Le seul Canadien condamné à la peine capitale aux Etats-Unis poursuit le gouvernement conservateur qui a récemment changé de politique au sujet de la peine de mort et refuse désormais d'intercéder auprès des autorités américaines pour demander à ce que sa sentence soit commuée.
Au début du mois, le gouvernement a révélé qu'il n'entendait plus demander la clémence pour des criminels condamnés à mort «au terme d'un procès équitable dans un Etat de droit». Les conservateurs n'ont pas précisé quels pays, à part les Etats-Unis, correspondaient à cette définition.
La semaine dernière, le ministre de la Justice Rob Nicholson a indiqué que chaque cas serait étudié, mais que les meurtriers en série ou les assassins ayant tué plus d'une personne ne pourraient plus compter sur l'aide du Canada.
Ronald Allen Smith, qui a plaidé coupable au meurtre de deux autochtones en 1982, est directement visé par cette déclaration. Il affirme cependant n'avoir été mis au courant du changement de politique du gouvernement que grâce aux médias.
Les avocats de Smith soutiennent qu'en agissant ainsi, le gouvernement canadien a été injuste et qu'il a fait preuve de mauvaise foi, en contravention avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits.
Dans une requête en révision judiciaire déposée mardi en Cour fédérale du Canada, ils allèguent en outre que la décision du gouvernement revient à approuver tacitement l'exécution de Smith. Selon eux, une telle approbation enfreindrait ses droits constitutionnels ainsi que le droit international.
«En abandonnant ses efforts au nom du demandeur, en informant les autorités américaines de leur indifférence quant à son sort, ils ont tacitement signalé leur appui à la peine de mort et ainsi mis la vie du demandeur en péril et l'ont exposé à un châtiment cruel et inhabituel», peut-on lire dans les documents déposés au tribunal.
Les avocats de Smith, qui ont aussi représenté l'ingénieur d'origine syrienne Maher Arar, veulent que la Cour déclare illégale et inconstitutionnelle la nouvelle politique du gouvernement et qu'elle force Ottawa à reprendre ses démarches en faveur du condamné.
«La peine de mort est illégale au Canada et incompatible avec notre Charte, a insisté Me Lorne Waldman, qui pilote le dossier. Nous croyons que le gouvernement a l'obligation de demander la clémence pour des citoyens canadiens qui risquent d'être exécutés.»
La procédure en Cour fédérale forcera les conservateurs à préciser leur nouvelle politique au sujet de la peine capitale. Les avocats et les observateurs espèrent ainsi mieux comprendre ce qui a motivé la rupture du Canada d'avec une tradition abolitionniste remontant aux années 1970.
Malgré sa récente volte-face au sujet des condamnés à mort à l'étranger, le gouvernement assure qu'il n'a nullement l'intention de rouvrir le débat au Canada et répète qu'il continue d'appuyer les efforts pour l'imposition d'un moratoire international sur les exécutions.
Opposition
Les trois partis d'opposition ont indiqué mardi qu'ils appuyaient la poursuite de Smith. Les chefs ont écrit au gouverneur du Montana pour lui demander de commuer la peine du meurtrier.
Une pétition présentée par le Bloc québécois et signée par les députés des deux autres formations d'opposition doit par ailleurs être envoyée au gouverneur mercredi.
«Je comprends quelqu'un qui risque de perdre la vie d'utiliser tous les moyens à sa disposition, a confié le leader souverainiste Gilles Duceppe. Ce que je comprends mal, c'est ce gouvernement qui par la porte d'en arrière voudrait nous ramener sur le débat de la peine de mort.»
Le chef libéral Stéphane Dion a pour sa part souligné que le Canada s'affaiblissait sur le plan international en refusant d'intercéder en faveur de Ronald Smith. «Comment peut-on défendre ceux qui sont en danger en Chine ou en Ethiopie si on le fait pas au Montana?», a-t-il fait valoir.