Une série d'exécutions accélérées dans l'État américain de l'Arkansas s'est achevée dans une vive controverse et des condamnations internationales au lendemain de la mise à mort d'un dernier condamné, qui a apparemment suffoqué après s'être vu injecter un produit très critiqué.
Kenneth Williams, reconnu coupable de meurtre, a reçu une injection létale jeudi soir. Cet homme de 38 ans avait un quotient intellectuel d'enfant, selon ses avocats.
Ceux-ci ont tenté jusqu'au bout d'obtenir pour leur client un sursis de dernière minute, par divers recours judiciaires jusqu'à la Cour suprême à Washington, qui ont été rejetés les uns après les autres.
L'exécution, selon plusieurs témoins, s'est mal passée et Shawn Nolan, un des avocats de Kenneth Williams, a demandé vendredi l'ouverture d'une enquête.
«Nous avons essayé encore et encore d'obtenir de l'État qu'il se conforme à son propre protocole en ne torturant pas notre client jusqu'à la mort, et pourtant les récits des témoins de l'exécution indiquent que M. Williams a souffert», a-t-il ajouté.
Des journalistes américains y ayant assisté en tant que témoins indépendants ont raconté que le condamné s'était tordu sur le lit où il était sanglé, pris de convulsions, d'accès de toux, de suffocation bruyante.
Même si le micro les reliant au prisonnier était coupé, ils ont entendu celui-ci lutter ainsi plusieurs minutes, à travers la vitre séparant les deux pièces.
«Ceci est très perturbant, mais pas du tout surprenant, étant donné l'historique du sédatif midazolam, qui a été utilisé dans plusieurs exécutions qui ont mal tourné», a repris Shawn Nolan.
Le conseil fait référence à cette substance utilisée dans les injections létales, dont la péremption imminente - le 30 avril - dans les stocks pénitentiaires de l'Arkansas avait justement précipité cette série de mises à mort.
Le midazolam est un anxiolytique à l'effet anesthésiant controversé, car accusé de plonger insuffisamment le condamné dans l'inconscience.
L'État, «dans sa précipitation pour utiliser son stock de midazolam avant qu'il n'expire», a-t-il «violé le huitième amendement (de la Constitution américaine) sur l'interdiction des châtiments cruels et inhabituels ?», s'interroge vendredi la branche de l'Arkansas de la puissante organisation pour les droits, ACLU.
L'exécution, précise l'ACLU-Arkansas, doit faire l'objet d'une enquête pour «déterminer si l'État a torturé M. Williams avant de le tuer».
L'Arkansas, qui n'avait exécuté personne de 2005 jusqu'à ce mois d'avril, a exécuté quatre détenus en huit jours, dont deux en une même soirée lundi.
L'État avait initialement prévu d'exécuter huit prisonniers en 11 jours mais son programme a été la cible de multiples recours judiciaires et d'une mobilisation internationale.
La bataille devant les tribunaux s'est finalement soldée par la suspension de quatre des exécutions prévues.
De nombreuses instances internationales ont condamné l'exécution de jeudi.
Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'est par exemple dit «profondément inquiet et troublé» par la série d'exécutions et a demandé un «moratoire sur la peine de mort».
«Notre inquiétude est que ces exécutions ont été planifiées sur la base de la date d'expiration» du sédatif, a ajouté la porte-parole du Haut-Commissariat, Elizabeth Throssell.
L'exécution de M. Williams «a mis fin de facto au moratoire en place depuis 2005», a également regretté l'Union européenne, affirmant qu'elle allait «soulever la question (de l'abolition de la peine capitale) à tous les niveaux avec les autorités américaines».
Kenneth Williams avait dans un premier temps été condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir tué par balle en 1998 une étudiante et pom-pom girl de 19 ans, Dominique Hurd.
Il était parvenu à s'évader de son pénitencier un jour de 1999. Il avait alors abattu un quinquagénaire, Cecil Boren, dans sa ferme voisine de la prison.
Le fugitif avait volé le pick-up de sa victime, sa cavale le menant jusque dans le Missouri où il avait provoqué un accident de la route, tuant un jeune père de 24 ans, Michael Greenwood.
Les réactions de ces familles endeuillées ont été très différentes à l'approche de l'exécution.
La fille et la veuve de Michael Greenwood, dans une lettre et un courriel distincts datés de ce jeudi, ont demandé au gouverneur Asa Hutchinson d'épargner la vie du condamné, tandis que la famille Boren avait fait savoir qu'elle serait soulagée par l'exécution de Williams.
(Shahzad ABDUL, Sébastien BLANC)