Conseil Droits de l'Homme – 31ème session – segment de haut niveau
Intervention du Vice-premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères Didier Reynders
Genève, 29.02.2016
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Haut-Commissaire,
Chers collègues, Mesdames, Messieurs,
C'est un plaisir de prendre la parole aujourd'hui au début d'un nouveau mandat de la Belgique comme membre du Conseil des Droits de l'Homme et en ce dixième anniversaire du Conseil des Droits de l'homme.
Lors de son élection, la Belgique s'est engagée à veiller à la cohérence entre son action internationale et le respect des droits de l'Homme à l'intérieur de ses frontières. C'est un engagement auquel je veille personnellement. A l'heure où l'Europe est secouée par des attentats terroristes, nous mettons en place de nouvelles mesures pour faire face aux menaces qui pèsent sur nos sociétés. Il est important qu'un regard impartial extérieur analyse régulièrement nos politiques au regard des fondamentaux universels que sont l'Etat de droit et les droits de l'homme. Il y a tout juste un mois, j'ai présenté le bilan de la Belgique en matière de droits humains dans le cadre de l'examen périodique universel. Cet exercice interactif a été très utile pour passer en revue la situation des droits de l'homme dans mon pays. Notre bilan en la matière a été largement salué mais nous avons aussi reçu de nombreuses questions et recommandations. En vue d'assurer un suivi sans délai des recommandations que nous nous sommes engagés à mettre en œuvre, mais aussi de celles que nous avons reçues d'autres organes de l'ONU ou du Conseil de l'Europe, j'ai décidé de mettre en place un mécanisme de suivi régulier au plus haut niveau politique belge. Cet engagement pour que nos valeurs soient mises en œuvre en interne est à mon sens la meilleure base pour le dialogue international sur les droits de l'Homme que nous voulons mener. Au sein de ce Conseil, il se déclinera de différentes manières : un échange de bonnes pratiques, de la coopération technique sur des sujets spécifiques, mais aussi, quand la situation le requiert, la condamnation de violations ou abus graves ou systématiques des droits de l'homme.
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Ces premières lignes de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et tous les articles qui suivent constituent notre socle commun en matière de droits humains.
Cet engagement que nous avons tous pris en souscrivant à la Charte des Nations Unies au lendemain de la 2e Guerre Mondiale et en élaborant ensuite les Conventions auxquelles souscrivent un nombre toujours plus important d'Etats illustre la portée universelle des droits de l'Homme.
Cette année nous fêterons le 50e anniversaire de deux textes essentiels, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Nous devons redoubler nos efforts pour réaliser ces engagements sur le terrain. Nos engagements au niveau national, régional et international se complètent et se renforcent. Ces différentes actions permettent de faire progresser le respect des droits fondamentaux sur tous les continents. Dans ce contexte, je viens de proposer à mes collègues de l'Union européenne la mise en place d'un mécanisme régulier veillant à faire l'état des lieux du respect de l'état de droit et des droits de l'homme dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Je me réjouis par ailleurs de la décision de l'Union Africaine d'organiser en 2016 une année dédiée aux droits de l'Homme.
Cet anniversaire du pacte pour les droits civils et politiques nous encourage à poursuivre nos efforts en vue de diminuer toutes les discriminations, qu'elles soient basées sur la couleur de la peau, le sexe, le genre ou la religion, et de permettre une participation de tous à la vie politique et publique. Beaucoup de progrès ont été faits dans ce cadre, en Europe, en Afrique ou ailleurs, pour diminuer les barrières qui empêchaient notamment les femmes de participer à la vie politique. Il nous reste cependant encore du chemin à parcourir.
La démocratie, l'état de droit et les droits de l'Homme sont des piliers essentiels et complémentaires des droits humains. Dans un nombre malheureusement trop élevé d'Etats membres des Nations Unies, on observe une augmentation des atteintes aux droits de l'Homme en période pré-électorale, en particulier la liberté d'expression et d'association. La diminution de l'espace politique qui en résulte fait obstacle au débat démocratique et met en péril l'organisation de scrutin crédible. Il va sans dire que le climat d'insécurité et de répression disproportionnée qui caractérise ce rétrécissement de l'espace démocratique nuit à la légitimité politique du gouvernement et au développement politique, social et économique de la société. Le manque de consensus sur la gouvernance de l'Etat peut déstabiliser un pays et même, en causant des mouvements de populations au-delà des frontières, déstabiliser toute une région. La Belgique veillera à ce que le Conseil des Droits de l'Homme joue pleinement son rôle de mécanisme préventif des conflits en se saisissant des situations préoccupantes dans ce contexte.
Une autre priorité de la Belgique lors de son mandat au sein du Conseil des Droits de l'Homme sera la poursuite de nos efforts en vue de l'abolition universelle de la peine de mort. Elle se réjouit que de nouveaux pays aient décidé cette année de modifier leur législation en ce sens. Certains pays continuent cependant à l'appliquer sans aucune retenue, et sans égards pour les standards minimaux internationalement reconnus en la matière. Je pense notamment aux condamnés mineurs d'âge ou aux droits des enfants de personnes exécutées. Nous espérons que nos efforts et le renforcement du dialogue permettront certains progrès, notamment concernant l'application de la peine de mort pour des délits de drogues. En effet, ceux-ci ne sont pas reconnus par les conventions internationales comme appartenant à la catégorie des crimes intentionnels les plus graves auxquels la peine capitale devrait être strictement limitée. La mise en œuvre massive de la peine de mort vis-à-vis de groupes spécifiques de la population est particulièrement stigmatisante et ses effets sont par ailleurs potentiellement déstabilisants à court ou long terme pour le pays concerné. Nous avons observé récemment les effets déstabilisateurs potentiels de ces mesures, qui peuvent accroître les tensions entre les Etats et aggraver la polarisation religieuse ou ethnique. La Belgique n'a pas hésité à condamner de telles situations et continuera à le faire à l'avenir, le cas échéant. La Belgique estime également essentiel d'assurer un procès équitable à toute personne accusée. La sentence de dizaines voire de centaines de personnes, condamnées parfois à la peine capitale, lors de procès de masse est particulièrement préoccupante.
La Belgique est un des pays qui plaident activement et sans relâche pour le respect du droit international humanitaire, en toutes circonstances, y compris dans le cadre des conflits. La protection des civils dans les conflits armés doit être assurée, l'inviolabilité des écoles et des hôpitaux respectée et l'accès sans entraves de l'aide humanitaire doit être octroyé partout où cela est nécessaire, sans délai et sans conditions préalables. Je me réjouis de la cessation des hostilités en Syrie ce week-end. Cette trêve, encore fragile, permet l'accès d'une aide humanitaire indispensable et urgente pour soutenir la population. Elle permettra également, je l'espère, la reprise rapide des négociations de paix pour mettre enfin fin au langage des armes sur le terrain.
Je voudrais terminer mon intervention en soulignant que la Belgique considère le Conseil des Droits de l'Homme avant tout comme un forum de dialogue auquel nous espérons pouvoir contribuer de manière substantielle, en premier lieu par le partage d'expériences et la coopération entre pairs. Comme nous le soulignons dans le cadre de la campagne que nous menons pour rejoindre le Conseil de sécurité en 2019 et 2020, la Belgique a pour ambition de bâtir des consensus et d'agir pour la paix. Nous remercions les nombreux Etats qui ont soutenu notre candidature au Conseil Droits de l'homme. C'est un honneur que nous apprécions à sa juste valeur et nous mettrons tout en œuvre pour nous montrer dignes de cette confiance.
(Vice-premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères Didier Reynders)