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Japon : L'ex-gourou de la secte Aoum condamné à la pendaison

dépêche de presse du 27 février 2004 - Reuters
Pays :
peine de mort / Japon
Shōkō Asahara
TOKYO (Reuters) - L'ancien gourou de la secte Aoum, Shoko Asahara, accusé d'avoir commandité l'attentat au gaz sarin qui avait fait 12 morts en 1995 dans le métro de Tokyo, a été condamné à la pendaison vendredi.

Au terme de huit ans de procès, l'ancien gourou de la secte Aoum Shinri Kyo (Secte de la vérité suprême) a été jugé coupable des 13 chefs d'accusation qui pesaient sur lui.

Asahara, 48 ans, a été qualifié de "criminel des plus haineux" par l'accusation, qui a avait requis sa mise à mort par pendaison pour son rôle dans cet attentat et dans d'autres crimes ayant fait au total 27 morts.

Les images de corps gisant sur les quais et de soldats revêtus de masques à gaz déployés dans les stations de métro avaient profondément choqué l'opinion publique japonaise, peu habituée à de telles violences, et suscité des inquiétudes dans le monde entier.

Quelque 5.500 personnes ont été blessées dans l'attentat du métro de Tokyo, perpétré à l'heure de pointe au moyen d'un gaz innervant, le gaz sarin.

Asahara, menotté et vêtu de noir, les cheveux courts, avait brièvement souri et marmonné quelques mots au moment de son arrivée au tribunal.

De son vrai nom Chizuo Matsumoto, l'ancien gourou a plaidé non coupable des faits qui lui sont reprochés, mais n'a à aucun moment de son procès pris la parole pour se défendre, se contentant de faire des remarques incohérentes parsemées de mots en anglais.

VOYAGES DANS LE TEMPS

De nombreux membres de la secte, jugés coupables d'avoir participé à l'attentat du métro, ainsi que d'autres crimes, ont déclaré dans les tribunaux l'avoir fait sur les ordres d'Asahara.

Le président de la cour, Shoji Ogawa, a déclaré qu'Asahara avait ordonné le meurtre, en 1989, de l'avocat Tsutsumi Sakamato, de son épouse et de son enfant -- Sakamoto s'opposait à la secte -- et avait participé au complot ayant abouti à un attentat au gaz sarin mené en 1994 dans le centre du Japon, qui avait fait sept morts.

Des grappes de photographes se pressaient vendredi devant la Cour du district de Tokyo, et selon des responsables judiciaires, 4.658 personnes se sont portés candidats pour l'un des 38 sièges proposés au public.

La police de Tokyo a déployé 400 agents à plusieurs endroits stratégiques, dont le tribunal et la prison où était détenu Asahara.

Sans compter ce procès, le Japon craint d'éventuels attentats depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et le déploiement ce mois-ci en Irak de soldats japonais ayant pour mandat de participer à la reconstruction du pays.

Des rescapés des attentats au gaz sarin ont déclaré que la condamnation à mort d'Asahara ne suffira pas à les apaiser, étant donné que le mobile de ces crimes demeure un mystère.

"Cela ne finira jamais. Je n'envisage pas du tout cela comme un point final", explique Hiroyuki Nagaoka, visé en janvier 1995 par un attentat au gaz sarin perpétré par des membres du mouvement quand il dirigeait une organisation de lutte contre les sectes.

Asahara a fondé la secte Aoum en 1987, en effectuant une synthèse des enseignements hindouiste et bouddhiste mâtinée de prédictions apocalyptiques. A son apogée, le mouvement comptait plus de 10.000 adeptes au Japon et à l'étranger, dont de nombreux diplômés des universités les plus prestigieuses du pays.

Le gourou, atteint d'une cécité partielle, a prédit que les Etats-Unis attaqueraient le Japon à l'arme nucléaire.

Il a affirmé également avoir effectué un voyage dans le temps et s'être transporté dans l'année 2006 et a décrit, fort de cette expérience, ce à quoi ressemblera la troisième guerre mondiale.

ETROITE SURVEILLANCE

Asahara, ainsi que plusieurs membres de la secte, s'étaient présentés aux élections législatives de 1990, mais n'avaient récolté qu'une poignée de votes.

Selon certains analystes, Asahara, issu d'un milieu modeste et contraint d'effectuer une partie de sa scolarité dans un lycée pour aveugles, a développé une véritable haine envers la société qui explique les dérives meurtrières de son mouvement.

Après les élections infructueuses de 1990, Aoum avait fondé une sorte de communauté au pied du mont Fuji, où les adeptes, tout en étudiant les enseignements de leur guide, s'adonnaient à des rites étranges et fabriquaient des armes, et notamment le gaz sarin utilisé dans l'attentat du métro.

Si des analystes estiment que l'attentat du métro était peut-être destiné à réaliser les prédictions apocalyptiques d'Asahara, d'autres penchant plutôt pour une mesure de diversion opérée par un mouvement aux abois déjà fortement soupçonné dans plusieurs meurtres.

L'attentat avait poussé la police et l'armée à renforcer leurs mesures de prévention face à d'éventuelles attaques chimiques ou biologiques.

La secte Aoum, qui en 1999 a admis son implication dans l'attentat au gaz sarin, s'est rebaptisé en 2000 "Aleph" -- la première lettre de l'alphabet hébreu -- et ses dirigeants affirment qu'il est inoffensif.

Mais les autorités japonaises voient les choses d'un autre oeil, et surveillent de près ses quelque 1.600 adeptes.

Ce mois-ci, la police a mené une perquisition dans des locaux utilisés par le mouvement.
(par George Nishiyama)

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