WASHINGTON (AFP) - Le procès des cinq accusés du 11-Septembre aura lieu devant un tribunal militaire d'exception à Guantanamo, et non devant un tribunal de droit commun à New York, une annonce en forme de désaveu pour le président Obama le jour même où il déclarait être candidat à sa succession.
"Aujourd'hui, je défère Khaled Cheikh Mohammed, Ramzi ben-al-Chaïba, Ali Abd al-Aziz Ali, Wallid ben Attach et Moustapha al-Houssaoui au département de la Défense afin qu'ils soient renvoyés devant une commission militaire", a déclaré lundi devant la presse le ministre américain de la Justice Eric Holder.
Fustigeant l'interdiction imposée par le Congrès de transférer des détenus de Guantanamo sur le sol américain afin de les juger, le ministre a estimé qu'il fallait "regarder la réalité en face".
"Les restrictions imposées ne seront pas supprimées dans un avenir proche", a-t-il reconnu. "Nous ne pouvons pas retarder un procès plus longtemps par respect pour les victimes des attentats du 11-Septembre et pour leurs familles qui attendent depuis presque dix ans", a-t-il dit.
L'annonce est intervenue quelques heures à peine après que le président démocrate Barack Obama eut officiellement annoncé qu'il se représentait pour la présidentielle de 2012.
Il s'agit pourtant d'un revers majeur dans la politique que le candidat Obama de 2008 affirmait vouloir mettre en oeuvre pour en finir avec les excès de la "guerre contre le terrorisme" de son prédécesseur, le conservateur George W. Bush.
"Ce virage à 180° de la part de l'administration Obama est catastrophique pour l'Etat de droit et entame la crédibilité de l'image des Etats-Unis dans le monde", a estimé Anthony Romero, directeur de la puissante association américaine de défense des libertés civiles, l'Aclu.
M. Holder a insisté lundi sur son désaccord profond quant au choix d'un tribunal d'exception plutôt qu'un tribunal fédéral à New York comme il l'avait lui-même annoncé en novembre 2009.
Se disant "déçu" par cette décision, le sénateur démocrate Patrick Leahy a rappelé que "les tribunaux fédéraux ont condamné des centaines de terroristes" alors que "les résultats des commissions militaires paraissent bien pâles en comparaison, avec seulement une poignée de condamnations".
Khaled Cheikh Mohammed a revendiqué la paternité des attentats du 11-Septembre dont il aurait proposé l'idée à Oussama ben Laden dès 1999. Avec les quatre autres accusés, il est passé par les prisons secrètes de la CIA, où il a été torturé, avant de réapparaître à Guantanamo en septembre 2006.
Les cinq hommes risquent la peine de mort.
Leur procès pour "crimes de guerre" devant un tribunal militaire d'exception à Guantanamo avait commencé au printemps 2008 avant d'être suspendu sine die par Barack Obama, le soir même de sa prise de fonction, une décision symbolique saluée sur sa gauche.
Mais en un peu plus de deux ans, toutes ses promesses se sont écroulées: Guantanamo est toujours loin d'être fermé, les tribunaux d'exception ont été rétablis, après réforme, et le procès du 11-Septembre se tiendra dans la salle d'audience ultra-sécurisée construite par l'administration Bush sur la base navale américaine, à Cuba.
En vertu des règles des tribunaux d'exception réformés à l'automne 2009, le juge militaire présidant le procès peut toujours accepter des déclarations faites sous la contrainte ou ne pas tenir compte de la torture en examinant une condamnation à mort. Il a également conservé son pouvoir discrétionnaire pour admettre des preuves indirectes, c'est-à-dire non confirmées à la barre par un témoin.
"C'est la bonne solution au vif débat qui a précédé, les tribunaux militaires d'exception, loin du sol américain, ont toujours été la meilleure idée", a commenté le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell.