(Agence France-Presse) FORT MEADE
Des intrusions ont eu lieu dans les messageries des avocats des accusés du 11 septembre, a déclaré mercredi la responsable militaire de la défense, évoquant aussi des «centaines de milliers de dossiers disparus» du système informatique des tribunaux de Guantanamo.
La colonelle Karen Mayberry était interrogée à Guantanamo par les défenseurs des cinq hommes qui encourent la peine de mort pour les attentats commis en 2001, lors d'une audience préliminaire retransmise par circuit interne sur la base de Fort-Meade, au Maryland.
Leurs avocats réclament le gel des procédures, affirmant que leurs courriers ont été surveillés lors d'une vaste opération de duplication et de transfert des dossiers du serveur des tribunaux en Virginie, près de Washington, à celui de la base de Guantanamo où se tiennent les audiences.
Lors de son témoignage, la colonelle Mayberry a décrit la disparition de dossiers entiers, pour certains «confidentiels», l'accès difficile, voire impossible, aux documents et la surveillance de courriers légalement protégés des défenseurs, qui ont pu être parfois consultés par le gouvernement américain. Des dérives qu'elle a dit avoir constatées pendant plusieurs mois et qui persistent encore aujourd'hui.
Interrogé par David Nevin, l'avocat du cerveau autoproclamé du 11 septembre, Khaled Cheikh Mohammed, la colonelle qui chapeaute toutes les équipes de défense plaidant devant les tribunaux militaires d'exception a admis qu'en janvier dernier des courriers de M. Nevin s'étaient retrouvés entre les mains de l'accusation.
«L'incertitude était devenue la règle», a-t-elle relaté, parlant de «perte massive» de documents. À un moment, il y avait «des centaines de milliers de dossiers manquants», a-t-elle dit, en présence de deux des cinq accusés. «Je n'avais plus confiance dans le système», a-t-elle fustigé.
C'est «cette crainte» qui l'a conduit à «tout arrêter», en avril, a reconnu Karen Mayberry, et à demander aux avocats de cesser d'utiliser le système commun et de ne recourir plus qu'à leurs boîtes électroniques personnelles.
Lors de son contre-interrogatoire, le procureur militaire Ed Ryan s'est demandé si la colonelle avait en fait «l'autorité» de prendre une telle décision et a invoqué le cas de Chelsea Manning, le soldat américain condamné pour la plus importante fuite de documents confidentiels de l'histoire des États-Unis, pour justifier la surveillance du système.
Il a en outre demandé si ce «n'était pas plus dangereux» d'aller consulter ses courriels depuis le Starbucks du coin - ce qu'elle a admis avoir fait -, où le WiFi n'est pas crypté et où quelqu'un peut «regarder par-dessus votre épaule». Interrogée par l'avocat David Nevin, la témoin a admis ne pas avoir constaté de telles «failles» dans la justice fédérale.
Me Nevin a estimé que les cinq hommes devaient être «autorisés à bénéficier d'un système internet qui fonctionne, et qui ne risque pas de voir 700 000 courriels saisis bon gré, mal gré».