Le prix Sakharov pour la liberté d'expression décerné au bloggeur saoudien Raif Badawi a été remis à son épouse, Ensaf Haidar, au Parlement européen mercredi à Strasbourg. M. Badadawi ne pouvait participer en personne à la cérémonie car il est emprisonné depuis 2012 en Arabie Saoudite pour avoir fondé le site internet "Libérez les libéraux saoudiens" et prétendument insulté l'islam.
Le prestigieux prix décerné fin novembre au bloggeur saoudien a été placé entre les mains de son épouse Mme Haidar par le président du Parlement européen Martin Schulz mercredi à Strasbourg.
Celui-ci a réitéré son appel au roi d'Arabie Saoudite, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, pour que M. Badawi soit "gracié et libéré sans condition afin de lui permettre de retourner dans le giron de sa famille", mais aussi que son pays "stoppe cette répression systématique de la liberté d'expression", énumérant les peines d'autres activistes saoudiens.
Le président du Parlement européen a exigé la fin de la peine de mort en Arabie Saoudite ainsi que la fin des discriminations contre les femmes. "Il faut que le gouvernement arrête ce comportement vis-à-vis des femmes, car cela ne correspond pas à celui attendu au 21e siècle."
Mme Haidar a elle-même quitté l'Arabie Saoudite et réside désormais au Québec où elle s'est réfugiée avec leurs trois enfants. "J'aimerais, à vous et à vos enfants, exprimer mon soutien à votre force et à votre courage pour faire ramener votre mari chez vous (...) Vous avez été son porte-voix au moment où on l'empêchait de s'exprimer à titre personnel", a encore souligné M. Schulz.
A la demande de M. Badawi, exprimée par son épouse, les députés européens ont observé une minute de silence "à la mémoire des victimes qui sont tombées en France ou ailleurs."
"Raif est un penseur pacifique qui n'a pas voulu rester dans le troupeau des hommes de religion, restés dans une autre époque. Il s'est opposé à l'autorité et à la barbarie des religieux", a-t-elle commenté en remerciant le Parlement européen d'honorer pour la première fois un ressortissant du Golfe.
Le bloggeur Badawi a été condamné à 10 ans de prison et 1.000 coups de fouets, à une interdiction d'utiliser les médias et à une amende de 1 million de riyals saoudiens (environ 226.000 euros).
Ce jugement se réfère à la création de son site internet "Libérez les libéraux saoudiens" enfreignant la loi saoudienne sur la cybercriminalité, ainsi qu'à des accusations selon lesquelles le jeune homme aurait insulté l'islam. Raif Badawi était initialement inculpé d'apostasie, une infraction passible de la peine de mort. La cour d'appel de Djedda a confirmé la condamnation le 1er septembre dernier. Ses 50 coups de fouet hebdomadaires ont été suspendus à l'issue de sa première flagellation publique le 9 janvier dernier.
Le Prix Shakarov récompense depuis 1988 des personnalités exceptionnelles défendant la liberté d'expression. Il a été attribué l'an passé au gynécologue congolais Denis Mukwege pour son aide aux victimes de violences sexuelles.