La décision de juger en août l'épouse de l'étoile montante déchue de la politique chinoise Bo Xilai pour meurtre prouve, pour les experts de la Chine, que les dirigeants communistes veulent tirer un trait sur un scandale qui a déchiré le Parti, à l'approche de la transition politique. La Chine a annoncé jeudi que Gu Kailai, l'épouse du dirigeant communiste déchu Bo Xilai, était accusée du meurtre de l'homme d'affaires britannique Neil Heywood, ami de la famille retrouvé mort dans une chambre d'hôtel de leur fief de Chongqing, en novembre dernier.
Il s'agit du dernier rebondissement dans l'énorme scandale mêlant politique et fait divers qui a jeté une lumière crue sur les profondes divisions au sein du Parti communiste chinois, à quelques mois de son congrès quinquennal d'octobre annonçant l'arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants. L'ambitieux et flamboyant Bo Xilai, considéré comme plein d'avenir, est tombé en disgrâce au printemps pour notamment des faits de corruption. Objet d'une enquête interne au PCC pour «violation de la discipline du parti», il serait en résidence surveillée.
En mars, il avait été limogé de son poste de chef du Parti de la ville-province de Chongqing puis en avril suspendu du Bureau politique du PCC. Son épouse était impliquée dans la mort suspecte de Neil Heywood. Le néomaoïste Bo s'était fait beaucoup d'ennemis avec sa campagne musclée antimafia et sa remise au goût du jour des chants révolutionnaires maoïstes dans son fief de Chongqing. Avec sa disgrâce, l'espoir de Bo d'intégrer, au prochain congrès du PCC, le comité permanent du Bureau politique, un cénacle de neuf membres qui dirige la Chine, s'était envolé.
Pour les analystes, l'annonce du procès de son épouse pour meurtre signifie que la direction communiste a atteint un consensus sur la manière de traiter le cas Bo Xilai. «Il n'y aura pas d'autre surprise» pour Willy Lam, de la Chinese University à Hong Kong. «Ils se focalisent sur Gu Kailai, et il est possible que Bo Xilai ne soit pas traité durement», prédit-il. «Cela pourrait relever d'un souci d'unité du Parti, au nom de l'harmonie, avant le congrès.»
Plusieurs chercheurs ont ainsi estimé que Bo devrait échapper à des poursuites en justice, résultat probable d'un accord entre factions rivales avant un congrès crucial. «Ces affaires étant actuellement en train d'être traitées, la situation devrait être calme avant le XVIIIe Congrès», dit Joseph Fewsmith, expert en relations internationales à l'Université de Boston. «Il y aura peut-être des négociations à mener, mais la plupart ont déjà eu lieu», dit-il.
Pour Joseph Cheng, analyste politique à la Hong Kong City University, le PCC, étant déterminé à afficher une façade d'unité avant son congrès, va essayer de «montrer que l'affaire (Gu Kailai) n'a rien à voir avec Bo Xilai». Ce vendredi, les médias officiels chinois expliquaient que l'annonce d'un procès pour meurtre de Gu montrait que personne n'était au-dessus des lois, dans un pays où la corruption exaspère la population.
Dans un éditorial de ses éditions chinoise comme anglaise, le Global Times écrivait que ce «procès emblématique» montrerait que «personne, quels que soient son statut et sa puissance, ne peut échapper au châtiment s'il se conduit sans scrupule et tout spécialement s'il attente à la vie d'autrui».
La manière dont l'agence Chine nouvelle a rapporté l'accusation de meurtre de Gu après la collecte de «preuves irréfutables» de l'empoisonnement du Britannique annonce aussi, selon les analystes, qu'elle sera jugée coupable. Cette avocate internationale encourra donc la peine de mort, parfois commuée en perpétuité en Chine.