Cour de cassation - chambre criminelle
Audience publique du mardi 20 octobre 1998
N° de pourvoi: 98-84366
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. GOMEZ, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- DOS SANTOS JORGE X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 9 juillet 1998, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande des autorités des Etats-Unis d'Amérique, a donné un avis favorable ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 9 octobre 1981, 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a donné un avis favorable à l'extradition de Antonio Y... Santos Z... ;
"aux motifs qu'il est expressément précisé par les autorités requérantes qui ont produit les textes applicables :
- que l'infraction criminelle de meurtre reprochée à Antonio Y... Santos Z... constitue un crime de catégorie A aux termes du droit de l'Etat du Connecticut, passible d'une peine d'emprisonnement d'une durée minimale de ving-cinq ans et d'une durée maximale de soixante ans ;
- que l'Etat du Connecticut n'a pas inculpé et ne peut inculper Antonio Y... Santos Z... de meurtre capital parce que les faits en l'espèce ne viennent pas justifier une telle inculpation ;
- qu'en conséquence la peine de mort ne se trouve pas applicable ;
- qu'il résulte ainsi des termes dépourvus d'ambiguïté de la demande d'extradition que les faits reprochés à Antonio Y... Santos Z... ne sont pas passibles de la peine de mort ; qu'ainsi la demande d'extradition n'encourt pas la violation alléguée au regard de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"alors que la chambre d'accusation, qui n'a pas contesté que l'Etat du Connecticut applique bien la peine de mort en cas de meurtre, a violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit l'emploi de traitements inhumains ou dégradants en émettant un avis favorable à l'extradition vers cet Etat d'une personne poursuivie pour meurtre et tentative de meurtre au prétexte dénué de toute justification que les faits poursuivis ne constitueraient pas un meurtre capital, mais seulement un crime de la catégorie A pour lequel la peine de mort n'est pas applicable, les tribunaux de l'Etat qui a demandé et obtenu une extradition pouvant toujours modifier la qualification de l'infraction extraditionnelle ou retenir des circonstances aggravantes non visées dans l'acte extraditionnel" ;
Et sur le second moyen de cassation (subsidiaire), pris de la violation des articles 5-5 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition, 6 de la Convention bilatérale d'extradition conclue entre la France et les USA, 6, 7 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à l'extradition d'Antonio Jorge Y... Santos vers les USA ;
"aux motifs que, par arrêt du 27 mars 1998, la chambre d'accusation a ordonné un supplément d'information aux fins de demander aux autorités requérantes de bien vouloir :
- préciser les dates, les autorités émettrices ou signataires, la nature et les effets juridiques au regard de la prescription, des procédures d'inscription, de validation et de confirmation du mandat d'arrêt du 2 mai 1986 énumérées dans les pièces jointes à la demande d'extradition et dans la note jointe à la demande d'arrestation provisoire :
- le cas échéant produire, avec leur traduction en langue française, tout acte de procédure utile dans le cadre des précisions ainsi demandées ;
Que suite à cette demande les autorités requérantes ont fait connaître à la Cour qu'un certain nombre d'actes pouvant être qualifiés d'interruptifs de la prescription de l'action publique par la loi française depuis le mandat d'arrêt émis le 2 septembre 1996 (avaient été effectués) ; qu'il est spécifié notamment :
- le 18 mars 1993, le juge fédéral décerne mandat d'arrêt contre Antonio Y... Santos Z... pour le crime fédéral d'évasion illégale dans le but d'éviter des poursuites ;
que d'autres actes de recherche ont été effectués au cours des années 1993 et postérieurement :
- le 12 août 1993 une citation à comparaître a été notifiée à Sousthern New England Telephone pour l'obliger à produire tous les numéros de téléphone au nom d'Augusta Z..., tante du sujet, avec lequel elle aurait été en contact ;
- le 1er août 1994, une enquête de voisinage a été effectuée à Newark (NewJersey) ;
- le 16 mars 1994 Maria Z..., belle-soeur du sujet, a été entendue par un inspecteur de police ;
qu'au vu des pièces produites par les autorités requérantes, la chambre d'accusation est en mesure de s'assurer que la prescription a été interrompue au regard des dispositions de la loi de l'Etat requérant et de celles de la loi française par des actes de poursuite et d'instruction ;
"alors que, s'agissant d'une demande d'extradition formée par les USA pour les crimes de meurtre et de tentative de meurtre, l'existence d'un mandat d'arrêt décerné pour évasion et de différents actes de recherche exercés dans l'entourage de l'intéressé ne pouvant, aux termes des articles 6 et 7 du Code de procédure pénale, démontrer que la prescription décennale a été interrompue entre la délivrance du mandat d'arrêt du 2 mai 1986 et la demande d'extradition formée plus de dix années plus tard, dès lors que rien ne permet de supposer qu'il puisse exister un lien de connexité entre les crimes de meurtre et de tentative de meurtre et l'évasion, ni que les recherches effectuées l'ont été dans le cadre des poursuites exercées pour les crimes en vertu desquels l'extradition a été demandée, il en résulte que les constatations de l'arrêt ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la demande d'extradition ne devait pas être rejetée en application des dispositions de l'article 6 de la Convention bilatérale d'extradition qui interdisent une telle mesure quand la prescription de l'action publique est acquise selon la législation de l'Etat requis" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens reviennent à critiquer les motifs de l'arrêt qui se rattachent directement et servent de support à l'avis de la chambre d'accusation sur la suite à donner à la demande d'extradition ;
Qu'ils sont, dès lors, irrecevables en application de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre d'accusation compétente et régulièrement composée ; que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Milleville conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles du 9 juillet 1998