Le Parlement européen ,
— vu la proposition de recommandation à l'intention du Conseil, présentée par Baroness Ludford au nom du groupe ELDR, par Anna Terrón i Cusí, au nom du groupe PSE, par Monica Frassoni, au nom du groupe Verts/ALE, et par Marianne Eriksson, au nom du groupe GUE/NGL (B5-0426/2003),
— vu le projet de traité du 18 juillet 2003 établissant une Constitution pour l'Europe, préparé par la Convention européenne,
— vu la Déclaration transatlantique sur les relations entre l'Union européenne et les États-Unis de 1990 et le nouvel Agenda transatlantique (NAT) de 1995,
— vu la déclaration du Conseil européen concernant les relations transatlantiques, annexée aux conclusions de la présidence du Conseil européen du 12 décembre 2003 à Bruxelles,
— vu les conclusions et le plan d'action du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 à Bruxelles(1) , la déclaration des chefs d'État et de gouvernement et du Président de la Commission sur la suite des attentats du 11 septembre 2001 et la lutte contre le terrorisme, présentée lors du Conseil européen informel du 19 octobre 2001 à Gand(2) ,
— vu les orientations de l'Union européenne concernant la lutte contre la torture et la peine de mort ainsi que les orientations de l'Union européenne sur les enfants dans les conflits armés, adoptées par le Conseil "Affaires générales" en décembre 2003,
— vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies: 1368 (2001), adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 4370e réunion, le 12 septembre 2001(3) ; 1269 (1999), adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 4053e réunion, le 19 octobre 1999(4) , condamnant tous les actes de terrorisme, quels qu'en soient les motifs, où qu'ils soient commis et quels qu'en soient les auteurs, et réaffirmant que l'élimination des actes de terrorisme international, y compris ceux dans lesquels sont impliqués des États, constitue une contribution essentielle au maintien de la paix et de la sécurité internationales; et 1373 (2001), adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 4385e réunion, le 28 septembre 2001(5) ,
— vu la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée et proclamée par la résolution 217 A (III) de l'Assemblée générale du 10 décembre 1948(6) , la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne(7) , et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales(8) ,
— vu le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques,
— vu la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre et la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, adoptées le 12 août 1949, ainsi que le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, adopté le 8 juin 1977,
— vu la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires,
— vu l'ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, en 1955, et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C du 31 juillet 1957 et 2076 du 13 mai 1977,
— vu l'ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté le 9 décembre 1988,
— vu la Convention sur les droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989, et le protocole facultatif sur la Convention des droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en mai 2000,
— vu la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés,
— vu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies du 10 décembre 1984,
— vu ses résolutions du 17 mai 2001 sur l'état du dialogue transatlantique(9) ; du 13 décembre 2001 sur la coopération judiciaire entre l'Union européenne et les États-Unis dans la lutte anti-terroriste(10) ; du 7 février 2002 sur les conditions de détention des prisonniers à Guantanamo(11) ; du 15 mai 2002 sur un renforcement de la relation transatlantique axé sur la dimension stratégique et l'obtention de résultats(12) ; du 4 septembre 2003 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne(13) ; du 19 juin 2003 sur un partenariat transatlantique renouvelé pour le troisième millénaire(14) ; du 4 décembre 2003 sur la préparation du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003 à Bruxelles(15) ; et sa recommandation du 3 juin 2003 au Conseil sur les accords UE - États-Unis en matière de coopération judiciaire pénale et d'extradition,(16)
— vu les conclusions de l'audition sur le thème "Guantanamo: droit à un procès équitable", qui a eu lieu le 30 septembre 2003 à Bruxelles,
— vu l'article 49, paragraphe 3, et l'article 104 de son règlement,
— vu le rapport de la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense ainsi que l'avis de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures (A5-0107/2004),
A. considérant que les États-unis d'Amérique et les États membres de l'Union européenne ont maintes fois réaffirmé leur attachement aux valeurs démocratiques constituant le fondement de la communauté et de la solidarité transatlantiques, que sont la liberté, la démocratie, l'État de droit et les droits de l'homme,
B. considérant que l'opération militaire américaine en Afghanistan était une conséquence des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et que cette opération a bénéficié d'un large soutien au sein de la communauté internationale,
C. considérant que la majorité des prisonniers de Guantanamo ont été arrêtés lors du conflit afghan mais qu'un nombre inconnu d'entre eux ont été transférés sur la base navale sans qu'ils aient eu de liens avec le conflit afghan, par exemple à partir de Bosnie-et-Herzégovine ou d'Irak,
D. considérant que, depuis janvier 2002, quelque 660 prisonniers provenant d'approximativement 40 pays ont été d'abord transférés au camp X-Ray et ensuite au camp Delta de la base navale de Guantanamo, et qu'ils ont été, chaque fois, privés du droit de saisir la justice,
E. considérant qu'une vingtaine de prisonniers de Guantanamo Bay sont des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne et ont donc droit à la protection consulaire de l'État dont ils ont la nationalité tandis que plusieurs autres résident depuis longtemps de manière légale dans l'Union et ont droit, à ce titre, à l'assistance consulaire,
F. considérant que les prisonniers européens jouissent également de la citoyenneté de l'Union européenne, qui, conformément à l'article 20 du traité CE, donne droit à la protection consulaire de la part de l'ensemble des États de l'Union européenne,
G. considérant que l'administration américaine refuse d'octroyer aux détenus de Guantanamo l'accès aux juridictions américaines, et que la Cour suprême des États-Unis examine actuellement les questions de savoir si la base navale de Guantanamo fait partie du territoire des États-Unis et si les détenus, à l'instar des citoyens américains, jouissent des garanties prévues au titre de la Constitution des États-Unis, considérant en outre que les prisonniers de Guantanamo sont privés des garanties prévues par les dispositions internationales en matière de droits de l'homme et par les lois humanitaires internationales,
H. considérant que les institutions européennes, les États membres et l'opinion publique s'inquiètent de plus en plus des conditions de détention dans la base navale de Guantanamo ainsi que de l'état mental et physique des détenus, et ont demandé que les détenus soient traités selon les principes de l'État de droit, indépendamment de leur nationalité ou de leur origine,
I. considérant que la lutte contre le terrorisme ne peut être menée au détriment de valeurs établies, fondamentales et partagées par tous, comme le respect des droits de l'homme et de l'État de droit,
J. considérant que les États-Unis, comme les États membres, sont signataires de la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre et de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, que le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux fait partie du droit international coutumier, et que les États-Unis sont signataires du Pacte international sur les droits civils et politiques, qui constitue le cadre juridique pertinent pour déterminer si la détention des prisonniers à Guantanamo peut ou non être considérée comme arbitraire,
K. considérant que ni le décret militaire du Président Bush du 13 novembre 2001 sur la détention, le traitement et le jugement de certains non-citoyens dans la lutte contre le terrorisme, ni les décrets ultérieurs du secrétariat d'État américain à la défense sur les tribunaux militaires ne doivent être considérés comme un cadre adéquat pour la mise en œuvre des dispositions du droit international dans le cadre de la procédure et du jugement équitable prévus,
L. considérant que chaque prisonnier doit être jugé sans retard excessif et entendu publiquement et équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial,
1. adresse au Conseil les recommandations suivantes:
Concernant l'aspect juridique des détenus de Guantanamo
a) demande aux autorités américaines de mettre immédiatement un terme au vide juridique actuel dans lequel sont plongés les détenus depuis leur arrivée à Guantanamo et de garantir sans délai un accès à la justice afin de déterminer le statut de chaque détenu au cas par cas, soit en le poursuivant dans les règles qui sont fixées par les troisième et quatrième conventions de Genève et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier par ses articles 9 et 14, soit en le relâchant immédiatement, et de garantir aux accusés de crimes de guerre un procès équitable en conformité avec les lois humanitaires internationales et dans le strict respect des instruments internationaux en matière de droits de l'homme;
b) regrette qu'une cour pénale internationale ad hoc n'ait pas encore été mise en place par le Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui serait la solution la plus adéquate pour traiter cette affaire;
c) exhorte l'administration américaine à confirmer que les tribunaux militaires ad hoc établis conformément au décret militaire précité du 13 novembre 2001 et aux décrets ultérieurs du secrétaire d'État américain à la défense respecteront, en tant que "juridiction compétente", l'ensemble des dispositions juridiques internationales au sens de l'article 5 de la troisième Convention de Genève et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
d) estime par conséquent que tout procès qui ne serait pas conforme aux dispositions prévues au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur le droit d'être jugé se ferait en violation et infraction directes des lois internationales;
e) demande aux autorités américaines d'accorder aux représentants officiels des États nationaux, aux institutions internationales concernées, aux proches et aux observateurs indépendants l'accès approprié aux lieux de détention et, conformément à la procédure juridique prévue, de s'entretenir librement avec les détenus, et d'assister en qualité d'observateur à toutes les procédures des tribunaux militaires, engagées contre les détenus;
f) invite tous les États dont des ressortissants sont détenus à Guantanamo à prendre des mesures appropriées, conformément à la Convention de Genève;
g) invite les États membres et la Commission à mettre en œuvre les décisions de l'Union européenne par une action concertée des missions diplomatiques et consulaires des États membres et de la Commission (article 20 du traité UE) et à se concerter avec les autorités américaines au plus haut niveau;
h) rectifie le manquement du Conseil qui n'a pas débattu ou décidé de soumettre, au nom de l'Union européenne, un mémoire en qualité d''amicus curiae" auprès de la Cour suprême des États-Unis plaidant pour une interprétation du droit américain, concernant l'ensemble des 660 détenus, conforme à l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
i) insiste pour que l'administration américaine accorde la garantie de l'habeas corpus et d'un procès en bonne et due forme à toutes les personnes qu'elle détient, en quelque lieu que ce soit, en vertu de pouvoirs exécutifs, et tienne leurs noms à la disposition de leurs familles et représentants légaux;
j) se réjouit du fait que les autorités américaines aient libéré un détenu espagnol de Guantanamo afin qu'il soit jugé en Espagne, et espère qu'il s'agit d'un signe de changement dans la politique des autorités américaines à l'égard des détenus;
Concernant les incidences possibles sur le partenariat entre l'Europe et les États-Unis
k) partage l'avis selon lequel la relation transatlantique est inestimable et irremplaçable et pourrait être une formidable force en faveur du bien dans le monde, comme le déclare le Conseil européen, à la condition que les droits fondamentaux de l'homme – comme le droit à un procès équitable et l'interdiction de toute détention arbitraire – soient clairement respectés comme universels et non négociables, et qu'ils restent le fondement des valeurs et l'intérêt commun que préservent l'Union européenne et les États-Unis;
l) rappelle que la sécurité est un concept collectif global qui nécessite une approche multilatérale et que les traités internationaux sont les éléments fondamentaux sur lesquels doivent reposer ce cadre multilatéral pour la sécurité de l'humanité et un partenariat transatlantique renouvelé;
m) réitère sa demande que la présidence du Conseil soulève la question du droit des prisonniers de Guantanamo à un procès équitable avec les autorités américaines et l'inclue à l'ordre du jour du prochain sommet entre l'Union européenne et les États-Unis;
n) présente, avant le début du sommet UE-États-Unis en juin 2004 et avec le soutien de la Commission, une stratégie concertée comprenant une position commune (article 15 du traité UE) ainsi que les actions communes nécessaires (article 14 du traité UE) de l'Union européenne et de ses États membres, et reflétant également les points de vue exprimés par le Parlement européen;
o) recommande, pour le prochain sommet UE-États-Unis, la création d'un cadre de collaboration à long terme et le lancement d'un plan d'action commun pour la lutte contre le terrorisme, soulignant que le terrorisme international doit être combattu avec détermination, non seulement par des moyens militaires, mais également en s'attaquant aux sources des principaux problèmes politiques, sociaux, économiques et écologiques du monde d'aujourd'hui;
p) demande instamment aux États-Unis de satisfaire pleinement aux obligations prévues au titre des lois humanitaires internationales et des droits de l'homme, en respectant la véritable définition du statut des combattants, le bon traitement des enfants, l'abolition de la peine de mort ainsi qu'en préservant le traitement des prisonniers de guerre dans les conflits récents; exhorte à nouveau les États-Unis à abolir la peine de mort et à adhérer au statut de Rome sur la Cour pénale internationale;
q) exhorte les États-Unis à respecter leurs obligations au titre de la Convention sur la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants précitée, et notamment son article 3, qui interdit à tout État partie d'expulser, de refouler ou d'extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture;
---
2. charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission, aux parlements des États membres ainsi qu'au Président et au Congrès des États-Unis d'Amérique.
(1) http://ue.eu.int/pressData/en/ec/140.en.pdf.
(2) http://ue.eu.int/pressData/en/ec/ACF7BE.pdf.
(3) http://www.un.org/Docs/scres/2001/res1368e.pdf.
(4) http://www.un.org/Docs/scres/1999/99sc1269.htm.
(5) http://www.un.org/Docs/scres/2001/res1373e.pdf.
(6) http://www.un.org/Overview/rights.html.
(7) JO C 364, 18.12.2000, p. 1.
(8) http://conventions.coe.int/treaty.
(9) JO C 34 E, 7.2.2002, p. 359.
(10) JO C 177 E, 25.7.2002, p. 288.
(11) JO C 284 E du 21.11.2002, p.353.
(12) JO C 180 E du 31.7.2003, p.392.
(13) P5_TA(2003)0376.
(14) P5_TA(2003)0291.
(15) P5_TA(2003)0548
(16) P5_TA(2003)0239.