Genève - Les procès de masse en Egypte, qui ont abouti notamment à plus de 220 condamnations à mort, sont obscènes et constituent une parodie de justice, a déclaré lundi Navi Pillay, Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme.
Dans un communiqué publié à Genève, Mme Pillay s'est également déclarée choquée et très alarmée par les verdicts et les peines de sept à dix ans de prison infligées lundi à trois journalistes de la chaîne de télévision qatarie, Al-Jazeera, accusés de soutenir les Frères musulmans du président destitué Mohamed Morsi. Dans cette affaire, onze autres accusés jugés par contumace --dont trois journalistes étrangers, deux Britanniques et une Néerlandaise-- ont été condamnés à dix ans de prison.
Elle a estimé que les accusations portées à l'encontre des journalistes étaient bien trop générales et vagues, et donc renforcent l'idée que la cible réelle est la liberté d'expression.
Ce n'est pas un crime d'avoir une caméra, ou de tenter de faire état de différents points de vue sur un événement. Ce n'est pas un crime de critiquer les autorités, ou d'interviewer des personnes qui ont des opinions impopulaires, a-t-elle insisté, appelant les autorités égyptiennes à libérer sans délai tous les journalistes et représentants des médias.
Ces condamnations, tout comme la confirmation samedi de la condamnation à mort de 183 partisans présumés du président islamiste déchu Mohamed Morsi, dont le chef de sa confrérie désormais interdite des Frères musulmans, Mohammed Badie, ont été prononcées à la suite de procédures judiciaires ponctuées par des irrégularités et qui sont en violation avec le droit international, a-t-elle dénoncé.
Elle a critiqué une répression et des attaques physiques de plus en plus sévères à la fois contre les médias et les membres de la société civile en Egypte, se disant particulièrement préoccupée par le rôle du système judiciaire dans cette répression.
Le harcèlement, la détention et la poursuite de journalistes nationaux et internationaux, y compris des blogueurs, ainsi que les attaques violentes par des assaillants non identifiés, sont devenus monnaie courante, a-t-elle ajouté, notant qu'au moins six journalistes ont été tués en Egypte depuis août 2013.
Mme Pillay a par ailleurs souligné que les autorités judiciaires egyptiennes avaient eu recours à la loi antiterroriste dans le cas des journalistes, mais aussi dans celui des plus de 1.100 personnes jugées plus tôt cette année pour avoir participé à des manifestations violentes l'été dernier.
Je pense que ces procès de masse et ces peines de mort sont obscènes et constituent une parodie de justice, a-t-elle déclaré.
Pour Mme Pillay, qui fustige aussi les condamnations à la peine capitale prononcées à l'encontre de militants en Egypte, la réputation de l'Egypte et de son appareil judiciaire en tant qu'institution indépendante est en jeu. Il y a un risque que le déni de justice ne devienne la norme en Egypte.