OTTAWA - Le Canada a créé la surprise parmi les militants pour les droits humains en décidant la semaine dernière de ne pas parrainer aux Nations unies une résolution réclamant un moratoire sur la peine de mort.
Ce projet de l'Union européenne a obtenu l'appui officiel d'environ 75 pays. Il devrait être soumis au vote de l'Assemblée générale de l'ONU au cours des prochaines semaines, peut-être même dès le 14 novembre.
Dans les coulisses de l'organisation internationale, on considérait le soutien du Canada à ce projet comme acquis jusqu'à tout récemment. Il faut dire que le pays a parrainné toutes les motions semblables au cours des dernières décennies.
"C'est stupéfiant que le Canada ne soit pas parmi ces 75 pays. Ça attaque directement la crédibilité du Canada comme un leader sur le plan des droits humains à travers le monde", estime la porte-parole d'Amnistie internationale Canada, Anne Ste-Marie.
A Ottawa, le ministère des Affaires étrangères affirme "la résolution a suffisamment de parrains" et que le gouvernement consacrerait son énergie à d'autres textes ayant davantage besoin d'appuis.
Le Canada a cependant l'intention de voter en faveur du moratoire le moment venu, a indiqué la porte-parole Catherine Gagnière dans un courriel.
Cette justification est toutefois loin de satisfaire les observateurs, qui y voient une rupture avec la tradition. "Le Canada a été le champion de droits humains fondamentaux qu'il a essayé de répandre à travers le monde avec un certain succès", a rappelé la bloquiste Francine Lalonde.
A son avis, le choix de ne pas parrainner cette énième résolution sur la peine de mort prouve que "le Canada n'est plus le même".
L'attitude du gouvernement est d'autant plus surprenante que le fait de parrainner un tel projet n'exige pas beaucoup d'efforts, a souligné l'ancien ambassadeur du Canada à l'ONU, Paul Heinbecker.
"Il ne s'agit habituellement que de passer quelques coups de fil et de lever la main au bon moment", a-t-il expliqué.
Le geste est cependant hautement symbolique et marque l'intention d'un Etat de jouer un rôle actif dans la promotion d'une idée au sein de la communauté internationale, a expliqué Mme Ste-Marie en entrevue à La Presse Canadienne.
D'après elle, le virage du Canada découle directement de l'arrivée au pouvoir de conservateurs dont la position sur la peine de mort est ambigüe. Mme Ste-Marie croit que le gouvernement Harper a probablement cédé à la pression des Etats-Unis.
M. Heinbecker estime pour sa part qu'il s'agit d'un geste délibéré de la part des conservateurs. "On ne peut qu'interpréter ça comme un signe de ce que le gouvernement veut projeter comme image", a-t-il insisté.
Le débat sur la peine de mort a refait surface au Canada la semaine dernière, quand le gouvernement a laissé savoir qu'il n'entendait plus intervenir pour empêcher l'exécution de citoyens condamnés à l'issue d'un procès équitable dans un pays démocratique.
La première victime de cette nouvelle politique sera vraisemblablement Ronald Allen Smith, un Albertain reconnu coupable du meurtre de deux autochtones aux Etats-Unis dans les années 1980.
Malgré les demandes répétées de La Presse Canadienne, le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, refuse de préciser lesquels des 63 autres pays qui ont toujours recours à la peine capitale satisfont à ces critères.