFP) — La Pologne a obligé mardi l'UE à renoncer à son projet d'instituer une "Journée européenne contre la peine de mort" le 10 octobre, portant ainsi un coup à ce qui est devenue une des grandes causes européennes.
"Malheureusement, j'ai dû constater qu'il n'était pas possible de dégager un consensus entre les 27 Etats membres", a indiqué le ministre de la Justice portugais Alberto Costa, dont le pays préside l'UE, à l'issue d'une réunion avec ses homologues à Bruxelles.
Cette initiative, lancée par la Commission européenne dans le cadre des efforts de l'UE pour obtenir l'abolition universelle de la peine de mort, devait en effet recueillir l'accord unanime des 27.
La peine de mort n'existant plus dans aucun pays européen, le gouvernement très conservateur et catholique des frères Kaczynski a jugé l'organisation de cette journée inutile, sauf à l'élargir à une "Journée de défense de la vie" pour y inclure l'interdiction de l'euthanasie et de l'avortement.
"Il y a un pays qui ne souhaite pas que l'on sépare cette question d'autres questions", a admis M. Costa.
"On ne veut pas suivre aveuglément le troupeau", a simplement expliqué de son côté le ministre polonais de l'Intérieur, Wladyslaw Stasiak.
Les frères Kaczynski ont regretté par le passé que la peine de mort ait été abolie en Europe. Ils avaient même pris en 2006 une initiative sans lendemain pour tenter de modifier la Convention européenne des droits de l'Homme qui proscrit la peine de mort et s'applique aux 47 Etats du Conseil de l'Europe.
Alors que des législatives sont prévues en Pologne le 21 octobre, le veto du gouvernement polonais pourrait aussi être un geste à destination des ultra-catholiques, comme la station intégriste Radio Marya qui revendique trois millions d'auditeurs et exerce une forte influence politique.
Le Portugal maintient cependant l'organisation "d'une conférence internationale à haut niveau le 9 octobre à Lisbonne, visant à promouvoir l'abolition universelle de la peine de mort", a indiqué M. Costa.
Mais les institutions européennes et le Conseil de l'Europe n'y signeront pas, comme initialement prévu, une déclaration créant cette "Journée européenne" le 10 octobre, qui devait coïncider avec la "Journée mondiale contre la peine de mort".
M. Costa a espéré que cette idée n'était que provisoirement abandonnée.
"Les circonstances peuvent changer rapidement", a-t-il affirmé, dans une allusion aux élections polonaises.
Il a aussi voulu relativiser l'impact de cet "épisode" dans le "long combat" de l'UE contre la peine de mort.
"Décréter une journée est une chose, mener un combat est une autre. Tout ne va pas se jouer en une journée d'été", a-t-il plaidé.
Mais "d'une certaine façon, le mal est fait", a estimé un diplomate, en soulignant que "la position européenne serait affaiblie dans les négociations internationales".
A l'initiative de l'Italie, les Européens doivent en principe soumettre une résolution demandant un moratoire universel de la peine de mort lors de la prochaine assemblée générale de l'ONU qui s'ouvre fin septembre.
Mais le ministre portugais est resté flou sur la date de dépôt de ce texte, dont l'opportunité avait déjà fait débat au printemps entre les 27, par peur d'un résultat contre-productif lors du vote.
Selon Amnesty International, 1.591 personnes ont été exécutées dans le monde en 2006. La Chine, le Pakistan, l'Iran, l'Irak, le Soudan et les États-Unis sont les principaux pays qui appliquent encore la peine de mort.