Amnesty International a appelé lundi à un moratoire sur les exécutions en Chine, dans un rapport qui souligne les graves dysfonctionnements du système judiciaire chinois.
Intitulé "Exécuté - au nom de la loi ?", le rapport de l'organisation basée à Londres survient une semaine après la publication dans la presse officielle chinoise d'une déclaration d'un député, Chen Zhonglin, qui estime qu'au moins 10.000 personnes sont exécutées chaque année à travers le pays.
Le texte mentionne également un document interne du parti communiste au pouvoir selon lequel quelque 60.000 personnes ont été exécutées entre 1997 et
"Malgré des évolutions positives dans le code de procédure pénal, la justice chinoise n'est pas en mesure d'organiser des procès justes ou impartiaux", selon Amnesty.
"Il serait inacceptable que des milliers de personnes supplémentaires soient exécutées cette année à cause des dysfonctionnements de la justice pénale", poursuit l'organisation de défense des droits de l'Homme.
Les suspects détenus pour un crime qui peut valoir la peine de mort n'ont le droit de faire appel à un avocat qu'après avoir été interrogés par la police, et ce droit leur est parfois refusé.
Or c'est souvent durant le premier interrogatoire que des aveux sont arrachés sous la torture aux prévenus, qui sont ensuite utilisés contre eux au tribunal, selon Amnesty.
De plus, la présomption d'innocence n'existe pas dans la loi chinoise, ajoute le rapport qui souligne aussi le manque d'indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique.
Le texte cite notamment le cas du bouddhiste tibétain Lobsang Dhongdup, exécuté en janvier à la suite d'un procès "grossièrement injuste" et d'une procédure d'appel "sommaire".
Amnesty rappelle aussi la condamnation à mort, par la suite commuée en prison à vie du chef de file d'une secte protestante, Gong Shengliang, sur la base de témoignages obtenus sous la torture.
Les cas mentionnés ne sont "que la partie émergée de l'iceberg", pour l'organisation qui espère qu'un moratoire serait "le premier pas vers une abolition totale de la peine de mort, signalée à des diplomates étrangers comme étant l'objectif ultime du gouvernement chinois".
Amnesty souligne que beaucoup d'exécutions en Chine ne sont pas rendues publiques. Dans la province du Yunnan (sud-ouest), l'organisation a dénombré 17 exécutions en 2002, mais elle relève qu'en 2003 les autorités y ont acheté 18 camionnettes spécialement amenagées pour pratiquer des injections létales, ou "chambres d'exécution mobiles".
"Il est hautement improbable que 17 exécutions par an dans la province justifient un investissement d'une flotte de 18 de ces véhicules", selon Amnesty.
Dans une proposition soumise au parlement, M. Chen et 40 autres députés avaient suggéré début mars que seule la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, soit autorisée en dernier ressort à prononcer la peine de mort.