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Vive tension au Pakistan après l'exécution de l'assassin d'un gouverneur

dépêche de presse du 29 février 2016 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Pakistan
(Agence France-Presse) Islamabad - L'assassin d'un homme politique pakistanais favorable à une révision de la loi controversée sur le blasphème a été pendu lundi matin, une exécution qui risque de provoquer la fureur des milieux conservateurs.

Mumtaz Qadri avait été salué comme un «héros» par des islamistes après avoir abattu en 2011 Salman Taseer, gouverneur de la province du Pendjab, parce que ce dernier s'était déclaré favorable à une révision de la loi sur le blasphème, loi défendue bec et ongles par les cercles conservateurs du pays.

«Je confirme que Qadri a été pendu lundi matin dans la prison Adiala» à Rawalpindi, ville proche d'Islamabad, a déclaré à l'AFP Sajjid Gondal, haut responsable de la police locale.

Les autorités ont renforcé la sécurité à Rawalpindi, alors que des centaines de personnes se rassemblaient à proximité du domicile de Qadri, où était exposée sa dépouille.

Une cinquantaine de membres des forces de sécurité en tenue anti-émeutes, des ambulances et des dizaines de véhicules de police étaient déployés à proximité, a observé un journaliste de l'AFP sur place.

Plusieurs routes étaient fermées dans la capitale Islamabad, semant le chaos dans la circulation en pleine heure de pointe. Certaines écoles d'Islamabad et de Rawalpindi ont été fermées.

L'accès de l'immeuble abritant le logement de Qadri était filtré, et des Rangers armés étaient positionnés sur le toit de l'édifice, tandis que les mosquées à proximité diffusaient la nouvelle de l'exécution du meurtrier.

Des cris résonnaient depuis l'intérieur de la maison, tandis que des femmes chantaient des poèmes religieux.

«Je n'ai pas de regrets» a déclaré à l'AFP le frère de Qadri, Malik Abid, les larmes aux yeux.

Il a indiqué que la famille avait été convoquée à la prison dimanche soir sous prétexte que Qadri ne se sentait pas bien. Mais ce dernier leur a ensuite annoncé que les autorités les avaient trompés, et qu'il s'agissait en fait de leur ultime rencontre avant son exécution.

«Nous nous sommes mis à pleurer mais il nous a serrés dans les bras en scandant "Dieu est grand"», a indiqué Abid.

«Nous avons renforcé le dispositif de sécurité à Rawalpindi pour maintenir l'ordre et pouvoir faire face à toute situation malheureuse», a déclaré M. Gondal.

Dans la mégalopole portuaire de Karachi, des stations essence ont été fermées sous la pression de partisans de Qadri.

Mais sur Twitter, nombre de Pakistanais saluaient l'exécution.

«Bon débarras, la justice est rendue», écrivait ainsi un internaute sous le nom d'Ammar Zaidi, tandis qu'un autre, Babar Jehangir, estimait que la pendaison était «un grand jour dans l'histoire du Pakistan».

Policier affecté à la protection de Salman Taseer, Qadri avait avoué l'avoir criblé de 28 balles dans le centre d'Islamabad, geste pour lequel il a été qualifié de «héros» par des islamistes et des avocats. Il avait même été couvert de pétales de roses à sa première arrivée au tribunal.

Ses avocats avaient argué qu'en critiquant la loi sur le blasphème, Salman Taseer s'était lui-même rendu coupable de blasphème, ce qui le rendait passible de la mort -- un argument rejeté par la Cour.

L'assassinat du gouverneur du Pendjab, qui avait également soutenu Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème, avait pétrifié une classe politique locale déjà très frileuse sur toute controverse impliquant l'islam, religion d'État au Pakistan.

Mumtaz Qadri avait été condamné à la peine capitale pour meurtre et terrorisme.

Mais en mars 2015, un tribunal avait annulé sa peine pour terrorisme et ainsi reporté sine die son exécution, les autorités limitant à cette époque les exécutions aux seuls condamnés pour terrorisme.

En octobre, la Cour suprême a toutefois confirmé le verdict de culpabilité et la peine décidée en première instance.

Cette décision avait déclenché des manifestations, au cours desquelles des groupes islamistes avaient menacé de mort ceux qui exécuteraient Qadri.

Au Pakistan, la loi sur le blasphème prévoit jusqu'à la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d'offense à l'islam. Des extrémistes et des foules ont déjà lynché des personnes soupçonnées d'insultes à l'islam sans attendre le verdict de la justice.
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