Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur le Bahreïn, et notamment celle du 9 juillet 2015 intitulée "Bahreïn, en particulier le cas de Nabeel Rajab",
– vu la commission d'enquête indépendante de Bahreïn (BICI), qui a été créée par arrêté royal pour enquêter et faire rapport sur les événements qui ont eu lieu à Bahreïn en février 2011 et leurs conséquences, et qui a publié son rapport en novembre 2011,
– vu le deuxième rapport annuel 2014 qui a été soumis le 27 janvier 2016 par le président de l'Institut national pour les droits de l'homme, M. Abdulaziz Abul, au ministre des affaires intérieures, le Lt Général Cheikh Rachid bin Abdullah Al Khalifa,
– vu la déclaration conjointe sur le Bahreïn formulée par trente-trois États le 14 septembre 2015 lors de la trentième session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies,
– vu la déclaration conjointe sur le Bahreïn formulée le 16 juillet 2015 par le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, et le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association,
– vu le rapport de novembre 2011 de la commission d'enquête indépendante de Bahreïn (BICI),
– vu l'appel lancé en faveur de la libération immédiate de Abduljalil al-Singace, prisonnier d'opinion, qui mène une grève de la faim,
– vu la décision du conseil des ministres de la Ligue arabe, réuni au Caire le 1er septembre 2013, d'établir une Cour panarabe des droits de l'homme dans la capitale de Bahreïn, Manama,
– vu l'accord de coopération entre l'Union européenne et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), conclu en 1988,
– vu les orientations de l'Union européenne du 12 avril 2013 concernant la peine de mort,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la charte arabe des droits de l'homme, auxquels Bahreïn est partie,
– vu la résolution 68/178 de l'Assemblée générale des Nations unies et la résolution 25/7 du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste,
– vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que le Bahreïn est un partenaire clé de l'Union européenne dans la région du golfe Persique, notamment dans les domaines des relations politiques et économiques, de l'énergie et de la sécurité; qu'il est dans l'intérêt des deux parties d'approfondir leur partenariat afin de mieux relever les défis à venir;
B. considérant que, depuis le début des soulèvements intervenus en 2011, les autorités bahreïniennes ont intensifié le recours aux mesures répressives, y compris l'application de la peine de mort, contre des manifestants pacifiques en se fondant sur des accusations de terrorisme; que les tribunaux du pays ont prononcé en 2015 sept nouvelles condamnations à la peine de mort;
C. considérant que le 18 février 2014, Mohammed Ramadan, un agent de sûreté aéroportuaire de 32 ans, a été arrêté par les autorités de Bahreïn pour avoir prétendument participé – avec Husain Ali Moosa, qui avait été arrêté plus tôt – à un attentat commis à Al Dair le 14 février 2014, causant la mort d'un agent de sécurité et en blessant plusieurs autres;
D. considérant que M. Ramadan aurait été arrêté sans aucun mandat et que les deux hommes ont affirmé avoir été violemment battus et torturés jusqu'à ce qu'ils acceptent d'avouer, mais qu'ils sont ensuite revenus sur leurs aveux devant le ministère public; que ces aveux, qui auraient été obtenus sous la torture, étaient les principaux éléments de preuve utilisés à l'encontre de M. Ramadan et M. Moosa pendant leur procès;
E. considérant que, le 29 décembre 2014, une Cour pénale de Bahreïn a condamné M. Ramadan et M. Moosa à la peine capitale; qu'ils ont été condamnés en même temps que dix autres prévenus, dont neuf ont été condamnés à une peine d'emprisonnement de six ans et un à la réclusion à perpétuité; que la législation antiterroriste bahreïnienne a été invoquée pour justifier la peine de mort;
F. considérant que les condamnations à mort prononcées contre M. Ramadan et M. Moosa ont été confirmées par la Cour de cassation, la plus haute juridiction d'appel de Bahreïn, le 16 novembre 2015, bien que les deux hommes aient retiré leurs aveux et réaffirmé qu'ils avaient avoué sous la torture; que les tribunaux bahreïniens n'ont pas tenu compte de leurs déclarations ni même ouvert d'enquête;
G. considérant que M. Ramadan n'est que l'une des dix personnes détenues dans le couloir de la mort à Bahreïn et le premier à avoir été condamné à la peine de mort depuis 2011; que M. Ramadan est l'un des premiers à avoir épuisé toutes les voies de recours légales et se trouve sous la menace d'une exécution imminente; que, selon les informations disponibles, les allégations de torture de M. Ramadan n'ont fait l'objet d'aucune enquête;
H. considérant que, le 14 août 2014, cinq experts des droits de l'homme de l'ONU ont fait part au gouvernement de Bahreïn de leur préoccupation face aux allégations concernant l'arrestation et la détention arbitraires et la torture de neuf ressortissants bahreïniens, y compris M. Ramadan, et leur condamnation ultérieure au terme de procès ne respectant pas les normes internationales en matière de procès juste et équitable;
I. considérant que plusieurs ONG de défense des droits de l'homme ont rassemblé des informations concernant des procès inéquitables, des cas de torture et des condamnations à la peine de mort à Bahreïn, qui sont en violation de plusieurs conventions internationales, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel Bahreïn a adhéré en 2006;
J. considérant que la commission d'enquête indépendante de Bahreïn (BICI), qui a été établie le 29 juin 2011 au Royaume de Bahreïn par l'arrêté royal n° 28 pour enquêter et faire rapport sur les événements qui ont eu lieu à Bahreïn en février 2011, a formulé une série de recommandations en matière de droits de l'homme et de réformes politiques;
K. considérant que parmi les vingt-six recommandations de la BICI figurait la commutation de toutes les peines de mort prononcées pour des actes liés aux événements des mois de février et mars 2011; qu'il s'agit de l'une des deux recommandations qui ont été pleinement mises en œuvre, ce qui représente une avancée positive vers l'abolition de la peine de mort;
L. considérant que ces recommandations ont conduit le gouvernement de Bahreïn à créer trois organes depuis 2012 – le bureau du Médiateur rattaché au ministère de l'intérieur, une unité spéciale d'investigation rattachée aux services du Procureur général et la commission pour les droits des prisonniers et des détenus – chargés d'une mission commune, à savoir mettre un terme à l'utilisation de la torture lors des interrogatoires et dans les centres de détention;
M. considérant que de nombreuses mesures prises récemment par les autorités bahreïniennes continuent de bafouer et de restreindre les droits et les libertés d'une partie de la population, en particulier le droit de manifester pacifiquement, la liberté d'expression et la liberté numérique; que les militants des droits de l'homme sont systématiquement pris pour cible, harcelés et placés en détention;
N. considérant que, selon certains observateurs, Bahreïn compterait encore un nombre considérable de prisonniers de conscience;
O. considérant que les forces de l'ordre de Bahreïn continueraient de torturer des détenus;
1. fait part de son inquiétude et de sa déception face au retour de la pratique de la peine de mort à Bahreïn; appelle de ses vœux le rétablissement du moratoire sur la peine de mort en tant que première étape sur la voie de son abolition; invite le gouvernement de Bahreïn, et en particulier Sa Majesté Hamed ben Issa al-Khalifa, à accorder la grâce royale à Mohammed Ramadan ou à commuer sa peine;
2. condamne fermement la poursuite de l'utilisation, par les forces de sécurité, de la torture et d'autres peines ou traitements cruels ou dégradants à l'encontre des prisonniers; s'inquiète vivement pour l'intégrité physique et mentale des prisonniers;
3. juge inquiétant que la législation antiterroriste soit utilisée à Bahreïn pour punir les croyances et les convictions politiques et empêcher les citoyens d'exercer des activités politiques;
4. insiste sur l'obligation de veiller à la protection des défenseurs des droits de l'homme et de leur permettre d'exercer leurs activités sans entrave, intimidation ni harcèlement;
5. mesure les efforts que le gouvernement de Bahreïn déploie actuellement pour réformer le code pénal et les procédures judiciaires, et l'encourage à poursuivre dans cette voie; exhorte le gouvernement de Bahreïn à respecter les normes internationales sur le droit à un procès juste et équitable et à se conformer aux normes internationales minimales énoncées aux articles 9 et 14 du PIDCP;
6. invite les autorités compétentes à ouvrir rapidement des enquêtes impartiales sur toutes les allégations de torture, à engager des poursuites contre les auteurs présumés d'actes de torture et à annuler toute condamnation prononcée sur la base d'aveux obtenus sous la torture;
7. rappelle aux autorités de Bahreïn que l'article 15 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdit l'utilisation de toute déclaration obtenue par la torture comme élément de preuve dans une procédure; appelle de ses vœux la ratification immédiate du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et du deuxième protocole facultatif se rapportant au PIDCP visant à abolir la peine de mort;
8. invite le gouvernement de Bahreïn à délivrer immédiatement au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture une invitation permanente à se rendre dans le pays, ainsi qu'à lui accorder un accès sans entrave aux détenus et à tous les lieux de détention;
9. prend acte des recommandations formulées par le Médiateur, la commission pour les droits des prisonniers et des détenus et l'Institut national pour les droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne les droits des détenus et leurs conditions de détention, y compris dans les cas présumés de mauvais traitements et de torture; demande, néanmoins, au gouvernement de Bahreïn de garantir l'indépendance du bureau du Médiateur, de la commission pour les droits des prisonniers et des détenus, et de l'unité spéciale d'investigation rattachée aux services du Procureur général;
10. insiste sur le fait qu'il importe d'apporter un soutien à Bahreïn, en particulier en ce qui concerne son système judiciaire, en vue d'assurer le respect des normes internationales en matière de droits de l'homme; encourage vivement la création d'un groupe de travail sur les droits de l'homme;
11. prie les autorités de Bahreïn de lever l'interdiction de voyager imposée de manière arbitraire à Nabeel Rajab et d'abandonner toutes les charges ayant trait à la liberté d'expression retenues contre lui;
12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Royaume de Bahreïn et aux membres du Conseil de coopération du Golfe.