Nations Unies
Conseil économique et social
Commission pour la prévention du crime et la justice pénale
Dixième session Vienne, 8-17 mai 2001
Règles et normes des Nations Unies dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale
29 mars 2001
Peine capitale et application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort
Rapport du Secrétaire général
Résumé
Dans sa résolution 1745 (LIV) du 16 mai 1973, le Conseil économique et social a invité le Secrétaire général à lui présenter, tous les cinq ans, à partir de 1975, un rapport analytique périodique à jour sur la peine capitale. Dans sa résolution 1995/57, du 28 juillet 1995, le Conseil a recommandé que les rapports quinquennaux du Secrétaire général, tels que celui qui lui avait été présenté en 1995, continuent à porter aussi sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. Dans la même résolution, le Conseil a prié le Secrétaire général, lorsqu'il établirait le sixième rapport quinquennal, de faire usage de toutes les données disponibles, y compris les recherches criminologiques en cours. Le présent rapport quinquennal, le sixième, fait le point sur l'usage de la peine capitale et les tendances en la matière durant la période 1994-2000, ainsi que sur l'application des garanties. Il s'agit d'une version révisée et actualisée du rapport du Secrétaire général sur ce sujet (E/2000/3), soumis au Conseil à sa session de fond de 2000, à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa neuvième session, et à la Commission des droits de l'homme à sa cinquante-sixième session. Soixante-trois pays ont participé à l'enquête. Le taux de réponse des pays favorables au maintien de la peine de mort, et en particulier ceux qui appliquent très souvent ce châtiment, était à nouveau relativement faible. Une conclusion importante est que depuis 1994, le rythme auquel les pays ont aboli la peine capitale n'a guère évolué. Cependant, étant donné qu'un moins grand nombre d'États démocratiques a vu le jour au cours de ces dernières années, et que le groupe de pays et de régions favorables au maintien de la peine de mort et susceptibles d'être plus réticents au changement est plus restreint, la progression vers l'abolition à travers le monde est impressionnante.
Table des matières
I. Introduction
II. Généralités et portée
III. Évolution de la situation concernant la peine capitale au cours de la période1994-1998
A. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour toutes les infractions au début de1994
B. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun au début de1994
C. Pays favorables au maintien de la peine de mort en 1994
D. Situation de la peine capitale à la fin de 2000: récapitulatif des changements survenus depuis le début de 1994
IV. Application de la peine de mort
V. Faits nouveaux intervenus sur le plan international
VI. Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort
A. Première garantie
B. Deuxième garantie
C. Troisième garantie
D. Quatrième garantie
E. Cinquième garantie
F. Sixième garantie
G. Septième garantie
H. Huitième garantie
I. Neuvième garantie
VII. Informations et recherches
VIII. Observations finales
Annexes
I. Données et tableaux supplémentaires
II. Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort
[NB www.peinedemort.org :
le tableau 1 - Situation de la peine capitale à la fin de 2000
le tableau 2 - Pays et régions où 20 exécutions au moins ont été signalées pour la période 1994-1999, et taux moyen annuel estimé d'exécutions par million d'habitants
et les tableaux des annexes ne sont pas reproduits dans cette mise en ligne.
Ils sont consultables sur le site de l'ONU]
I. Introduction
1. Le présent rapport est une version révisée et actualisée du sixième rapport quinquennal sur la peine capitale et l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (E/2000/3), pour la période 1994-1998(1). Il a été préparé conformément aux résolutions du Conseil économique et social 1745 (LIV), du 16 mai 1973 et 1995/57 du 28 juillet 1995.
2. Le sixième rapport quinquennal (E/2000/3) a été présenté à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa neuvième session, conformément aux résolutions du Conseil économique et social 1745 (LIV) et 1990/51 du 24 juillet 1990. On a alors proposé que le rapport soit examiné par la Commission à sa dixième session. Le rapport du Secrétaire général s'inspirait des données communiquées par 45 États. Le présent rapport, révisé et actualisé, reprend des données émanant de 18 États supplémentaires, soit 63 États au total. Conformément à la résolution du Conseil 1995/57, il a également été soumis à la Commission des droits de l'homme à sa cinquante-sixième session. Dans sa résolution 2000/65 du 26 avril 2000, la Commission des droits de l'homme prend acte avec satisfaction du rapport et prie instamment tous les États qui maintiennent encore la peine de mort d'instituer un moratoire sur les exécutions, en vue d'abolir définitivement la peine de mort.
3. Pour aider le Secrétaire général à réunir des informations complètes, exactes et à jour sur l'application de la peine de mort et la mise en œuvre des garanties, un certain nombre de mesures ont été prises. Sous les auspices du Centre pour la prévention internationale du crime qui relève de l'Office des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, un questionnaire a été élaboré et la sixième enquête a porté sur ces deux questions parallèlement. Conformément à une note verbale du 6 décembre 1999, le Secrétaire général a invité les gouvernements à lui communiquer les données essentielles requises à cet égard. Par une communication officielle du 24 février 2000, il a également invité les organisations intergouvernementales, les organisations non gouvernementales et les organismes des Nations Unies intéressés ainsi que les instituts appartenant au réseau du Programme des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale à lui faire part de leurs observations. À la neuvième session du Comité spécial sur l'élaboration d'une convention contre la criminalité transnationale organisée, tenue à Vienne du 5 au 16 juin, le Secrétariat a instamment demandé la coopération des États membres dans cette enquête pour que le taux de réponses soit le plus élevé possible(2).
4. Dans sa résolution 1745 (LIV), le Conseil économique et social a invité le Secrétaire général à lui présenter, tous les cinq ans à partir de 1975, un rapport analytique périodique à jour sur la peine capitale. Le premier de ces rapports, présenté en 1975, portait sur la période 1969-1973 (E/5616 et Add.1 et Corr.1 et 2). Le deuxième, établi en 1980, portait sur la période 1974-1978 (E/1980/9 et Corr.1 et 2, Add.1 et Corr.1, et Add.2 et 3); il a également été communiqué, conformément à la décision 1980/142 du Conseil économique et social, en date du 2 mai 1980, au sixième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. Le troisième rapport (E/1985/43 et Corr.1), qui portait sur la période 1979-1983, a été examiné par le Conseil en 1985 et par le septième Congrès des Nations Unies. Le quatrième rapport (E/1990/38/Rev.1 et Corr.1 et Add.1), qui portait sur la période 1984-1988, a été examiné par le Conseil, à ses première et seconde sessions ordinaires de 1990 et par le huitième Congrès des Nations Unies.
5. Conformément à la section X de la résolution 1986/10 du Conseil, en date du 21 mai 1986, le Secrétaire général a présenté au Comité pour la prévention du crime et la lutte contre la délinquance, à sa dixième session, un rapport sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort (E/AC.57/1988/9 et Corr.1 et 2). Dans ce rapport, établi à partir des réponses communiquées par 74 pays, il était noté que l'examen de la situation justifiait les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l'homme devant l'insuffisance des progrès accomplis en vue d'abolir la peine de mort ou d'en limiter l'application. Dans sa résolution 1989/64 du 24 mai 1989, le Conseil économique et social a recommandé que les rapports quinquennaux sur la peine capitale traitent désormais de l'application des garanties aussi bien que du recours à la peine de mort.
6. Le cinquième rapport quinquennal, qui portait sur la période 1989-1993, a donc été le premier à traiter non seulement de la peine de mort mais aussi de l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de ce châtiment (E/1995/78 et Add.1 et Corr.1). Il a été examiné par le Conseil économique et social à sa session de fond de 1995. Une version révisée de ce rapport (E/CN.15/1996/19), tenant compte également des réponses communiquées par 12 autres gouvernements, a été examinée par la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa cinquième session.
7. Dans ses résolutions 1745 (LIV), 1990/51 et 1995/57, le Conseil économique et social a invité les États Membres à communiquer au Secrétaire général les renseignements demandés afin qu'il puisse réunir plus facilement des informations complètes, exactes et à jour sur l'application des garanties, sur le recours à la peine capitale durant la période 1994-1998 et les tendances à cet égard. Pour élaborer le rapport et conformément à la demande du Conseil, le Secrétaire général a été prié de faire usage de toutes les données disponibles, y compris les recherches criminologiques en cours et de solliciter les observations des institutions spécialisées, des organisations intergouvernementales et des organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil sur la question. Le réseau des instituts associés et affiliés a également été contacté à cet égard.
8. Le sixième rapport quinquennal contenait une analyse technique des réponses des gouvernements à l'enquête. Il établissait également des comparaisons dans le temps avec les précédents rapports quinquennaux du Secrétaire général et toutes les données supplémentaires disponibles. Il était fait référence aux travaux du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ainsi qu'aux rapports annuels supplémentaires présentés à la Commission des droits de l'homme en 1998 et 1999 (E/CN.4/1998/82 et Corr.1 et E/CN.4/1999/52 et Corr.1 et Add.1). Cependant, lors de l'établissement du rapport, 45 pays seulement avaient communiqué leurs réponses, ce qui constitue un résultat décevant. Depuis, le Secrétaire général a reçu 18 autres réponses. La version révisée du rapport sur la sixième enquête quinquennale permet de rendre compte de ces réponses, ainsi que des renseignements provenant d'autres sources. Il est actuellement possible de fournir des informations sur le nombre de pays qui, fin 2000, ont aboli la peine de mort et ceux qui l'ont maintenue, ainsi que plus de détails sur le nombre d'exécutions (jusqu'à la fin de 1999) et sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.
II. Généralités et portée
9. Tous les États ont été invités à participer au sixième rapport quinquennal sur la peine capitale, y compris les exécutions arbitraires ou sommaires, par le biais d'un questionnaire méthodologique détaillé conçu par le Centre pour la prévention internationale du crime. C'était un instrument exceptionnel et novateur. Pour la première fois, des rubriques distinctes avaient été établies pour les pays abolitionnistes, pour les pays qui n'appliquaient pas la peine capitale pour les infractions de droit commun ou les pays abolitionnistes de fait, et pour les pays favorables au maintien de la peine capitale, et faisaient référence à la fois au recours à la peine capitale et à l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. Tout en maintenant la ventilation par âge et par sexe, la sixième enquête abordait les questions de race, d'ethnicité et d'affiliation religieuse et politique. Le questionnaire affinait le système de classification établi pour les enquêtes et rapports quinquennaux, ainsi que pour les rapports d'enquêtes provisoires et rapports supplémentaires. Tous les pays avaient été priés: d'indiquer la mesure dans laquelle ils se tenaient au courant du débat international sur la peine de mort, ainsi que de l'évolution de la situation dans les autres pays et au sein de l'Organisation des Nations Unies; de mentionner les recherches entreprises, les informations disponibles et le degré de sensibilisation du public concernant la peine de mort; et de préciser dans quelle mesure ils fournissaient une coopération technique ou souhaitaient en bénéficier pour les problèmes relatifs à la peine capitale. Les pays qui avaient maintenu la peine capitale étaient priés de préciser le sexe et l'âge et, pour la première fois, l'origine ethnique et l'affiliation religieuse des personnes condamnées à mort ou exécutées.
10. À la fin de l'an 2000, 63 pays et régions avaient participé à la sixième enquête quinquennale, soit en complétant le questionnaire, soit en fournissant d'autres renseignements. De nombreux États ont rempli le questionnaire intégralement mais certains n'ont pas répondu à toutes les questions concernant la situation nationale. À titre d'exemple, certains pays favorables au maintien de la peine de mort et ayant répondu au questionnaire n'ont pas indiqué le nombre de personnes condamnées à mort et exécutées pour chacune des années de la période considérée, et/ou n'ont pas répondu à toutes les questions relatives aux garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.
11. Les 63 pays et régions ayant communiqué des données se répartissaient comme suit: 20 États d'Europe occidentale et autres États (Allemagne, Autriche, Australie, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Malte, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie), 13 États d'Europe orientale (Arménie, Bélarus, Bulgarie, Croatie, Estonie, ex-République yougoslave de Macédoine, Hongrie, Kazakhstan, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie), 9 États d'Afrique (1 État d'Afrique du Nord (Maroc) et 8 États d'Afrique sub-saharienne (Cameroun, Comores, Djibouti, Érythrée(3), Mozambique, Niger, Rwanda et Togo), 11 États d'Amérique latine et des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Argentine, Barbade, Brésil, Chili, Colombie, El Salvador, Équateur, Mexique, Pérou et Uruguay), 3 États du Moyen-Orient (Bahreïn, Iraq et Liban), 5 États de la région de l'Asie et du Pacifique (Fidji, Indonésie, Japon, Myanmar et Thaïlande) et 2 États d'Amérique du Nord (Canada et États-Unis). Le Gouvernement des États-Unis n'a pas rempli le questionnaire mais a remis une lettre expliquant sa position en matière de peine de mort, assortie d'un article publié dans une revue spécialisée(4) et de données statistiques sur la peine de mort pour la période 1994- 1998, publiées dans le Bureau of Justice Statistics Bulletin. Des informations ont également été communiquées par les organismes suivants: Amnesty international, le Comité international de la Croix Rouge, le Conseil de l'Europe, l'Union interparlementaire et l'Organisation des États américains (voir par. 74, 77 et 78 ci-dessous).
12. Au cours des 25 dernières années, on s'est régulièrement employé dans les enquêtes quinquennales et les rapports annuels à classer les États en fonction de leur utilisation et application de la peine capitale, l'objectif étant de déterminer s'ils maintiennent ou non la peine de mort et, dans l'affirmative, s'ils y ont eu recours pendant les 10 dernières années. Les catégories retenues sont les suivantes:
a) Pays abolitionnistes pour toutes les infractions, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre;
b) Pays abolitionnistes pour les infractions de droit commun:
la peine capitale a été abolie pour toutes les infractions de droit commun commises en temps de paix, comme celles énoncées dans le code pénal d'un pays donné ou celles qui sont reconnues en common law (par exemple meurtre, viol, vol avec voie de fait), mais des exécutions ont eu lieu au cours des 10 dernières années, notamment, pour détention de drogues illicites dans le but d'en faire commerce. Dans ces pays, la peine de mort est maintenue uniquement dans des circonstances exceptionnelles, notamment en temps de guerre en cas d'infraction de caractère militaire, ou pour les crimes contre l'État, comme la trahison ou l'insurrection armée;
c) Pays abolitionnistes de fait (favorables au maintien, mais abolitionnistes en pratique):
la peine de mort est maintenue légalement et elle peut toujours être infligée, mais elle n'a pas été appliquée depuis longtemps – 10 ans au moins; cela ne veut pas dire, toutefois, que les exécutions ne peuvent pas reprendre; dans le présent rapport, ces pays ont été classés comme favorables au maintien de la peine de mort dans une catégorie distincte.
d) Pays favorables au maintien de la peine de mort:
des peines de mort ont été prononcées et exécutées au cours des 10 dernières années.
Dans certains cas, comme dans celui des rapports annuels supplémentaires présentés à la Commission des droits de l'homme, les deux premières catégories ont été regroupées en une seule catégorie correspondant aux "pays abolitionnistes". Pour assurer la continuité avec les cinq précédentes enquêtes quinquennales, les catégories susmentionnées ont été maintenues et l'on n'a pas procédé à un tel regroupement.
13. Il était d'usage, dans les quatre premiers rapports quinquennaux, de commencer par indiquer la situation de la peine capitale dans les pays qui avaient répondu à la fin plutôt qu'au début de la période quinquennale. Sur les 49 États qui avaient répondu à la première enquête sur la peine capitale (portant sur la période 1969-1973), 23 pays étaient abolitionnistes et 26 étaient favorables au maintien de la peine de mort. Sur les 74 États qui avaient répondu à la deuxième enquête (portant sur la période 1974-1978), 26 étaient abolitionnistes (16 pour toutes les infractions et 10 pour les infractions de droit commun), 47 étaient favorables au maintien de la peine de mort et 1 pays n'avait pu donner une réponse bien tranchée (en ce sens que la peine de mort était appliquée dans certaines juridictions mais pas dans d'autres). La troisième enquête (1979-1983) avait donné lieu à 64 réponses, 25 d'États abolitionnistes (20 pour toutes les infractions et 5 pour les infractions de droit commun) et 39 de pays favorables au maintien de la peine de mort. Cinquante- cinq États avaient répondu à la quatrième enquête (1984-1988): 32 étaient abolitionnistes (26 pour toutes les infractions et 6 pour les infractions de droit commun) et 23 étaient favorables au maintien de la peine de mort, dont 5 pouvaient être considérés comme abolitionnistes de fait (aucune exécution n'avait eu lieu depuis 10 ans au moins). Trente-quatre autres pays avaient fourni des informations sur la peine de mort en répondant en 1988 à l'enquête de l'ONU sur l'application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de ce châtiment. Ainsi, 89 pays avaient répondu à l'une ou à l'autre de ces enquêtes.
14. La cinquième enquête, qui portait sur la période 1989-1993, avait permis, dans un premier temps, d'obtenir des réponses concernant 57 pays mais ce nombre était ensuite passé à 69 (66 de sources gouvernementales et 3 d'organisations non gouvernementales). À ce moment là, 43 des pays et régions mentionnés étaient abolitionnistes (32 pour toutes les infractions, dont 5 pays nouveaux États, et 11 pour les infractions de droit commun), tandis que 26pays (y compris 4 nouveaux États) étaient favorables au maintien de la peine de mort. Neuf d'entre eux (y compris un nouvel État) étaient considérés comme abolitionnistes de fait.
15. Soixante-trois gouvernements ont participé à la sixième enquête, soit un nombre comparable à celui constaté dans l'enquête précédente. Près des deux tiers d'entre eux (41) étaient pour toutes les infractions abolitionnistes (34), ou abolitionnistes pour les infractions de droit commun (7). Environ 14 % étaient abolitionnistes de fait (9 pays) et 21 % étaient favorables au maintien de la peine de mort (13 pays).
16. Sur les 87 pays ayant entièrement aboli la peine de mort, ou l'ayant abolie pour les infractions de droit commun à la fin de l'an 2000 (voir tableau 1, sect. A et B), 41, soit un peu moins de la moitié (47 %) ont répondu à la sixième enquête. Il se peut qu'un certain nombre d'États, abolitionnistes depuis longtemps, aient estimé que la sixième enquête ne les concernait pas, et n'ont donc pas répondu. En fait, quelques-uns d'entre eux l'ont fait savoir au Secrétaire général. En outre, 26 pays ont récemment – en 1998 ou 1999 – envoyé des renseignements sur la législation et la pratique régissant la peine capitale pour les rapports annuels supplémentaires présentés à la Commission des droits de l'homme. Onze de ces pays n'ont pas répondu à la sixième enquête. Il se pourrait que les demandes annuelles d'information aient conduit certains gouvernements à penser que s'ils avaient récemment communiqué des données, il n'était pas nécessaire qu'ils en fournissent à nouveau, de façon aussi rapprochée. Cela est regrettable car les rapports quinquennaux devraient pouvoir s'appuyer sur un éventail d'informations beaucoup plus large et sur des données beaucoup plus détaillées que ce dont le Secrétaire général a besoin pour son rapport annuel à la Commission des droits de l'homme.
17. Dans les trois premières enquêtes quinquennales, la proportion des pays favorables au maintien de la peine capitale parmi ceux qui avaient répondu s'échelonnait entre 53 % et 64 %. Dans les quatrième et cinquième enquêtes, ces mêmes pays représentaient un pourcentage plus faible, soit 42 % et 38 % respectivement. Cette tendance reflétait en partie l'accroissement du nombre de pays qui étaient devenus abolitionnistes. Ce n'est bien sûr pas l'unique raison. En fait, dans la cinquième enquête, 17 (16,5%) seulement des 103 pays ou régions qui étaient restés favorables au maintien de la peine capitale à la fin de la période considérée (le 31 décembre 1993) avaient communiqué des informations alors que 43% des 21 pays abolitionnistes de fait avaient répondu au questionnaire.
18. Dans la sixième enquête, le taux de réponse des pays favorables au maintien de la peine de mort n'était guère meilleur. Sur les 71 États qui maintenaient la peine capitale à la fin de 2000, 13 seulement (18%) avaient renvoyé le questionnaire (voir tableau 1, sect. D) et le taux de réponse des pays abolitionnistes de fait était décevant: sur 36 pays, seuls 9 (25 %) ont répondu (voir tableau 1, sect. C). Les comparaisons entre enquêtes sont donc faussées par le fait que les pays qui répondent à un questionnaire ne répondent pas toujours au questionnaire suivant. Ainsi, 32 pays qui avaient répondu à la cinquième enquête en 1994 n'ont pas envoyé de réponse à la sixième enquête, et quelque 43% d'entre eux étaient des pays favorables au maintien de la peine capitale (dont des abolitionnistes de fait). D'autre part, 41 % (26 sur 63) des États qui ont répondu à la sixième enquête n'avaient pas répondu à la cinquième. En outre, comme il est noté dans le présent rapport, le volume des informations communiquées par les pays était très variable.
19. Il s'est avéré utile d'analyser le flux des réponses adressées pour les enquêtes quinquennales du Secrétaire général depuis la première d'entre elles, en 1975, en gardant toujours à l'esprit qu'un grand nombre d'États nouveaux ont vu le jour pendant cette période. Parmi les pays et régions qui auraient pu répondre aux six enquêtes qui ont porté sur une période de 30 ans, à savoir de 1969 à 1998, 43 n'ont répondu à aucune d'entre elles(5). Sur ces 43 pays, 8(6) seulement ont répondu aux demandes d'information adressées par le Secrétaire général en vue du rapport sur l'application des garanties publié en 1988 ou des rapports annuels supplémentaires présentés à la Commission des droits de l'homme en 1998 et 1999.
20. Seuls 7 de ces 43 États étaient devenus abolitionnistes à la fin de 2000(7), 13 s'étaient rapprochés, à divers degrés, de la situation d'abolitionnistes de fait(8), et la majorité, à savoir 22, étaient restés favorables au maintien de la peine de mort pendant toute la période(9).
21. Soixante-trois pays seulement, soit à peu près un tiers de ceux qui auraient pu répondre, ont répondu à trois des six enquêtes quinquennales. La majorité d'entre eux (68 %) étaient abolitionnistes à la fin de 2000. Quarante et un États, à savoir environ un sur quatre de tous les États en mesure de le faire, ont répondu à quatre enquêtes ou plus.
22. Les pays favorables au maintien de la peine capitale ont été particulièrement réticents à répondre aux enquêtes quinquennales, notamment ceux d'entre eux qui appliquent le plus souvent cette peine. Les enquêtes quinquennales et les rapports analytiques ont pâti de cette réticence à fournir régulièrement des informations au Secrétaire général et l'intérêt de cet exercice quinquennal dans son ensemble risque de s'en trouver amoindri. C'est justement auprès des États favorables au maintien de la peine capitale, dont bon nombre ne publient aucune statistique officielle sur le recours à ce châtiment, qu'il est nécessaire de recueillir des informations dans le cadre d'une enquête de l'ONU.
23. C'est pourquoi, conformément au mandat dévolu à cette fin et pour obtenir un tableau plus fidèle de la situation de l'application de la peine de mort et des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort dans le monde entier, le sixième rapport quinquennal du Secrétaire général s'appuie, davantage que dans le passé, sur des données provenant de diverses sources. En particulier, il a été nécessaire de mettre à profit des sources extérieures afin de s'assurer du nombre de peines capitales prononcées et exécutées dans le monde au cours de la période à l'étude. À cet égard, il convient de souligner l'intérêt que présentent en particulier les rapports du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, les rapports et les communications au Comité des droits de l'homme, les rapports du Secrétaire général à la Commission des droits de l'homme, un rapport de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les rapports présentés à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et diverses publications de ce dernier. Des données utiles ont également été collectées dans des statistiques nationales et des rapports de gouvernements, ainsi qu'auprès de sources universitaires et d'organisations non gouvernementales, en particulier Amnesty International. Des données plus récentes pour 1999 et 2000, mentionnées dans le présent rapport, complètent les informations fournies par l'enquête.
III. Évolution de la situation concernant la peine capitale au cours de la période 1994-2000
24. Les réponses reçues et les informations recueillies auprès d'autres sources ont été analysées conformément au schéma établi pour la cinquième enquête qui portait sur la période 1989-1993. Les pays ont été classés en fonction de leur situation au regard de la peine de mort au début de la période quinquennale en janvier 1994, de manière à ce que toute modification apportée à la législation et à la pratique au cours des cinq années suivantes – ainsi que pour la présente version révisée du rapport – jusqu'à la fin 2000, puisse être facilement perçue et précisément évaluée.
A. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour toutes les infractions au début de 1994
1. Pays restés abolitionnistes
25. Au début de 1994, 55 pays avaient aboli la peine de mort pour toutes les infractions (voir tableau1 ci-après, notes a) et r)). Il s'agissait notamment de 23 des 63 pays qui ont répondu à la sixième enquête: Allemagne, Australie, Autriche, Colombie, Croatie, Danemark, Équateur, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Liechtenstein, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Norvège, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse et Uruguay. Seul l'un d'eux, l'Équateur, a indiqué que des propositions avaient été formulées en vue de rétablir la peine de mort, et ce en raison de l'accroissement du nombre d'enlèvements et d'autres infractions graves. Dans sa réponse, l'Équateur a également signalé que la peine capitale aurait pu servir, le cas échéant, de mesure de dissuasion et freiner ainsi le développement de la criminalité. Dans ce pays, le principal problème était le chômage avec toutes ses conséquences, la pauvreté, la criminalité et l'ignorance et il était donc superflu de cibler un autre objectif.
2. Pays qui ont rétabli la peine capitale
26. Seul un des 32 pays totalement abolitionnistes qui n'ont pas répondu à la sixième enquête a rétabli la peine capitale. En Gambie, pays abolitionniste pour toutes les infractions en 1994, le Conseil provisoire des forces armées, après un coup d'État militaire, a rétabli la peine capitale par un décret publié en 1995. Toutefois, étant donné qu'aucune exécution n'a eu lieu depuis le coup d'État et que la dernière exécution remonte à 1981, la Gambie est classée parmi les pays abolitionnistes de fait. Deux États des États-Unis ont rétabli la peine de mort – le Kansas en 1994 et l'État de New York en 1995, mais aucune exécution n'a encore eu lieu. Aucun autre pays n'a envisagé de rétablir la peine capitale.
27. Au début de la période quinquennale, 55 pays et régions avaient totalement aboli la peine de mort. À la fin de cette période, tous sauf un étaient restés abolitionnistes.
B. Pays qui avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun au début de 1994
1. Pays qui sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions
28. Au début de 1994, 14 pays avaient aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun mais non pour les infractions relevant d'un droit particulier, commises en temps de guerre ou de paix (voir tableau 1, notes c) et i)).
29. Douze de ces 14 pays ont répondu à la sixième enquête: Argentine, Brésil, Canada, Chypre, El Salvador, Espagne, Fidji, Italie, Malte, Mexique, Pérou et Royaume-Uni. Cinq pays sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions en 1994-2000. Deux de ces pays, l'Italie (1994) et l'Espagne (1995), ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions, comme il ressort de la cinquième enquête (E/CN.15/1996/19). Deux autres pays, le Canada et le Royaume-Uni, ont fait de même en 1998. Au Canada, le Ministre de la défense avait présenté un projet de loi pour modifier la loi relative à la défense nationale, qui a eu pour effet de remplacer la peine capitale par la détention à perpétuité en tant que peine maximale applicable à certaines infractions commises en temps de guerre, conformément à la loi militaire10. Lorsque le Parlement du Royaume-Uni a adopté la Crime and Disorder Act (Loi sur la criminalité et les émeutes) de 1998, un amendement a été introduit par un membre du Parlement sans portefeuille, en vue de faire retirer des textes de loi les deux derniers éléments, de fait anciens et inappliqués pouvant entraîner la peine capitale, à savoir la trahison et la piraterie. Ultérieurement, au cours de cette même année, la peine de mort pour les infractions de caractère militaire de toute sorte a été abolie en vertu d'une clause insérée dans la Human Rights Act (Loi relative aux droits de l'homme) de 1998. Malte a aboli la peine de mort pour toutes les infractions de caractère militaire en adoptant en mars 2000 la loi portant amendement de la loi sur les forces armées. Elle est donc devenue abolitionniste pour toutes les infractions11. En outre, Chypre, dont le code pénal est modelé sur le code pénal anglais, a aboli la peine de mort pour trahison et piraterie en 1999. Toutefois, ce pays doit encore abolir la peine capitale pour les infractions de caractère militaire.
30. Parmi les États qui n'ont pas répondu à la sixième enquête, un, le Népal, est également devenu entièrement abolitionniste. L'article 12 de la Constitution du Royaume du Népal, qui est entré en vigueur en 1990, stipule qu'aucune loi prévoyant la peine capitale ne devrait être adoptée. La législation en vigueur devait être révisée dans un délai d'un an pour la rendre conforme à cette disposition et à d'autres dispositions. Ce n'est qu'en 1997 que la Cour suprême du Népal a décidé que les dispositions relatives à la peine de mort qui avaient été maintenues en cas d'espionnage ou d'attentat contre la famille royale (alors que cette peine avait été abolie pour toutes les autres infractions en 1990) étaient caduques, confirmant ainsi que la Constitution interdisait la peine capitale. Par conséquent, si l'on considère ensemble les pays qui ont répondu à la sixième enquête et ceux qui ne l'ont pas fait, en tout six pays qui appartenaient auparavant à la catégorie des "abolitionnistes pour les infractions de droit commun" sont désormais "abolitionnistes pour toutes les infractions".
2. Pays qui sont restés abolitionnistes pour les infractions de droit commun
31. La plupart des pays qui sont restés abolitionnistes pour les infractions de droit commun se considèrent comme des abolitionnistes de fait pour toutes les infractions, même si des mesures n'ont pas été prises pour supprimer la peine de mort pour toutes les infractions de caractère militaire en temps de guerre avec l'étranger. Cela s'explique par le fait que les exécutions en ces circonstances sont considérées comme une éventualité très lointaine. De fait, il y a de nombreuses années que de telles circonstances ne se sont pas manifestées. Ce point de vue est prédominant dans les pays qui ont répondu à l'enquête (Argentine, Brésil, Chypre, El Salvador, Fidji et Mexique) et probablement aussi dans le pays qui n'a pas répondu (Israël). Par exemple, El Salvador a indiqué que, en vertu de l'article 28 de la Constitution de la République, la peine de mort ne pouvait être infligée que dans les cas précisés par la loi militaire pendant un conflit international et que, dans la pratique, cela revenait à interdire la peine de mort en ce sens qu'elle n'était infligée qu'à titre exceptionnel dans le cas
susmentionné. Le Pérou, qui avait élargi le champ d'application potentiel de la peine de mort en 1993 dans le cadre d'une réforme de la Constitution pour deux infractions dirigées contre l'État, à savoir les actes de trahison et de terrorisme commis sur le territoire national(12), a fait observer que personne n'avait été exécuté en vertu de ces dispositions.
32. Ainsi, au début de 1994, 14 pays étaient abolitionnistes pour les infractions de droit commun uniquement. Six sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions et huit n'ont donc pas modifié leur situation pendant la période quinquennale.
C. Pays favorables au maintien de la peine de mort en 1994
33. Au début de la période quinquennale, 94 pays pouvaient être classés parmi les pays favorables au maintien de la peine capitale et 30 autres parmi les pays favorables au maintien de la peine capitale mais considérés comme abolitionnistes de fait au motif que personne n'avait été exécuté depuis au moins 10 ans.
1. Pays favorables au maintien de la peine de mort qui étaient abolitionnistes de fait au début de 1994
34. Sept des pays qui ont répondu à l'enquête étaient considérés comme abolitionnistes de fait au début de 1994 au motif qu'ils n'avaient fait procéder à aucune exécution depuis au moins 10 ans: la Belgique (1950), Bahreïn (1977), les Comores (depuis l'indépendance en 1975), Djibouti (depuis l'indépendance en 1977), le Niger (1976), le Togo (1979) et la Turquie (1984).
a) Pays abolitionnistes de fait qui ont aboli la peine capitale
35. Entre 1994 et 1998, la Belgique et Djibouti sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions. À Djibouti, le code pénal réformé et le code de procédure pénale sont entrés en vigueur en janvier 1995. Seule une personne avait été auparavant condamnée à mort, pour terrorisme, et sa peine avait été commuée en une peine d'emprisonnement à vie en 1993. Dans ce pays, la décision d'abolir la peine capitale a été prise en accord avec l'opinion publique et sur la base d'une volonté politique et de données concrètes. La Belgique, qui offrait l'exemple éloquent d'un pays abolitionniste de fait où la dernière exécution avait eu lieu en 1950, a finalement aboli la peine de mort en juillet 1996. L'article 17 de la Constitution de 1967 de la Bolivie, qui a été modifiée en 1995, interdisait l'application de la peine de mort. Malgré cette interdiction, le code pénal de 1973 prévoyait l'application de la peine capitale. Pour aligner la législation sur la Constitution, le Congrès, par la loi 1768 de 1997, a officiellement aboli la peine de mort pour toutes les infractions de droit commun et les infractions dirigées contre la sécurité de l'État. La peine de mort n'a pas encore été officiellement abolie au titre du code militaire, mais la Constitution prime sur le code militaire. Le Gouvernement bolivien avait confirmé dans une réponse antérieure à l'Organisation des Nations Unies que la peine capitale a été abolie dans le droit civil et militaire(13). En juillet2000, avec l'adoption par référendum d'une nouvelle Constitution, la Côte d'Ivoire, où la dernière exécution remonte à 1960, a aboli la peine de mort pour toutes les infractions.
36. Un autre pays, qui n'a pas répondu à la sixième enquête, est passé de l'abolitionnisme de fait à l'abolitionnisme pour infractions de droit commun. Il s'agit de la Bosnie-Herzégovine. En septembre 1997, la Chambre des droits de l'homme de la Commission des droits de l'homme (créée en vertu de l'Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine) a décidé que la peine capitale ne pourrait être infligée pour les infractions commises en temps de paix. En tout, cinq pays abolitionnistes de fait sont devenus abolitionnistes.
b) Pays qui sont restés abolitionnistes de fait
37. Dix-huit pays sont restés abolitionnistes de fait du début de 1994 jusqu'à la fin de 2000. Trois d'entre eux ont répondu à l'enquête: le Niger, le Togo et la Turquie. Il semble, d'après les réponses du Niger et du Togo, que ces pays soient restés fermement attachés à cette situation de fait, car aucune peine de mort n'a été infligée au cours de la période 1994-1999. Toutefois, il semble que les tribunaux turcs aient continué de prononcer des peines de mort: 19 pour des infractions de droit commun et 11 pour des infractions contre l'État. S'agissant des 15 autres pays qui n'ont pas répondu à la sixième enquête, aucune peine de mort n'a été signalée d'autres sources pendant la période considérée au sujet de 12 d'entre eux (Bhoutan, Brunéi Darussalam, Congo, Grenade, Madagascar, Maldives, Nauru, République centrafricaine, Samoa, Sénégal, Suriname et Tonga) mais des peines de mort ont continué à être infligées dans les trois autres (Mali, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Sri Lanka).
c) Pays abolitionnistes de fait qui ont repris les exécutions
38. Pendant la période quinquennale, toutefois, deux des pays abolitionnistes de fait qui ont répondu à la sixième enquête, les Comores et Bahreïn, ont repris les exécutions. En 1997, les Comores ont fait procéder à leurs premières exécutions depuis l'accession à l'indépendance en 1975. Deux hommes adultes reconnus coupables de meurtre ont été exécutés dont un passé par les armes en public. Après 19 ans d'abolition de fait, Bahreïn a également renoué avec la peine capitale lorsqu'en 1996, un homme adulte a été exécuté pour l'assassinat d'un agent de la force publique.
39. Cinq autres pays (dont aucun n'a répondu à l'enquête actuelle) ont repris les exécutions entre 1994 et 1998. Un homme adulte a été exécuté à la Trinité-et- Tobago en juillet 1994 alors que les procédures d'appel étaient encore en instance (voir E/CN.4/1995/61, par. 382). Il s'agissait de la première exécution dans ce pays depuis 15 ans. Le Guatemala a fait procéder à ses premières exécutions en 13 ans en 1996, faisant mettre à mort deux hommes adultes pour le viol et le meurtre d'un enfant. Également en 1996, les Bahamas ont fait pendre pour meurtre un homme adulte, qui était la première personne à être exécutée depuis 1984. Le Burundi a fait exécuter six adultes en 1997 en raison de leur participation au massacre de civils Tutsi en 1993, ce qui représentait les premières exécutions depuis 1981. En 1998, après une période de 13 ans, Saint-Kitts-et-Nevis a fait exécuter un homme adulte pour meurtre.
40. En 1999, ces pays ont été rejoints par les Philippines où un homme adulte a été exécuté pour le viol de l'enfant de sa conjointe. Il s'agissait de la première exécution en 23 ans. Après une période de 11 ans sans exécution, deux hommes adultes et une femme adulte ont été exécutés pour meurtre en juin 2000 au Qatar(14). Bien qu'aucune exécution n'ait encore eu lieu à Sri Lanka, le Gouvernement envisage sérieusement de rétablir la peine capitale après un moratoire de 24 ans. Les tribunaux continuent d'imposer la peine de mort. Pendant les six années allant de 1994 à 1999, 435 peines de mort ont été prononcées dont 68 en 1999.
d) Résumé
41. Pour résumer, 30 pays étaient considérés comme abolitionnistes de fait au début de1994. À la fin de 2000, cinq d'entre eux étaient devenus abolitionnistes, quatre pour toutes les infractions et un pour les infractions de droit commun. Huit des 30 pays avaient repris les exécutions, passant ainsi dans la catégorie des pays favorables à la peine capitale. Cela signifie que 18 des 30 pays considérés étaient restés abolitionnistes de fait pendant la période à l'étude (voir tableau 1, notem)). Un autre pays qui était abolitionniste de fait pendant la période considérée a repris les exécutions une année plus tard. Ainsi, neuf pays qui étaient apparemment abolitionnistes ont renoué avec la peine capitale. La démarche de ces pays montre que la simple absence d'exécution, même sur une longue période, ne peut garantir un abolitionnisme de fait.
42. Ces données, considérées globalement, donnent à entendre que la notion d'abolitionnisme de fait, uniquement fondée sur le critère du nombre d'années passées sans exécution, n'a peut-être plus la crédibilité qu'on pouvait lui attribuer à un moment donné. Alors que de nombreux pays sont devenus abolitionnistes à part entière, il ne semble plus nécessaire ni politiquement avantageux de considérer les États abolitionnistes de fait comme s'ils appartenaient à une sous-catégorie du groupe abolitionniste. Tant qu'ils n'auront pas clairement indiqué leur intention de supprimer la peine capitale de leur législation et de souscrire aux conventions internationales qui proscrivent son rétablissement, il faudra plutôt les considérer comme une sous-catégorie des États favorables au maintien de la peine capitale, même si certains semblent s'orienter vers l'abolitionnisme.
2. Pays qui maintenaient et appliquaient la peine de mort au début de 1994
43. Diverses sources permettent d'établir qu'au début de 1994, les pays et régions qui maintenaient la peine de mort dans leur droit pénal et l'avaient appliquée en procédant à des exécutions au cours des 10 années antérieures étaient au nombre de 94. Seuls 21 de ces pays (soit 22 % du total) ont répondu à la sixième enquête: Antigua-et-Barbuda, Arménie, Barbade, Bélarus, Bulgarie, Cameroun, Chili, Érythrée, Estonie, États-Unis, Indonésie, Iraq, Japon, Kazakhstan, Liban, Lituanie Maroc, Myanmar, Pologne, Rwanda et Thaïlande.
44. Sur ces 21 pays, 10 soit avaient aboli la peine de mort, soit étaient devenus abolitionnistes de fait à la fin de 2000. Il n'était pas prévu apparemment d'abolir la peine de mort dans les 11 pays restants (Bélarus, Cameroun, États-Unis, Indonésie, Iraq, Japon, Kazakhstan, Liban, Maroc, Rwanda et Thaïlande) ni de mettre définitivement un terme aux exécutions. Le Kazakhstan a toutefois signalé qu'il avait réduit le nombre d'infractions, tant de droit commun que relevant d'un droit particulier, passibles de la peine de mort.
a) Pays qui sont devenus abolitionnistes
45. La Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie et la Pologne ont aboli totalement la peine capitale en 1998. Celle-ci a été abolie en décembre 1998 en Bulgarie (neuf ans après la dernière exécution) suite à une initiative présidentielle, reprise par la Commission juridique de l'Assemblée nationale. La dernière exécution en Estonie remonte à 1991, bien que des condamnations à la peine capitale aient continué d'y être prononcées pour meurtre qualifié (13 de 1994 à 1998). Le Parlement estonien a totalement aboli la peine capitale en mai 1998 après la ratification en mars 1998 du Protocole n° 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la "Convention européenne des droits de l'homme")15. Dans sa réponse au questionnaire, l'Estonie a déclaré que l'abolition résultait simultanément d'une volonté politique et de l'influence exercée par les instruments et la politique de l'Organisation des Nations Unies. La Lituanie n'a procédé à aucune exécution depuis juillet 1995, date à laquelle un moratoire sur les exécutions a été déclaré, lequel devait déboucher sur l'abolition de la peine de mort. En décembre 1998, la Cour constitutionnelle a fait valoir que la disposition du code pénal lituanien relative à la peine de mort était anticonstitutionnelle. En conséquence, le code pénal a été amendé le 21 décembre 1998, afin d'abolir la peine capitale pour toutes les infractions pénales. Les autorités lituaniennes ont également imputé ce changement à une volonté politique. Entre avril et septembre 1998, lorsque dans le nouveau code pénal polonais, la peine de mort a été remplacée par l'emprisonnement à vie en tant que sanction pénale extrême, aucune exécution n'a eu lieu. Dans sa réponse, la Pologne a indiqué qu'entre 1994 et 1998, des initiatives avaient été prises pour rétablir la peine de mort. Elle a précisé à l'instar de l'Estonie et de la Lituanie, que la décision d'abolir cette peine s'était fondée sur plusieurs facteurs: la volonté politique, les conclusions d'enquêtes officielles et l'influence de la politique préconisée par l'ONU.
46. Outre la Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie et la Pologne, 5 pays qui n'avaient pas répondu à la sixième enquête et qui étaient favorables au maintien de la peine capitale sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions durant la période 1994-1998; il s'agit de l'Afrique du Sud, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, de Maurice et de la République de Moldova. En juin 1995, la Cour constitutionnelle sud-africaine a rendu un arrêt selon lequel la peine de mort était anticonstitutionnelle, sans préciser toutefois si cela concernait aussi le crime de trahison en temps de guerre. La réponse a été apportée deux années plus tard lorsque la loi portant modification du code pénal (Criminal Law Amendment Act) a supprimé du recueil des lois toute référence à la peine capitale, y compris la trahison en temps de guerre. Le Gouvernement réformiste mauricien a adopté en 1995, à une large majorité, un projet de loi sur l'abolition de la peine de mort. Le Président mauricien a refusé de le signer, mais le projet a été présenté une nouvelle fois, avec succès, et il a acquis force de loi sans l'accord du Président. À la fin de 1995, le Parlement de la République de Moldova a voté à l'unanimité en faveur de l'élimination de la peine de mort du code pénal (bien qu'elle existe toujours dans la province séparatiste de Transdniestra). En novembre 1997, seul un membre du Parlement géorgien s'est opposé à une proposition du Président géorgien tendant à remplacer, pour toutes les infractions, la peine de mort par l'emprisonnement à vie. L'abolition complète de la peine de mort par le Parlement azerbaïdjanais en février 1998, à l'issue d'un moratoire sur les exécutions déclaré en juin 1993, faisait également suite à un projet de loi déposé par le Président de la République à l'appui des droits de l'homme.
47. À ces neuf États auparavant favorables au maintien de la peine de mort se sont ajoutés en 1999 quatre autres pays et régions, dont un est devenu abolitionniste pour les infractions de droit commun (Lettonie) et trois (Turkménistan, Ukraine et le territoire du Timor oriental) pour toutes les infractions, ce qui fait au total 13 pays et régions auparavant favorables au maintien de la peine de mort qui sont devenus abolitionnistes entre le début de 1994 et la fin de 2000. Bien que le code pénal lettonien de 1998 ait maintenu la peine de mort, cette dernière a été abolie de fait pour les infractions de droit commun en temps de paix, lorsque la Lettonie a ratifié le Protocole n° 6 à la Convention européenne des droits de l'homme. En outre, le territoire des Bermudes, dépendant du Royaume-Uni, a également aboli la peine de mort en 1999.
48. Au Turkménistan, l'évolution sur le plan politique et pratique a été remarquable. Si aucun chiffre officiel n'avait été publié, on estimait que bien plus de 100 personnes avaient été exécutées chaque année en 1994, 1995 et 1996. Le nouveau code pénal adopté en 1997 prévoyait jusqu'à 17 infractions passibles de la peine de mort; mais, le 1er janvier 1999, le Président a annoncé un moratoire sur les exécutions et, en décembre, il a complètement aboli ce châtiment par décret16. Bien que l'Ukraine ait accepté, à compter de la date de son adhésion au Conseil de l'Europe en novembre 1995, de déclarer un moratoire immédiat sur les exécutions et de ratifier le Protocole n° 6 à la Convention européenne dans un délai de trois ans, les exécutions se sont poursuivies massivement: 180 personnes ont été exécutées du début de 1996 à l'entrée en vigueur du moratoire le 11 mars 1997. Les tentatives faites par le Cabinet ukrainien pour abolir la peine de mort par le biais d'une disposition dans le nouveau code pénal n'ont pas eu l'aval du Conseil suprême de l'Ukraine (Parlement). En décembre 1999 cependant, la Cour suprême a déclaré que toutes les dispositions du code pénal ayant trait à la peine de mort étaient incompatibles avec les articles 27 et 28 de la Constitution ukrainienne17. Enfin, en février 2000, le Parlement ukrainien a supprimé du code pénal, du code de procédure pénale et du code pénitentiaire du pays les dispositions relatives à la peine de mort. À son accession à l'indépendance obtenue de l'Indonésie en 1999, le Timor oriental a complètement aboli la peine de mort.
49. Vers la fin de la période couverte par l'enquête, l'Albanie avait commencé à prendre rapidement des mesures en vue de l'abolition officielle de la peine capitale. Les peines de mort continuaient d'être prononcées (deux au moins en 1999), mais la dernière exécution remontait à 1995. En juin 1996, le Président du Parlement a annoncé, dans une déclaration signée en vue de l'adhésion au Conseil de l'Europe, que l'Albanie déclarerait un moratoire sur les exécutions jusqu'à ce que la peine de mort soit abolie. En décembre 1999, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt selon lequel la peine capitale était anticonstitutionnelle. En septembre 2000, l'Albanie a aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun et ratifié le Protocole no 6 à la Convention européenne des droits de l'homme.
50. En résumé, 12 pays qui étaient favorables au maintien de la peine capitale en 1994 étaient devenus abolitionnistes pour toutes les infractions et deux pour les infractions de droit commun à la fin de 2000 (voir tableau 1, notes g) et l)).
b) Pays qui sont devenus ou qui se disent abolitionnistes de fait
51. Il a été difficile, aux fins du présent rapport, de classer l'Arménie, le Chili, l'Érythrée et le Myanmar selon leur situation vis-à-vis de la peine de mort. En Érythrée, cette situation restera incertaine jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, mais aucune condamnation à mort ne semble avoir été prononcée depuis 1994, ni aucune sentence de mort exécutée depuis 1989. L'Arménie a signalé qu'elle n'avait exécuté personne depuis 1991, bien que des condamnations à la peine de mort soient toujours prononcées. La réponse de l'Arménie indiquait que le Gouvernement envisageait d'abolir la peine de mort. Selon des sources non gouvernementales, un projet de loi avait d'abord été présenté en 1997 avec l'appui du Président qui était à l'origine d'un moratoire sur les exécutions décrété en 1991 en attendant la promulgation d'un nouveau code pénal qui supprimerait la peine de mort de la liste des peines prescrites. À la fin de 1999, le code n'avait toujours pas été approuvé par le Parlement arménien, bien que le moratoire de fait sur les exécutions fût resté en vigueur18. Dans sa réponse, l'Arménie s'est classée comme abolitionniste de fait et, depuis, pour témoigner de ses intentions, elle a signé le Protocole no 6 à la Convention européenne des droits de l'homme en janvier 2001.
52. Aucune exécution n'a été signalée au Chili depuis 1985 et ce pays est donc devenu abolitionniste de fait à la fin de l'année 1995. Le Myanmar a déclaré dans sa réponse à l'enquête qu'il était abolitionniste de fait. Il n'a pas indiqué la date de la dernière exécution, mais il y a des raisons de penser que celle-ci a eu lieu en 1989. Des condamnations à mort auraient été prononcées ces dernières années, mais le Myanmar n'a pas fourni de statistiques sur ce point.
53. Compte tenu du critère retenu, à savoir 10 ans sans exécution, la Barbade est devenue abolitionniste de fait en 1994. Cinq autres pays qui n'avaient pas répondu à la sixième enquête sont également devenus abolitionnistes de fait: la Guinée en Afrique de l'Ouest et Antigua-et-Barbuda, le Belize, la Dominique et la Jamaïque dans les Caraïbes. Dans tous ces six pays cependant, des peines de mort ont été prononcées au cours de la période considérée et, dans plusieurs d'entre eux, des personnes emprisonnées par suite d'une condamnation à mort sont restées dans l'antichambre de la mort. Le Gouvernement jamaïcain a indiqué qu'il pourrait suivre l'exemple de la Trinité- et-Tobago et reprendre les exécutions. Sept autres pays qui n'ont pas répondu à l'enquête sont également devenus abolitionnistes de fait à la fin de 1999, sous réserve que l'absence de relevés sur les exécutions depuis 1989 corresponde bien à l'absence d'exécutions: Bénin, Burkina Faso, Gabon, Mauritanie, République démocratique populaire lao, Swaziland et Yougoslavie. Plusieurs de ces pays, cependant, ont continué de prononcer des peines capitales et, pour les raisons données aux paragraphes 41 et 42 ci-dessus, on ne sait pas précisément si ces États ont renoncé à recourir à ce châtiment.
54. En dépit des réserves notées ci-dessus, il est très important que 17 pays (voir tableau 1, note s)) qui étaient favorables au maintien de la peine de mort au début de 1994 soient devenus abolitionnistes de fait à la fin de 2000, car cela signifie une diminution du nombre de pays où des exécutions ont régulièrement lieu.
c) Pays qui sont restés favorables au maintien de la peine de mort
55. Ainsi, 63 pays et régions n'avaient pas modifié leur situation vis-à-vis de la peine capitale entre 1994 et fin 2000. Cinq d'entre eux, toutefois, à savoir le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Maroc et le Tchad, n'auraient procédé à aucune exécution entre 1994 et 2000, bien qu'ils aient continué à prononcer des condamnations à mort. En juillet 1997, le Président du Malawi a commué toutes les condamnations à mort. Il n'avait signé aucun ordre d'exécution depuis son investiture en 1994 et a déclaré qu'il ne le ferait pas à l'avenir.
56. En Fédération de Russie, un moratoire sur les exécutions est entré en vigueur par décret présidentiel en août 1996, bien que les exécutions se soient poursuivies en Tchétchénie en vertu de la loi islamique en 1997, 1998 et 1999, années pendant lesquelles au moins 13 personnes ont été exécutées. Au moment de son adhésion au Conseil de l'Europe en 1996, la Fédération de Russie s'est engagée à abolir la peine de mort et à ratifier le Protocole n° 6 à la Convention européenne des droits de l'homme dans un délai de trois ans. À la fin de 1999, toutefois, elle n'avait ni aboli la peine de mort en droit, ni ratifié le Protocole n° 6. La peine capitale était en réalité interdite par une décision de la Cour constitutionnelle rendue en février 1999, qui stipulait que cette peine ne pourrait être prononcée que lorsque tous les citoyens de l'ensemble des 89 républiques, régions et territoires de la Fédération se verraient octroyer le droit à un procès par jury. À présent, ce n'est le cas que dans neuf républiques. En juin 1999, selon des informations fournies par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Président de la Fédération de Russie a signé un décret commuant les sentences de tous les condamnés à mort, soit en des peines de réclusion à vie, soit en des peines d'emprisonnement de 25 ans. De ce fait, on a de bonnes raisons de penser que, dans une période relativement courte, la Fédération de Russie sera un État abolitionniste.
57. Les dernières exécutions signalées en Tunisie remontent à 1991. Depuis lors, il semble qu'aucune condamnation à mort n'ait été prononcée et que personne n'ait été exécuté. La Tunisie est peut-être donc en passe de devenir un État abolitionniste de fait. Néanmoins, comme indiqué plus haut, tant que le Gouvernement n'aura pas donné d'assurances, on ne pourra déduire de l'absence d'exécutions qu'il est désormais résolu à abolir la peine capitale en droit. Il convient de noter qu'un moratoire sur les exécutions a été déclaré en janvier 2000 par le Gouverneur de l'État d'Illinois aux États-Unis. Celui-ci a lancé une enquête sur la peine de mort dans cet État pour répondre aux préoccupations suscitées par le fait que des personnes avaient été condamnées à tort à la peine capitale (voir par. 108 ci-dessous). Le Président des Philippines a commué en peine de réclusion à vie la sentence de 13 des 120 personnes dont la condamnation à mort avait été confirmée par la Cour suprême et a déclaré, en mars 2000, un moratoire sur les exécutions jusqu'à la fin de l'année pour célébrer le 2000e anniversaire de la naissance du Christ. Plus d'un millier de détenus se trouvent encore dans le quartier des condamnés à mort aux Philippines. Un moratoire imposé en 1998 sur les exécutions au Kirghizistan a été prorogé par le Président jusqu'en décembre 2001. Des peines de mort continuent toutefois d'être prononcées(19).
58. Cinquante-cinq des pays qui étaient restés favorables au maintien de la peine de mort ont donc procédé à des exécutions au cours de la période 1994-2000 (voir tableau 1, note x)) et à priori, rien n'indique qu'ils aient l'intention d'abolir prochainement cette peine.
D. Situation de la peine capitale à la fin de 2000: récapitulatif des changements survenus depuis le début de 1994
59. Une fois passés en revue les changements survenus depuis 1994, il convient de classer les pays selon leur situation à la fin de 2000. Ainsi, peut-on voir dans combien de pays la situation de la peine de mort a évolué et de quelle manière, depuis le début de l'enquête en 1994. Ces données font l'objet du tableau 1, aussi bien pour l'ensemble des pays que pour ceux qui ont répondu à la sixième enquête.
60. La principale conclusion qui se dégage de la sixième enquête quinquennale est que les pays sont devenus abolitionnistes selon un rythme soutenu. Au cours de la période 1989-1993, 21 pays avaient aboli la peine capitale, dont 19 pour toutes les infractions commises en temps de paix comme en temps de guerre (5 d'entre eux avaient déjà aboli la peine capitale pour les infractions de droit commun). Le rythme de cette évolution avait été jugé tout à fait remarquable dans le rapport sur la cinquième enquête. Au cours des cinq années allant de 1994 à 1998, 18 autres pays(20) ont aboli la peine de mort, 17 pour toutes les infractions (5 d'entre eux avaient déjà aboli la peine capitale pour les infractions de droit commun) et 1 pour les infractions de droit commun en temps de paix. De plus, en 1999 et en 2000, 5autres pays sont devenus abolitionnistes pour toutes les infractions (dont 1 avait déjà aboli la peine capitale pour les infractions de droit commun)(21) et 2 autres sont devenus abolitionnistes pour les infractions de droit commun(22), ce qui fait au total 25 pays (dont 22 sont abolitionnistes pour toutes les infractions et 3 pour les infractions de droit commun). Étant donné qu'un moins grand nombre d'États démocratiques a vu le jour au cours de la dernière période et que le groupe des pays et régions favorables au maintien de la peine de mort et susceptibles d'être plus réticents au changement est plus restreint, la progression vers l'abolition à travers le monde a été impressionnante.
61. Bien que quatre pays aient rétabli la peine de mort au cours de la période quinquennale 1989-1993, aucun État abolitionniste de fait n'a repris les exécutions. De 1994 à 2000, aux États-Unis, les États du Kansas (1994) et de New York (1995) ont rétabli la peine de mort, tout comme la Gambie en 1995 après une période de deux ans d'abolition totale. En outre, neuf pays ont cessé d'être abolitionnistes de fait, car selon les informations disponibles, ils ont repris les exécutions. C'est là une tendance préoccupante pour les partisans de l'abolitionnisme. On trouvera à l'annexe I du présent rapport une liste à jour des pays abolitionnistes et des pays favorables au maintien de la peine de mort.
IV. Application de la peine de mort
62. En raison du faible nombre de réponses reçues de pays favorables au maintien de la peine de mort au début de 1994, il est très difficile de se faire une idée de l'application de cette peine, au plan mondial, pour la période quinquennale 1994-1998. Vingt-deux des pays qui ont répondu à la sixième enquête (dont 6 étaient abolitionnistes de fait) ont prononcé des peines de mort depuis 1994 et 15 d'entre eux ont fourni des statistiques à ce sujet(23).
63. Dix des 16 États qui ont répondu (si l'on ne tient pas compte des 6 pays abolitionnistes de fait) et qui étaient favorables au maintien de la peine de mort pendant la période 1994-1998 ont indiqué le nombre d'exécutions auxquelles ils ont procédé: Bahreïn (1), Bélarus (168), Cameroun (1), Comores (2), États-Unis (274), Indonésie (1), Japon (24), Liban (6), Rwanda (23) et Thaïlande (5)(24). Toutes ces peines et exécutions concernaient des personnes âgées de plus de 18 ans à la date où l'infraction avait été commise, à l'exception des États-Unis. Dans ce pays, 3 hommes âgés de 17 ans au moment où l'infraction a été commise ont été exécutés en 1998, 1 homme âgé de 16 ans au moment des faits a été exécuté en 1999 et 4 h