25 avril 2007
Comité des droits de l'homme
Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte
Cinquièmes rapports périodiques des États parties attendus en 2002
JAPON
[20 décembre 2006]
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ARTICLE 6
A. La question de la peine de mort : circonstances dans lesquelles la peine de mort et appliquée
128. Au Japon, l'application de la peine de mort est limitée à 18 crimes (voir paragraphe 129 ci-dessous). Il y aurait donc un crime de plus que les 17 indiqués dans le quatrième rapport périodique mais cela ne signifie pas que la peine de mort est appliquée à un crime auquel elle n'était pas appliquée auparavant. Il a été en effet décidé que dans les affaires où l'acte constitutif du crime considéré a été commis dans le cadre d'une activité de groupe et d'un plan conçu pour le perpétrer, la sentence minimum de prison à temps serait alourdie et que la peine de mort, la prison à vie et la prison pour cinq ans ou plus seraient imposées en cas de meurtre, ce dernier étant déjà passible de la peine capitale). Pour tous les crimes, à l'exception de l'incitation à une agression étrangère, la prison à vie ou à temps, avec ou sans travaux forcés, est une peine de substitution. En conséquence, dans le système juridique japonais, la peine de mort n'est appliquée que pour des crimes particulièrement graves (meurtre ou acte intentionnel impliquant un risque sérieux d'atteinte à la vie humaine). En outre, concrètement, la peine de mort est appliquée selon des règles très strictes et minutieuses, conformément à l'arrêt du 8 juillet 1983 de la deuxième chambre basse de la Cour suprême, qui se lit comme suit :
"La peine capitale ne peut être appliquée que lorsque la responsabilité de l'auteur du crime est extrêmement grave et que la peine maximale est inévitable du point de vue de l'équilibre entre le crime et le châtiment ainsi que du point de vue général de la prévention, en tenant compte des circonstances, notamment la nature, le motif et les modalités du crime, en particulier la persistance et la cruauté du moyen de mise à mort, la gravité des conséquences, en particulier le nombre de victimes tuées, les sentiments des proches en deuil, les effets sociaux, l'âge et les antécédents de l'auteur du crime et les circonstances qui suivent la commission de celui-ci."
Au total, 20 personnes ont été condamnées à mort au cours de la période de cinq ans qui va de 1999 à 2003. Toutes avaient commis un meurtre brutal ou un meurtre à l'occasion d'un vol. Dans toutes ces affaires, il y avait eu mort d'homme.
129. On trouvera ci-dessous la liste des 18 crimes passibles de la peine capitale :
1) Direction d'une insurrection (code pénal, article 77, paragraphe premier, alinéa 1)
2) Incitation à une agression étrangère (code pénal, article 81)
3) Aide à l'ennemi (code pénal, article 82)
4) Incendie de locaux habités, etc. (code pénal, article 108)
5) Destruction par explosifs (code pénal, article 117, paragraphe premier; article 108)
6) Dommages causés à des locaux habités, etc., par inondation (code pénal, article 119)
7) Déraillement d'un train, etc., occasionnant la mort (code pénal, article 126, paragraphe 3)
8) Meurtre provoqué par la perturbation de la circulation (code pénal, article 127, article 126 paragraphe 3)
9) Introduction de substances toxiques dans les conduites d'eau ayant occasionné la mort (code pénal, article 146, dernière partie)
10) Meurtre (code pénal, article 199)
11) Vol provoquant la mort (y compris le meurtre à l'occasion d'un vol) (code pénal, article 240, dernière partie)
12) Viol à l'occasion d'un vol provoquant la mort (code pénal, article 241, dernière partie)
13) Utilisation illégale d'explosifs (loi sur le contrôle des explosifs, article premier)
14) Duel et meurtre (Loi relative au crime de duel, article 3; code pénal, article 199)
15) Meurtre résultant d'un accident d'aéronef provoqué, etc. (Loi relative à la sanction des actes qui mettent en danger l'aviation, article 2, paragraphe 3)
16) Meurtre résultant de la saisie d'un aéronef, etc. (Loi sanctionnant la saisie d'aéronefs et autres crimes apparentés, article 2)
17) Meurtre d'otages (Loi relative à la sanction de la séquestration et autres actes commis par les preneurs d'otage, article 4, paragraphe premier)
18) Meurtre organisé (Loi relative à la sanction de la criminalité organisée, au contrôle des produits de la criminalité et autres questions, article 3, paragraphe premier, alinéa 3, paragraphe 2; code pénal, article 199)
B. Vues du Gouvernement sur l'abolition de la peine de mort
130. Le Gouvernement estime que la question de savoir s'il faut maintenir ou supprimer la peine de mort devrait être laissée à l'appréciation de chaque pays, en tenant compte des sentiments de la population, des tendances de la criminalité, des politiques menées dans ce domaine et d'autres facteurs pertinents. S'agissant du Japon, cette question du maintien ou de l'abolition de la peine de mort revêt une importance capitale qui renvoie au cœur même du système de justice pénale et mérite un examen attentif sous diverses perspectives, notamment le souci de réaliser la justice sociale, en accordant une attention suffisante à l'opinion publique. Au Japon, considérant, entre autres, que la majorité de la population estime que la peine de mort est inévitable pour les crimes extrêmement odieux et atroces (la dernière enquête à ce sujet remonte à septembre 1999) et puisque ces crimes odieux tels que le meurtre ou les assassinats multiples à l'occasion d'un vol sont encore fréquents, le Gouvernement est d'avis que l'application de la peine de mort aux auteurs de tels crimes extrêmement odieux qui portent une responsabilité extrêmement grave ne peut être évitée et qu'il n'y a donc pas lieu de supprimer la peine capitale.
131. Pour les raisons ci-dessus, la question de l'adhésion éventuelle au Deuxième Protocole facultatif au Pacte mérite un examen attentif. Par ailleurs, s'agissant de la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle, qui est parfois proposée en tant que substitut à la peine de mort, d'autres points de vue se sont exprimés selon lesquels cette sanction pose des problèmes du point de vue de la politique pénale et la personnalité du détenu peut être complètement détruite par son incarcération jusqu'à la fin de ses jours. Le Gouvernement estime que cette question doit être examinée attentivement sous diverses perspectives.
C. Traitement des personnes détenues dans le quartier des condamnés à mort
a) Motifs de détention et traitement général des personnes détenues dans le quartier des condamnés à mort
132. Les prisonniers dont la condamnation à la peine capitale est devenue définitive sont placés dans des maisons de détention jusqu'à l'heure de leur exécution. Ils bénéficient essentiellement du même traitement que les prisonniers non condamnés. Ainsi, ils sont obligés de travailler et peuvent acquérir de la nourriture et des boissons à leurs propres frais. Afin de contribuer à leur stabilité émotionnelle, les prisonniers se trouvant dans le quartier des condamnés à mort peuvent bénéficier de services religieux et de services de conseil fournis par des prêtres et d'autres visiteurs de prison bénévoles, sur la demande du prisonnier.
b) Communications avec le monde extérieur dans le cas des condamnés à mort
133. La Loi sur les prisons stipule que le directeur de chaque établissement de détention examine chaque cas en tenant compte du motif de la détention afin de décider si le condamné à mort peut recevoir des visites ou correspondre avec des personnes extérieures à la prison (article 45, paragraphe premier et article 46, paragraphe premier de la Loi sur les prisons). Les détenus qui se trouvent dans le quartier des condamnés à mort sont dans une situation extrême, en ce sens qu'ils attendent l'exécution de la peine capitale. Il est dès lors particulièrement nécessaire de bien s'assurer de leur détention. Il n'est pas difficile d'imaginer l'extrême angoisse de ces prisonniers, vu la nature de leur détention, et le directeur de l'établissement pénitentiaire est donc habilité à leur imposer certaines restrictions afin de protéger leur stabilité mentale. Cela étant, hormis de rares cas, les condamnés à mort sont autorisés à rencontrer les membres de leur famille, leur avocat ou d'autres personnes concernées et à correspondre avec eux. Par ailleurs, s'il est décidé que l'affaire doit être rejugée par les tribunaux, le condamné à mort est autorisé à s'entretenir avec l'avocat qui s'occupe, ou pourrait s'occuper, de sa défense hors la présence de membres du personnel de la prison.
134. La question des communications des personnes condamnées à mort a fait aussi l'objet et de procès au civil, pour s'assurer que leur traitement à cet égard est rationnel, licite et non contraire au Pacte (voir l'avis de la Cour suprême du 26 février 1999).
c) Notification de la date d'exécution au condamné à mort et aux membres de sa famille
135. La date d'exécution est notifiée au condamné le jour de l'exécution, l'idée étant qu'une notification faite plus tôt peut avoir de profondes répercussions sur son état psychique et l'empêcher de conserver son calme.
136. L'article 74 de la Loi sur les prisons et l'article 178 du Décret d'application de ladite loi stipulent que les proches du condamné doivent être avisés de sa mort après l'application de la peine capitale et que son corps ou ses cendres doivent être remis à sa famille ou à d'autres proches sur leur demande. Hormis les dispositions ci-dessus, il n'existe pas d'autres dispositions juridiques concernant la notification de la famille du condamné à mort. Aucune autre personne, y compris les membres de la famille, ne doit être informée à l'avance de la date de l'exécution. Les raisons de cette règle sont les suivantes : la famille peut vivre inutilement des moments d'angoisse si elle est informée à l'avance de la date de l'exécution; et si le condamné à mort apprend la date de son exécution lorsque des membres de sa famille informés de la date d'exécution lui rendent visite, il peut en résulter de profondes répercussions sur l'état psychique du prisonnier et sur son aptitude à garder son calme.
137. L'établissement pénitentiaire vérifie à l'avance les souhaits du condamné à mort concernant la transmission de ses biens, le don de son corps à une institution médicale -- questions que le prisonnier doit régler avec sa famille à l'avance -- et ordonne au prisonnier de finir de prendre les dispositions nécessaires lors des visites de sa famille et par d'autres moyens de communications avec celle-ci.
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