Strasbourg - Le Premier ministre hongrois populiste Viktor Orban a défendu mardi devant le Parlement européen, au nom de la liberté d'expression, le droit de son pays à débattre d'un éventuel rétablissement de la peine de mort, s'attirant les foudres d'une partie de l'hémicycle européen.
La Hongrie n'a signé aucun accord sur ce dont on peut parler ou pas, a fait valoir M. Orban, soulignant que la question de la peine capitale ne devait pas être un tabou.
Il avait suscité une levée de boucliers en Europe fin avril en estimant que la question de la peine de mort, abolie en 1990 en Hongrie tout juste sortie du communisme, devait être remise à l'ordre du jour.
La Commission européenne, notamment, avait rappelé que l'abolition du châtiment suprême était une condition, un préalable pour rejoindre l'UE et pour y demeurer.
Son vice-président, Frans Timmermans, a souligné mardi, en présence de M. Orban, que la réintroduction de la peine capitale mènerait à l'application de l'article 7 du traité fondant l'Union européenne, c'est-à-dire à des sanctions contre Budapest. Le cas échéant, nous n'hésiterons pas une seule seconde à déclencher cette procédure, a-t-il prévenu.
Pour M. Orban, les règles européennes interdisant la peine capitale ne sont pas inscrites dans le marbre, il s'agit de règles écrites par l'homme et non par Dieu, donc elles peuvent être modifiées. Nous allons nous battre pour cette liberté fondamentale qu'est la liberté de penser, a-t-il insisté.
A l'exception notable des conservateurs du groupe majoritaire PPE (dont est membre le parti de M. Orban), les élus européens ont réservé un accueil très critique à ce discours.
Vous entraînez votre pays dans une dérive autocratique totalement incompatible avec nos valeurs humanistes et démocratiques européennes, a fustigé l'ancien chef de la diplomatie belge et ancien commissaire européen, Louis Michel.
Son compatriote Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux au Parlement européen, a dénoncé les provocations de Viktor Orban. Il s'en est pris notamment au lancement d'une consultation de la population hongroise au sujet de l'immigration, par le biais d'un questionnaire controversé évoquant notamment une mise aux arrêts des demandeurs d'asile, une obligation pour eux de couvrir leurs frais d'hébergement, et la possibilité de les refouler d'office. Ainsi formulées, les questions véhiculent des préjugés sur les étrangers, selon M. Timmermans.
En Hongrie la vraie question c'est la façon dont on vide la démocratie de son sens, une démocratie qui ne serait qu'une coquille vide, a dénoncé le chef de file des socialistes, Gianni Pittella.
En plénière, M. Orban - qui s'était invité au débat à Strasbourg sur son pays - a, par ailleurs, renouvelé ses critiques contre le projet de la Commission de répartir les demandeurs d'asile dans l'UE selon un système de quotas, le qualifiant de projet absurde, à la limite de la folie. Il n'y a que la Hongrie qui puisse dire si elle accepte des migrants ou pas, selon lui.