« Si 18 000 détenus sont aujourd'hui dans le couloir de la mort à travers le monde, la tendance est à l'abolition de la peine capitale », a déclaré le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns, lors d'une conférence de presse à laquelle assistaient également le Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Olivier de Frouville, et le Président du Comité des disparitions forcées, M. Emmanuel Decaux.
Mentionnant les principaux chiffres de son rapport, M. Heyns a rappelé que 94 États Membres des Nations Unies ont aboli la peine capitale en droit interne et que 49 autres États qui ne l'ont pas appliquée au cours des 10 dernières années sont considérés de facto comme abolitionnistes.
« Seuls 50 États sont considérés comme non abolitionnistes et, en 2011, seuls 21 d'entre eux ont procédé à des exécutions », a-t-il poursuivi en ajoutant que sept États avaient exécuté plus de 20 détenus l'année dernière.
« En outre, aux États-Unis, cinq autres États ont récemment aboli la peine de mort. Ainsi, sur 50 États, 17 sont aujourd'hui abolitionnistes », s'est félicité le Rapporteur spécial. Il a en outre souligné la diminution du nombre des exécutions en Chine.
M. Heyns a estimé que, d'ici à 2030, la totalité des États pourraient être considérés de facto comme abolitionnistes, à condition que le rythme observé pendant la dernière décennie, d'un État par an n'appliquant pas la peine de mort, se poursuive.
« Nous sommes peut-être entrés dans une phase de transition à l'issue de laquelle l'opinion publique jugera la peine de mort comme un châtiment inacceptable », a-t-il poursuivi, en dressant un parallèle avec la torture, qui a longtemps été tolérée comme constituant un châtiment légitime.
Le Rapporteur spécial a ensuite souligné les autres aspects de son rapport, notamment le fait que les tribunaux militaires ne devraient pas avoir le pouvoir de condamner quiconque à mort, car ils ne sont pas adaptés pour respecter les garanties d'un procès équitable.
« Une sentence de mort ne devrait être prononcée que pour les crimes les plus graves, étant entendu qu'il s'agit de crimes avec l'intention de donner la mort », a enfin fait valoir M. Heyns.
M. Emmanuel Decaux, qui présentait le premier rapport du Comité des disparitions forcées, s'est tout d'abord félicité de l'entrée en vigueur, en décembre 2010, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
« Trente-six États l'ont en effet ratifiée et 59 autres l'ont signée », a précisé M. Decaux qui a souhaité que ce mouvement se poursuive.
Le Président du Comité a également plaidé pour un travail de sensibilisation sur les cas de disparitions forcées et sur la Convention, afin d'inciter les États à renforcer leur arsenal juridique en la matière.
Détaillant les liens entre le Comité et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, il a rappelé que leurs mandats étaient distincts, le Comité étant le mécanisme de mise en œuvre établi par la Convention.
« Ces deux organes partagent néanmoins l'objectif de lutte contre l'impunité et de ratification universelle de la Convention internationale », a-t-il indiqué.
« Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a été créé au début des années 80 et servait de canal de transmission entre les familles alléguant de cas de disparitions forcées et les États », a affirmé son Président, M. Olivier de Frouville, en rappelant qu'une résolution de l'Assemblée générale avait renforcé le rôle du Groupe de travail en 1992.
Si le Groupe de travail a, depuis sa création, transmis 53 778 cas individuels de disparitions forcées ou involontaires, a-t-il précisé, 42 000 cas sont actuellement en suspends devant le Comité. « Ces chiffres ne constituent néanmoins que la partie émergée de l'iceberg », a affirmé le Président du Groupe de travail en estimant qu'ils étaient nettement sous-évalués, notamment sur le continent africain.
M. de Frouville s'est également dit préoccupé par la pratique dite des « disparitions de courte durée », par laquelle les victimes sont placées en détention secrète ou dans des lieux inconnus, parfois en subissant des tortures et des violences, et ce en dehors de tout cadre légal. « Ces disparitions de courte durée peuvent avoir lieu dans le cadre de l'application de politiques de lutte contre le terrorisme », a-t-il fait remarquer.
En conclusion, M. de Frouville a précisé que les enlèvements, notamment dans la région du Sahel, ne pouvaient s'apparenter à des disparitions forcées puisque ces disparitions doivent être le fait d'agents de l'État ou de groupes agissant avec le soutien indiscutable des États.