La Fédération internationale des droits de l'Homme reproche au Japon d'aller "à contre-courant" de la tendance internationale en poursuivant les exécutions de condamnés, à un rythme qui s'est encore accéléré en 2008.
Dans un rapport rendu public jeudi à la veille de la Journée mondiale contre la peine de mort, la FIDH rappelle que 13 pendaisons ont été enregistrées depuis le début de l'année et demande au gouvernement japonais d'adopter sans tarder un moratoire, "première étape vers l'abolition".
Intitulé "La peine de mort au Japon: la loi du silence, à contre-courant de la tendance internationale", le document de 60 pages est le résultat d'une mission réalisée au Japon du 25 juillet au 3 août, afin d'évaluer la situation depuis la précédente enquête effectuée en 2003.
Les conclusions sont accablantes: "Le Japon continue de condamner à mort des criminels et de les enfermer pendant des décennies dans des prisons où règnent le secret et l'isolement, dans l'ignorance ou le mépris de l'opinion mondiale", affirme Florence Bellivier, secrétaire générale de la FIDH.
Le rapport dénonce notamment ce qu'il appelle les exécutions "secrètes", en expliquant que les proches des condamnés apprennent souvent leur exécution a posteriori.
Dan Van Raemdonck, vice-président de l'organisation, est encore plus pessimiste. "Nous assistons à un véritable recul", déplore-t-il, en rappelant que 102 personnes sont actuellement détenues dans les couloirs de la mort. "Aucune révision de procès de condamnés à mort n'a été acceptée depuis 1986 et aucun condamné n'a été gracié depuis 1975", ajoute-t-il.
Le Japon est le dernier grand pays industrialisé, avec les Etats-Unis, où la peine de mort est encore en usage. Les autorités justifient régulièrement son maintien par le soutien dont elle jouit parmi la population.
La FIDH dénonce cet argument, affirmant que les sondages sont faits "de manière biaisée" et que les questions posées sont "orientées afin d'obtenir la réponse souhaitée".
Un moratoire de facto de 15 mois sur les exécutions avait été observé au Japon en 2005 et 2006, le ministre de la Justice de l'époque ayant toujours refusé de signer les arrêts de mort en raison de ses convictions bouddhistes.
Après son départ, les exécutions ont repris de plus belle, atteignant un total de 26 depuis le 25 décembre 2006, dont 13 depuis le début de 2008, soit le nombre le plus élevé en une année depuis les 17 pendaisons de 1975.
Le nouveau ministre japonais de la Justice, Okiharu Yasuoka, nommé il y a 15 jours, a déclaré qu'il allait poursuivre les exécutions, en affirmant répondre ainsi au souhait de la majorité des Japonais.
Il remplace Kunio Hatoyama, qui avait été surnommé par un quotidien "la Faucheuse" en raison du nombre record d'exécutions qu'il avait approuvées.
La Journée mondiale contre la peine de mort est consacrée cette année à l'Asie, où d'après Amnesty International, au moins 664 exécutions ont été recensées en 2007.