Dans les lettres qu'il a écrites à sa fille depuis sa cellule de prison, Zeng Chengjie se montrait confiant sur ses chances d'obtenir une remise de peine, à l'instar d'autres Chinois condamnés comme lui pour des infractions financières.
Mais M. Zeng se trompait. Non seulement il a été exécuté, mais son cadavre a été incinéré et sa famille n'a été prévenue de sa mort que plusieurs jours après, par une simple notice placardée sur le mur d'un tribunal.
Tout en suscitant des réactions outrées en Chine, le cas de ce condamné à mort est venu illustrer la face la plus sombre du système judiciaire chinois, où l'arbitraire le dispute souvent à l'inhumanité.
Agée de 24 ans, la fille de M. Zeng s'était précipitée à la Cour intermédiaire de justice de la ville de Changsha, après avoir entendu des rumeurs sur la mort de son père.
Elle espérait y trouver un fonctionnaire susceptible de la rassurer. Mais Zeng Shan est seulement tombée sur l'affiche rapportant l'exécution.
«C'était comme dans un cauchemar, je n'y croyais pas», confie-t-elle à l'AFP, dans la ville méridionale de Canton où elle réside désormais.
«Dans ses lettres, mon père m'écrivait toujours qu'il y avait de l'espoir». Aujourd'hui, poursuit-elle, «nous sommes dans notre famille très en colère de ne pas avoir pu le voir une dernière fois».
Zeng avait été reconnu coupable de «collecte de fonds illégale». Son avocat a toujours affirmé que ses biens auraient facilement pu couvrir ses dettes - si l'État ne les avait pas confisqués.
Les ONG estiment que la Chine est le pays du monde qui pratique le plus d'exécutions capitales, même si le nombre est un secret d'Etat.
Le système judiciaire chinois reste soumis à l'autorité du Parti communiste au pouvoir. Il est miné par les abus, les confessions extorquées sous la torture et la quasi-absence de droits de la défense.
Dans ce contexte, les erreurs judiciaires se recensent à la pelle, tout comme les scandales similaires à celui de M. Zeng.
La liste des crimes faisant encourir l'exécution capitale a été réduite de 68 à 55 mentions en 2011, et en novembre les autorités ont promis de limiter encore ce nombre.
Mais Randy Peerenboom, professeur de droit à l'Université La Trobe de Melbourne, relativise cette réforme: «Je pense qu'il ne faut pas surestimer ceci, car il y a beaucoup de crimes passibles de la peine de mort, et cela restera le cas même s'ils restreignent la liste».
Beaucoup de Chinois sont d'ailleurs favorables à la peine de mort, mais ils se méfient d'un système judiciaire qu'ils considèrent favoriser les puissants.
La Chine avait exécuté en septembre un vendeur de rue qui avait poignardé à mort deux gardes municipaux, bien qu'en état de légitime défense selon l'avis général. De nombreux internautes avaient été outrés par cette sentence.
On avait comparé son sort à celui de Gu Kailai, la femme du dirigeant déchu Bo Xilai, qui avait échappé à la peine capitale pour le meurtre d'un homme d'affaires britannique.
Il arrive toutefois que la mobilisation de l'opinion publique fasse pencher la balance judiciaire.
«Les juges sont sensibles au fait qu'ils doivent prendre en compte ce que pense le public d'une affaire judiciaire», explique Margaret Lewis, professeur de droit à l'Université Seton Hall de New York.
Ce fut le cas pour Wu Ying, une ancienne coiffeuse trentenaire devenue en quelques années l'une des femmes les plus riches de Chine, mais qui avait fini par faire faillite sans pouvoir rembourser ses clients.
Sa condamnation à mort avait provoqué une vague de sympathie auprès du public tant les pratiques bancaires illicites sont courantes en Chine. Sa peine avait finalement été commuée en prison à vie.