Près de sept ans après les faits, l'homme présenté comme le cerveau des attentats du 11 septembre 2001, le Pakistanais Khalid Sheikh Mohammed, et quatre complices présumés ont comparu jeudi pour la première fois devant un tribunal militaire sur la base navale américaine de Guantanamo, à Cuba.
Ancien numéro 3 d'Al-Qaïda, Mohammed a affirmé vouloir la peine de mort. "Oui, c'est ce que je souhaite, être un martyr pour longtemps", a-t-il déclaré au juge militaire qui l'avait averti qu'il encourait la peine capitale s'il était reconnu coupable d'avoir organisé les attentats du 11-Septembre.
Portant des vêtements couleur crème et des turbans, Mohammed et ses complices présumés se sont installés derrière les tables réservées à la défense aux côtés de leurs avocats. Accusés de crimes de guerre pour des faits de meurtre, d'attaque de civils et de terrorisme dans les attentats de 2001 qui ont coûté la vie à 2.973 personnes aux Etats-Unis, ils risquent la peine de mort. Les cinq accusés ont fait savoir qu'ils ne voulaient pas d'avocats et qu'ils se défendraient tout seuls.
Il s'agissait de la première apparition publique de Mohammed depuis sa capture au Pakistan en 2003. Il avait ensuite été détenu dans des lieux secrets par la CIA puis transféré vers la base américaine de Guantanamo en 2006.
Selon ses défenseurs, il pourrait avoir subi une altération de ses capacités cognitives en raison des méthodes d'interrogatoire dures auxquelles il a été soumis. L'administration Bush a reconnu en février que la technique très controversée du "waterboarding", ou simulacre de noyade, avait été pratiquée sur lui.
L'audience de jeudi était consacrée à la lecture de l'acte d'accusation. Des journalistes ont pu la suivre sur des écrans dans une salle située à proximité du prétoire, grâce à un système de retransmission vidéo en circuit fermé.
L'audience constituait le test le plus important à ce jour pour le système controversé des tribunaux de l'armée américaine, dont l'avenir est incertain. La Cour suprême des Etats-Unis doit se prononcer ce mois-ci sur les droits des prisonniers de Guantanamo, ce qui pourrait entraîner un report ou l'arrêt du procès.
L'armée américaine a pris des dispositions pour tenter de réduire au minimum le risque que Mohammed diffuse de la propagande pro-Al-Qaïda lors de ses interventions au tribunal. Le juge Ralph Kohlmann, un colonel des Marines, a fait état d'un décalage de 20 secondes dans le système de retransmission vidéo en circuit fermé pour éviter que des informations stratégiques ne filtrent hors du prétoire.
La défense de Khalid Sheikh Mohammed est assurée par deux officiers de la marine et de l'armée de l'air américaines, et deux avocats civils de l'Idaho. Ses quatre co-accusés sont Ramzi Binalshibh, qui aurait été le principal intermédiaire entre les pirates du 11-Septembre et les dirigeants d'Al-Qaïda; Ali Abd al-Aziz Ali, connu sous le nom d'Ammar al-Balouchi, neveu et lieutenant de Mohammed; Mustafa Ahmad al-Hawsawi, l'assistant d'Al-Balouchi; Walid bin Attach, également connu sous le nom de Khallad, qui aurait choisi et entraîné les 19 pirates de l'air.
Mohammed a insisté sur le fait qu'il ne souhaitait pas se faire représenter par des avocats. Les autres accusés lui ont rapidement emboîté le pas et ont déclaré qu'ils voulaient eux aussi se défendre par leurs propres moyens.
L'un des avocats de la défense a affirmé que son client, Mustafa Ahmad al-Hawsawi, avait subi des pressions de la part des quatre autres pour désavouer ses avocats, ce qui a conduit le juge Kohlmann a empêcher les accusés de se parler par la suite.
Lorsque le juge a clos la séance au bout de presque 10 heures -suspensions de séance comprises-, il a demandé aux accusés de se lever, mais ceux-ci ont refusé.
Le général Tom Hartmann, un haut responsable du tribunal, a assuré mercredi que les accusés bénéficieraient de procès équitables. Mais le colonel Steve David, principal avocat de la défense, estime que ce tribunal militaire est "fondamentalement biaisé". "Nous identifierons et présenterons avec zèle chacune des (failles)" de cette juridiction, a-t-il assuré.
La Cour suprême des Etats-Unis a jugé ce type de tribunal inconstitutionnel en 2006 avant que leur statut ne soit modifié et qu'ils soient de nouveau instaurés plusieurs mois après. Une certaine confusion entoure leurs règles de procédure et leur mise en place a subi des retards.
Ces "commissions militaires" sont utilisées depuis que George Washington y a eu recours après la guerre d'Indépendance, mais c'est la première fois que les Etats-Unis en font usage lors d'un conflit en cours, a précisé le général Hartmann.
Les avocats des cinq hommes accusent les Etats-Unis d'avoir précipité la tenue du procès pour tenter d'influer sur l'élection présidentielle américaine du 4 novembre prochain. Ils ont récemment demandé au juge Kohlmann d'annuler la procédure.