Le système judiciaire américain pêche par « manque de transparence ». C'est une des conclusions auxquelles est parvenu le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, après une mission officielle de 15 jours qui l'a conduit à Washington, en Alabama, au Texas et à New York.
Philip Alston, qui donnait une conférence presse ce matin au Siège de l'ONU, a estimé qu'aux États-Unis, trois problèmes doivent être résolus en priorité. Il faut régler la question de l'indépendance judiciaire et de l'érosion du droit à la défense; enquêter systématiquement sur les rouages des systèmes de justice pénale pour identifier les réformes à y apporter; et faire en sorte que les tribunaux fédéraux puissent se saisir de toutes les plaintes substantielles concernant les condamnations injustes à la peine de mort.
Le Rapporteur spécial dont « le mandat n'est pas de plaider pour l'abolition de la peine de mort » s'est tout de même félicité que depuis 1973 aux États-Unis, 129 personnes contre lesquelles cette sentence avait été prononcée ont été innocentées. Ce nombre ne cesse de croître comme en témoigne la disculpation récente par la Cour d'appel d'un condamné incarcéré au Texas, s'est réjoui le Rapporteur spécial qui séjournait dans l'État au moment-même.
En dépit de ces signes encourageants, « je me suis heurté à des résistances », a-t-il indiqué, en rappelant qu'en Alabama et au Texas, les juges doivent leur poste aux électeurs. « Nombre de mes interlocuteurs m'ont expliqué que les juges s'estiment contraints par l'opinion publique de prononcer aussi souvent que possible la peine de mort; toute décision contraire pouvant être sanctionnée par une défaite électorale », a confié Philip Alston.
Il a souligné la nécessité de réformer en profondeur un système où les droits des accusés à un procès juste et équitable, ainsi qu'aux procédures d'appel, sont mis en péril. « Le rôle de l'institution judiciaire est de rendre la justice en toute indépendance et d'empêcher l'exécution d'innocents. Il n'est certainement pas de plaire à la vox populi », a martelé le Rapporteur spécial.
S'il est garanti, le droit à la défense est rarement respecté dans la pratique, a-t-il poursuivi, en illustrant ses propos par le fait que, selon les comtés, les avocats commis d'office peuvent s'avérer incompétents ou démotivés par une faible rémunération. Philip Alston a également mis le doigt sur le facteur des disparités raciales dans l'application de la peine de mort prononcée, « de manière disproportionnée », contre les Africains-américains, en particulier lorsque la victime est blanche.
Le Rapporteur spécial s'est montré particulièrement critique à l'égard du Texas qu'il a accusé de ne pas réexaminer les cas des condamnés à mort d'origine étrangère qui se sont vus privés de leur droit à une assistance judiciaire. Les États-Unis ont pourtant reconnu l'obligation juridique de réexaminer de tels cas, a-t-il relevé.
« Le Texas s'est gardé d'honorer cette obligation pour prouver qu'il peut défier le Gouvernement fédéral et le droit international », a tranché Philip Alston. Le Rapporteur s'est cependant félicité de l'évolution, lente mais réelle, des États-Unis « vers le consensus » qui prévaut aujourd'hui dans la plupart des autres démocraties au sujet de la peine de mort.
Philip Alston a ensuite abordé la question de la justice militaire, « souvent rendue de manière opaque ». Il a cité un cas qui en Afghanistan où le 4 mars 2007, une unité de Marines a répondu à la mort d'un de ses siens à la suite d'un attentat-suicide contre son convoi, en tuant 19 personnes et en blessant de nombreux autres.
Or, quelques temps plus tard, un bref communiqué a fait savoir que la juridiction militaire compétente avait conclu au respect par cette unité des règles d'engagement et de conduite. Faite en l'absence de tout élément de preuve, cette annonce a provoqué une colère légitime au sein des populations afghanes, a noté le Rapporteur spécial.
Philip Alston a par ailleurs exhorté les autorités américaines à rendre publics les résultats des enquêtes et des autopsies relatives à la mort de cinq prisonniers à Guantanamo Bay, en 2006 et en 2007. Il a également condamné l'échec répété des États-Unis à offrir des garanties d'impartialité dans les procédures ouvertes contre six « ennemis combattants » d'origine étrangère. Le Rapporteur spécial a prévenu que toute peine de mort prononcée à l'issue de tels procès constituerait une violation claire du droit international.
Mes recommandations, a-t-il conclu, n'ont pas de portée juridiquement contraignante. Elles ont une « dimension morale », dont certains aspects ont déjà été pris en compte par les législatures concernées, a-t-il reconnu. Sous peine de donner naissance à un dangereux système à deux vitesses, les États-Unis ne sauraient faire exception au principe selon lequel tout individu, quelle que soit sa nationalité, a droit à un procès juste, équitable et conforme au droit international, a-t-il ajouté.