BERLIN -- La condamnation à mort mardi du chef rebelle kurde Abdullah Ocalan a été accueillie plutôt fraîchement en Europe, où de nombreux pays, dont la France, ont appelé la Turquie à ne pas appliquer la sentence. La diaspora kurde en Europe a multiplié les manifestations pour protester contre le verdict.
En revanche, les Etats-Unis ont modéré leurs critiques à l'égard de la justice turque. ``A propos de la peine de mort, c'est une question qui doit être réglée par le système judiciaire turc, le parlement et le président'', a déclaré le porte-parole du département d'Etat, James Rubin, tout en reconnaissant que les Etats-Unis n'ont pas la même conception de la peine capitale que l'Europe.
L'Union européenne a demandé par la voix de l'Allemagne, qui assure la présidence tournante de l'UE, une commutation de la peine. ``Nous disons simplement: si la Turquie veut entrer dans l'Europe, elle doit se rapprocher des critères qui y prévalent'', a déclaré Ludger Volmer, un haut responsable du ministère allemand des Affaires étrangères.
Dans une déclaration rendue publique au sommet économique de Rio, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont condamné le verdict et rappelé à la Turquie que la peine de mort ne fait pas partie des ``valeurs communes'' de l'Europe.
"La France, comme les pays européens et bien d'autres, souhaite que la peine ne soit pas exécutée et qu'elle soit commuée en une autre peine", a déclaré Jacques Chirac lors de sa conférence de presse de clôture du sommet de Rio.
A Paris, le Quai d'Orsay a souligné que "l'opposition à la peine de mort était, pour la France et ses partenaires européens, une question de principe".
La Suisse et la Norvège ont pour leur part demandé à la Turquie de renoncer à exécuter la peine conformément à la pratique observée depuis 1984 par Ankara. En Espagne, le porte-parole du gouvernement Josep Pique a exhorté le Parlement turc à refuser que la peine soit appliquée, ainsi qu'il en a le pouvoir.
De son côté, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Anna Lindh, a qualifié la condamnation d'Ocalan de ``très préoccupante''.
En Turquie, les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont promis que la condamnation à mort de leur leader ne resterait pas sans réponse. ``La décision de la Turquie conduira à une intensification de la guerre'', a déclaré Mizgin Sen, un porte-parole du PKK en Europe. Dans un communiqué, les sept plus hauts responsables du PKK ont estimé que le verdict ``pourrait engouffrer dans les flammes non seulement la Turquie et le Kurdistan mais la région entière''.
De son côté, le Parlement kurde en exil a averti la Turquie qu'elle ``payerait chèrement'' pour cette décision de justice. Ali Yigit, porte-parole aux affaires internationales, a émis l'espoir qu'Ankara commue la peine. Autrement, il y aura ``un bain de sang'' a-t-il déclaré à Vitoria, au Pays basque espagnol.
La haut-commissaire aux droits l'homme des Nations unies, Mary Robinson, a jugé la sentence ``inquiétante'' étant donné les doutes qui ont pesé sur l'équité du procès. Selon Mme Robinson, ``certains aspects de la procédure légale (...) ont dévié de la norme internationale''.
A Ankara, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Sermet Atacanli, a estimé que toute ingérence étrangère dans le procès était inacceptable. De toute façon, ``nous n'avons pas le pouvoir d'intervenir dans le système judiciaire'', a-t-il affirmé.