Ottawa - D'une seule voix, l'opposition a dénoncé vivement le changement de cap du gouvernement conservateur qui a décidé de ne plus défendre les Canadiens condamnés à mort aux États-Unis.
Questionné aux Communes jeudi, le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, a confirmé que le Canada n'entend pas faire entendre sa voix auprès des autorités américaines pour appuyer la cause de Ronald Smith, un ressortissant canadien condamné à mort au Montana qui demande que sa peine soit commuée.
Ronald Smith est un Albertain qui a admis avoir tué deux autochtones en 1982, lors d'un voyage au Montana. De sa prison, il implore la clémence du gouverneur de cet état américain afin d'éviter l'exécution.
«Nous n'allons pas tenter de rapatrier au Canada des meurtriers qui ont subi un procès dans un pays démocratique qui respecte l'autorité de la loi», a indiqué M. Day, en réponse aux questions.
«Ça n'enverrait pas le bon message. Nous voulons préserver la sécurité publique au Canada», a-t-il ajouté.
Cette position contraste avec la position traditionnelle canadienne depuis plusieurs années. Le gouvernement a déjà intercédé en faveur d'un prisonnier canadien faisant face à la peine de mort.
Au cabinet du ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, de qui relevait ce type de cas par le passé, on offrait la même réponse.
«Nous ne nous emploierons pas à demander la clémence dans les pays démocratiques, et en particulier aux États-Unis où s'est tenu un procès équitable», a-t-on indiqué par l'entremise d'un courriel.
Visiblement, Smith ne pourra pas compter sur l'appui du gouvernement canadien pour convaincre ses geôliers de lui laisser la vie sauve.
De l'avis des trois partis d'opposition, cette décision du gouvernement conservateur de ne plus intercéder en faveur des condamnés à mort est «inquiétante».
«C'est un changement de cap majeur, tout à fait inacceptable, a résumé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. La peine de mort est abolie ici. On devrait avoir la même attitude envers les ressortissants canadiens étrangers.»
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, exige pour sa part que le Canada respecte son «bilan historique» dans ce domaine.
Du côté libéral, on va plus loin, allant jusqu'à affirmer qu'il s'agit d'une façon détournée de ramener la peine de mort pour les Canadiens. Le chef libéral, Stéphane Dion, n'a pu s'empêcher d'extrapoler.
«Que le gouvernement ne veuille même pas faire la démarche montre ce que ce gouvernement ferait s'il était majoritaire et ce qu'il ferait au Canada», a lâché M. Dion.
«Je crois que les tendances de ce gouvernement iraient encore plus loin et peut-être qu'on reviendrait au débat sur la peine de mort au Canada», a-t-il poursuivi.
En fin de journée, le gouvernement de Stephen Harper tentait de minimiser les dégâts et accusait M. Dion de sortir de vieux épouvantails.
«C'est la même campagne de peur des libéraux», a fait valoir Dimitri Soudas, attaché de presse du premier ministre, qui a pris la peine de souligner que le gouvernement conservateur n'a aucunement l'intention de rouvrir le débat sur la peine de mort.
Reste que pour le député libéral Irwin Cotler, expert international en droits de la personne, le changement de cap imposé par les conservateurs n'est rien de moins qu'un recul.
«Non seulement le Canada a-t-il aboli la peine capitale, mais nous sommes un leader sur la scène internationale en faveur de l'abolition de la peine de mort partout au monde», a expliqué M. Cotler.
Le Canada a aboli la peine de mort en 1976.
La dernière intervention du Canada en faveur d'un ressortissant canadien condamné à mort aux États-Unis remonte à la fin des années 1990. Le gouvernement canadien avait tenté de convaincre le gouverneur du Texas de l'époque, George W. Bush, de commuer la peine de Stanley Faulder, coupable du meurtre d'une femme.
Les efforts du Canada avaient été vains; Faulder avait été exécuté.