PARLEMENT EUROPÉEN 2014 - 2019 - Situation en Égypte
TEXTES ADOPTÉS - Édition provisoire
Le Parlement européen, – vu ses précédentes résolutions, notamment celle du 6 février 2014 sur la situation en Égypte, et celle du 17 juillet 2014 sur la liberté d'expression et de réunion en Égypte,
– vu les conclusions sur l'Égypte du Conseil "Affaires étrangères" d'août 2013 et de février 2014,
– vu les récentes déclarations sur l'Égypte du Service européen pour l'action extérieure, notamment celles du 21 septembre 2014 sur l'attentat à la bombe perpétré au ministère égyptien des affaires étrangères et du 3 décembre 2014 sur les jugements rendus en Égypte,
– vu les déclarations du 23 juin 2014 du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et de la haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, Navi Pillay, sur les peines de prison prononcées à l'encontre de plusieurs journalistes et sur la confirmation des condamnations à mort de plusieurs membres et sympathisants des Frères musulmans, vu la déclaration du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, du 25 octobre 2014 concernant les attaques terroristes dans le Sinaï,
– vu l'accord d'association UE-Égypte de 2001 qui est entré en vigueur en 2004 et a été renforcé par le plan d'action de 2007, ainsi que le rapport de suivi de la Commission du 20 mars 2013 sur les progrès de sa mise en œuvre, vu la politique européenne de voisinage et le dernier rapport de suivi de mars 2014 sur les progrès de sa mise en œuvre concernant l'Égypte,
– vu la constitution égyptienne adoptée par référendum les 14 et 15 janvier 2014, et notamment ses articles 65, 70, 73, 75 et 155,
– vu la loi égyptienne no 107 du 24 novembre 2013 sur le droit de rassemblement, de défilé et de manifestations publics pacifiques,
– vu la loi égyptienne no 136 de 2014, un décret présidentiel qui place pour deux ans toutes les installations "publiques et essentielles" sous juridiction militaire,
– vu sa résolution du 11 décembre 2012 sur une stratégie pour la liberté numérique dans la politique étrangère de l'Union,
– vu sa résolution du 13 juin 2013 sur la liberté de la presse et des médias dans le monde,
– vu le rapport spécial de la Cour des comptes européenne de 2013, intitulé "La coopération de l'UE avec l'Égypte dans le domaine de la gouvernance",
– vu la déclaration finale de la mission d'observation électorale de l'Union européenne en Égypte du 22 juillet 2014 à l'occasion de l'élection présidentielle,
– vu les discours prononcés par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi le 1er janvier 2015 sur l'extrémisme islamique et le 6 janvier 2015 sur le besoin de relations pacifiques et constructives entre les musulmans et les chrétiens d'Égypte,
– vu les lignes directrices de l'Union européenne sur la liberté d'expression en ligne et hors ligne, celles visant à promouvoir et garantir le respect de tous les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), et les orientations de l'UE concernant les défenseurs des droits de l'homme,
– vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l'Égypte est partie,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu l'article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement,
A. considérant que la liberté d'expression et la liberté de réunion sont les piliers essentiels d'une société démocratique et pluraliste; que la liberté de la presse et des médias est la composante primordiale d'une société démocratique et ouverte; que les libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression et la liberté de réunion, sont consacrées par la constitution égyptienne adoptée en 2014;
B. considérant que l'Égypte est un partenaire stratégique de longue date de l'Union européenne, avec laquelle elle partage l'objectif d'instaurer la stabilité, la paix et la prospérité en Méditerranée et au Proche-Orient; considérant que l'Égypte a été confrontée à un ensemble de problèmes politiques épineux depuis la révolution de 2011 et que sa population a besoin du soutien et de l'assistance de la communauté internationale pour relever les défis qui se posent à elle sur les plans économique et politique ainsi que dans le domaine de la sécurité;
C. considérant que depuis coup d'État militaire de juin 2013, le gouvernement égyptien a mené une vaste campagne d'arrestations arbitraires, de harcèlement, d'intimidation et de censure contre des détracteurs du gouvernement, pour avoir exercé leurs libertés de réunion, d'association et d'expression, notamment des journalistes, des étudiants et des militants des droits de l'homme, et contre des opposants politiques, notamment des membres des Frères musulmans; considérant que des rapports font état, depuis juillet 2013, de l'arrestation de plus de 40 000 personnes à la suite de vagues d'arrestation sans précédent, et de l'assassinat de quelque 1 400 manifestants en raison de l'usage excessif et arbitraire de la force par les forces de l'ordre; que les libertés d'association, de réunion et d'expression sont des sujets de grande préoccupation depuis juillet 2013; que l'Égypte est classée "non libre" par Freedom House dans son rapport de 2014 sur la liberté dans le monde (Freedom in the World);
D. considérant que des milliers de manifestants et de prisonniers d'opinion sont détenus en Égypte depuis que l'armée s'est emparée du pouvoir en juillet 2013; qu'il n'a pas été mis fin aux arrestations et aux cas de détention arbitraire depuis l'élection du président Al- Sissi en mai 2014; que le 11 juin 2014, un tribunal a condamné Alaa Abdoul Fattah, militant de premier plan qui a joué un rôle moteur dans la révolution de 2011, ainsi que d'autres personnes, à quinze ans d'emprisonnement pour violation de la loi n° 107 de 2013 sur le droit de rassemblement, de défilé et de manifestation publics pacifiques; que d'autres militants de premier plan, dont Mohamed Adel, Ahmed Douma et Ahmed Maher, ainsi que d'autres défenseurs renommés des droits des femmes, tels que Yara Sallam et Sana Seif, restent placés en détention; que le 28 avril 2014, le tribunal des référés du Caire a prononcé l'interdiction du Mouvement de la jeunesse du 6 avril;
E. considérant que le 10 janvier 2015, un tribunal égyptien de la province du delta du Nil de Baheira a condamné Karim al-Banna, un étudiant de 21 ans, à trois ans d'emprisonnement pour avoir annoncé sur Facebook qu'il était athée et insulté l'islam;
F. considérant que les autorités égyptiennes ont restreint la liberté d'expression et de réunion au moyen d'une nouvelle législation répressive, qui permet au gouvernement de faire taire plus facilement ses détracteurs et de réprimer les protestations;
G. considérant qu'en l'absence de parlement, une série de lois répressives ont été adoptées par le gouvernement du président Al-Sissi, comme le décret-loi présidentiel n° 136 de 2014 faisant de tous les biens publics des installations militaires, avec pour conséquence immédiate que toute infraction commise sur un bien public peut être jugée devant les tribunaux militaires, et ce avec effet rétroactif; considérant que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a indiqué, dans une interprétation de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, à laquelle l'Égypte est partie, que les tribunaux militaires ne devaient en aucun cas juger des civils;
H. considérant que l'examen périodique universel de l'ONU a formulé 300 recommandations, notamment la libération des personnes arrêtées pour l'exercice de la liberté d'expression; que sept groupes de défense des droits de l'homme basés en Égypte n'ont pas participé à l'examen périodique universel de l'ONU de leur pays, de peur des représailles;
I. considérant que la liberté de la presse est encore sous une grande pression en Égypte et que des journalistes sont toujours détenus sur la base d'allégations non fondées; considérant qu'un certain nombre de journalistes ont été poursuivis en 2014 parce qu'ils étaient accusés de menacer l'unité nationale et la paix sociale, de divulguer des informations mensongères ou de collaborer avec les Frères musulmans; considérant que la cour de cassation, plus haute juridiction égyptienne, a estimé qu'il y avait eu des irrégularités procédurales dans le procès des journalistes d'Al-Jazeera Mohammed Fahmy, Peter Greste et Baher Mohamed; que, néanmoins, les trois journalistes doivent faire l'objet d'un nouveau procès et que les chefs d'inculpation de "falsification d'informations" et d'"association aux Frères musulmans" qui pèsent contre eux n'ont pas été abandonnés; que trois autres journalistes – Sue Turton, Dominic Kane et Rena Netjes – ont été condamnés par contumace à dix ans de prison; considérant que les journalistes éyptiens Mahmoud Abdel Nabi, Mahmoud Abu Zeid, Samhi Mustafa, Ahmed Gamal, Ahmed Fouad et Abdel Rahman Shaheen ont été poursuivis pour avoir exercé leurs activités légitimes; considérant qu'un clivage profond sépare les médias égyptiens entre pro et anti-Morsi, aggravant la fracture qui divise la société égyptienne;
J. considérant que le 2 décembre 2014, la condamnation à mort de 188 prévenus a été provisoirement prononcée par une cour d'assises égyptienne, et qu'il s'agit de la troisième fois que la condamnation d'un aussi grand nombre de personnes est prononcée en 2014; que ces procès visent principalement des membres des Frères musulmans, principal mouvement égyptien d'opposition que les autorités ont inscrit au nombre des groupes terroristes en décembre 2013; que ces condamnations constituent la dernière étape d'actions pénales et de procédures qui ont été largement entachées d'irrégularités et de violations du droit international; que personne n'a été tenu responsable de l'usage excessif de la violence en août 2013, lorsque les forces de sécurité ont démantelé les campements improvisés sur la place Rabaa al-Adawiya et ont, selon une commission d'information indépendante égyptienne, tué 607 manifestants pro-Morsi;
K. considérant que la plupart des condamnations à mort prononcées lors de procès collectifs en mars et en avril 2014 à l'encontre de membres des Frères musulmans et de partisans présumés du président déchu, Mohammed Morsi, ont été commuées en peines de prison à perpétuité;
L. considérant que 167 députés des deux chambres du Parlement élu en 2011 sont actuellement en détention;
M. considérant que l'ancien président Moubarak, son ministre de l'intérieur, Habib al-Adly, et six autres collaborateurs ont été libérés le 29 novembre 2014, après que les charges de meurtre et de corruption eurent été abandonnées, en raison d'une erreur technique; considérant que le 13 janvier 2015, la cour de cassation de l'Égypte a annulé les condamnations prononcées contre l'ancien président Hosni Mubarak et ses deux fils pour détournement et ordonné un nouveau procès au motif que les procédures judiciaires n'avaient pas été correctement suivies;
N. considérant que ces pratiques judiciaires récentes jettent de sérieux doutes sur l'indépendance de la justice et sa capacité à justifier son action; qu'en particulier, ces condamnations à mort risquent de compromettre les perspectives de stabilité à long terme de l'Égypte;
O. considérant que l'Égypte est confrontée à des défis économiques importants, y compris la fuite des capitaux étrangers, la hausse de l'inflation, le chômage et une dette publique grandissante, ainsi que les défis de sécurité incarnés par la menace mondiale du terrorisme; considérant que la situation de la sécurité dans le Sinaï est critique, des centaines de soldats ayant été tués par des groupes djihadistes opérant dans la région; considérant que le 24 octobre 2014, 33 soldats au moins ont été tués dans un attentat terroriste; que des actes de terreur ont presque lieu tous les jours dans cette région; que l'État a ordonné l'expulsion de milliers d'habitants à Rafah et institué une zone tampon sur une largeur de 500 mètres le long de la bande de Gaza et que l'état d'urgence a été déclaré dans la péninsule depuis le 24 octobre 2014; considérant que des réseaux criminels sont toujours en activité sur les routes de la traite des êtres humains et du trafic de migrants à l'intérieur et en direction du Sinaï;
P. considérant que l'article 75 de la constitution de l'Égypte prévoit que tous les citoyens ont le droit de constituer des associations et fondations non gouvernementales fondées sur des principes démocratiques; considérant qu'il a été proposé une nouvelle réglementation de nature à restreindre encore plus le travail des ONG nationales et étrangères, lesquelles s'inquiètent vivement d'un nouveau projet de loi qui vise à entraver l'acheminement de fonds et d'équipements au profit de terroristes ou d'autres groupes armés mais qui pourrait empêcher les ONG de recevoir des financements étrangers dont nombre d'entre elles sont tributaires; qu'un décret présidentiel du 21 septembre 2014, modifiant le code pénal, prévoit de graves sanctions, allant jusqu'à la peine capitale, contre les responsables d'ONG percevant un financement étranger au motif, vaguement défini, de "nuire à l'intérêt national";
Q. considérant le discours prononcé par le président Al-Sissi à l'université du Caire sur la nécessité d'une modernisation et d'une réforme de la pensée islamique;
R. considérant, selon les ONG de défense des droits des femmes en Égypte, que les violences contre les femmes empirent, malgré l'adoption récente d'une loi sur le harcèlement sexuel, dont il reste à observer la bonne application; que les militantes égyptiennes sont dans une situation particulièrement fragile et font souvent l'objet de violences, d'agressions sexuelles et d'autres formes de traitement dégradant en réponse à leurs actions pacifiques; considérant qu'en dépit de la promulgation d'une loi en 2008 pénalisant la pratique des mutilations génitales féminines, celle-ci demeure répandue et que les poursuites à l'encontre de leurs auteurs ont été vaines;
S. considérant qu'au cours des derniers mois, les arrestations d'homosexuels ont augmenté; considérant qu'il y a eu une série de descentes de police dans des lieux présumés de rencontre d'homosexuels dans toute l'Égypte; considérant que la communauté LGBT est persécutée et publiquement humiliée; que, selon l'Initiative égyptienne pour les droits personnels, au moins 150 personnes ont été arrêtées, ces dix-huit derniers mois, pour des délits de mœurs; que le 12 janvier 2015, une cour égyptienne a acquitté 26 hommes qui avaient été arrêtés un mois plus tôt dans un hammam au Caire et accusés d'"incitation à la débauche";
T. considérant que les élections présidentielles de 2014 en Égypte se sont déroulées dans un contexte de restrictions sévères à la liberté d'expression et que toutes les formes d'opposition et de critique, y compris celles émanant d'organisations de défense des droits de l'homme, avaient été étouffées; considérant que des élections législatives ont été officiellement annoncées pour le 21 mars et le 25 avril 2015;
U. considérant que le pétrole est historiquement l'investissement le plus attractif pour les investisseurs étrangers en Égypte et la marchandise la plus exportée d'Égypte; que l'Égypte a reçu des livraisons de pétrole gratuites des pays du Golfe afin de soutenir le nouveau gouvernement; considérant que le gouvernement est en train d'adopter un plan visant à supprimer les subventions à l'énergie d'ici cinq ans à partir de juillet 2014 et qu'il a l'intention de mettre en œuvre un plan de distribution de carburant au moyen de cartes à puce en avril 2015 afin de contrôler la contrebande de pétrole vers les pays voisins et de définir les besoins exacts en combustibles;
V. considérant que l'Égypte a entamé des négociations avec le FMI plus d'une fois après la révolution de janvier 2011, qui lui ont permis d'obtenir un prêt de 4,8 milliards de dollars, mais que les négociations se sont arrêtées après le 30 juin 2013; considérant que de nouveaux contacts ont eu lieu et que des experts du FMI se sont rendus en Égypte en novembre 2014 pour mener des consultations au titre de l'article IV, une évaluation par des experts du FMI de la situation financière et économique du pays;
W. considérant que le niveau d'engagement de l'Union vis-à-vis de l'Égypte devrait reposer sur des mesures incitatives, conformément au principe du "donner plus pour recevoir plus" de la politique européenne de voisinage, et devrait dépendre des progrès accomplis dans les domaines de la réforme des institutions démocratiques, de l'état de droit et des droits de l'homme;
X. considérant que l'Union européenne est traditionnellement le principal partenaire commercial de l'Égypte, couvrant 22,9 % du volume des échanges de l'Égypte en 2013 et occupe la première place tant pour ses importations que ses exportations; considérant qu'à la suite du groupe de travail UE-Égypte, la Commission s'engage à fournir un soutien financier supplémentaire à l'Égypte pour un montant total de près de 800 millions d'euros; considérant que cette enveloppe est constituée de 303 millions d'euros sous forme de subventions (90 millions d'euros des fonds au titre du programme SPRING et 50 millions en tant que composante de la subvention de l'opération d'assistance micro-financière, le reste provenant de la Facilité d'investissement du voisinage) et 450 millions sous forme de prêts (assistance macro-financière); considérant toutefois que l'Union européenne ne fournira son aide financière que si les conditions politiques et démocratiques sont réunies, avec la poursuite de la transition démocratique, renforcée et pleinement inclusive dans le plein respect des droits humains et des droits des femmes;
Y. considérant que le 16 juin 2014, Stavros Lambrinidis, le représentant spécial de l'UE pour les droits de l'homme, s'est rendu au Caire et a tenu des réunions avec la présidence, le conseil de la Choura, et les représentants de la société civile; considérant que les discussions ont porté sur les préparatifs pour une nouvelle loi sur les ONG, et que l'importance que l'Union européenne attache au rôle crucial de la société civile en Égypte a été soulignée;
1. insiste sur l'importance que l'Union européenne attache à sa coopération avec l'Égypte en tant que voisin et partenaire majeur; met en exergue le rôle essentiel de l'Égypte pour la stabilité dans la région; souligne sa solidarité avec le peuple égyptien et rappelle qu'il s'engage à continuer d'apporter son soutien à l'Égypte dans le cadre de la consolidation de ses institutions démocratiques, du respect et de la défense des droits de l'homme ainsi que de la promotion de la justice sociale et de la sécurité; exhorte, par ailleurs, le gouvernement égyptien à honorer ses engagements internationaux, en sa qualité d'acteur important dans la région sud-méditerranéenne;
2. rappelle au gouvernement égyptien que la réussite à long terme de l'Égypte et du peuple égyptien dépend de la protection des droits de l'homme universels ainsi que de l'établissement et de l'ancrage d'institutions démocratiques et transparentes qui s'engagent également à préserver les droits fondamentaux des citoyens; demande, par conséquent, aux autorités égyptiennes d'appliquer pleinement les principes des conventions internationales;
3. se dit gravement préoccupé par les restrictions en cours des droits fondamentaux, notamment les libertés d'expression, d'association et de réunion, le pluralisme politique et la primauté du droit en Égypte; demande que cessent tous les actes de violence – l'incitation à la violence, les discours de haine, le harcèlement, l'intimidation et la censure – perpétrés en Égypte par les autorités publiques, les forces et les services de sécurité et d'autres groupes contre les opposants politiques, manifestants, journalistes, blogueurs, étudiants, syndicalistes, militants des droits des femmes, acteurs de la société civile et minorités; condamne l'usage excessif de la violence à l'encontre des manifestants;
4. se réjouit de ce que Yasser Ali, ancien porte-parole du Président déchu Morsi et figure proéminente des frères musulmans, a été relâché et acquitté des charges pesant contre lui; lance un appel pour une libération rapide de l'ensemble des prisonniers politiques;
5. demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d'opinion, toutes les personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association, ainsi que les personnes qui ont été arrêtées pour leur appartenance présumée aux Frères musulmans; invite les autorités égyptiennes à garantir le droit à un procès équitable conformément aux normes internationales; prie instamment les autorités égyptiennes de prendre des mesures concrètes pour veiller à l'application pleine et entière des dispositions de la nouvelle constitution sur les libertés et droits fondamentaux, dont la liberté d'expression et de réunion;
6. souligne que le respect de la liberté de la presse, des libertés d'information et d'opinion (en ligne et hors ligne) ainsi que du pluralisme politique constitue une base fondamentale de la démocratie; invite les autorités égyptiennes à garantir que ces libertés pourront être exercées sans limitations arbitraires ou censure dans le pays, et invite les autorités à garantir la liberté d'expression; estime que tous les journalistes doivent pouvoir rendre compte de la situation en Égypte sans craindre d'être poursuivis, emprisonnés, intimidés ou limités dans leur liberté de parole ou d'expression;
7. exhorte les autorités égyptiennes à mener des enquêtes rapides, impartiales et indépendantes sur les allégations de recours excessif à la force, de mauvais traitements et d'autres violations des droits humains, y compris les abus sexuels, par les forces de maintien de l'ordre lors de manifestations, à punir les responsables, à accorder réparation aux victimes et à créer un mécanisme indépendant pour surveiller et analyser le comportement des forces de sécurité; demande à l'Égypte de ratifier le statut de Rome et de devenir membre de la Cour pénale internationale;
8. demande aux autorités égyptiennes d'annuler les condamnations à mort prononcées sans tenir compte des règles qui protègent les droits des prévenus ainsi que d'abroger les lois répressives et anticonstitutionnelles qui limitent gravement les droits de l'homme et les libertés fondamentales, et notamment le décret-loi présidentiel n° 136 de 2014; demande à ces autorités d'annuler tous les verdicts de tribunaux militaires à l'encontre de civils depuis juillet 2013; demande la libération des 167 députés élus en 2011 qui se trouvent actuellement en détention; demande aux autorités de décréter immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions, qui constituera une première étape vers l'abolition de la peine de mort;
9. invite les autorités égyptiennes à annuler la loi de protestation de novembre 2013 et à s'engager dans un véritable dialogue avec les organisations de la société civile et des experts juridiques afin d'adopter une loi sur les associations et la réunion, conformément aux normes internationales, et à sauvegarder le droit de former une association consacré par l'article 75 de la constitution égyptienne, y compris le droit de recevoir et de distribuer des fonds; invite les autorités compétentes à examiner le nouveau projet de loi sur les organisations non gouvernementales présenté par le ministère de la solidarité sociale; demande instamment que la nouvelle loi proposée soit conforme à la constitution égyptienne et à tous les traités internationaux auxquels l'Égypte est signataire;
10. rappelle au gouvernement égyptien sa responsabilité d'assurer la sécurité et la sûreté de tous les citoyens, indépendamment de leurs opinions politiques, affiliation ou confession; souligne que seule une société véritablement pluraliste, respectueuse de la diversité des opinions et des modes de vie peut assurer la stabilité à long terme et la sécurité en Égypte, et invite les autorités égyptiennes à s'engager dans le dialogue et la non-violence, ainsi que dans une gouvernance inclusive;
11. salue et encourage les mesures adoptées par le gouvernement égyptien en faveur du respect des droits et des libertés des communautés religieuses; rappelle l'article 235 de la constitution égyptienne, qui dispose que durant sa première législature, le parlement nouvellement élu doit adopter une loi pour organiser la construction et la rénovation des églises, garantissant aux chrétiens la liberté de pratiquer leurs cultes; salue la présence, inédite de la part d'un président égyptien, du président Al-Sissi à la messe dans une église du Caire à l'occasion du Noël copte et estime qu'il s'agit d'un geste symbolique important qui s'inscrit dans les efforts entrepris en faveur de l'unité de la société égyptienne;
12. souligne le rôle important de l'Égypte sur la scène internationale et espère qu'elle continuera à prendre une part active au lancement de réelles négociations de paix de nature à mettre un terme au conflit israélo-palestinien et à apporter sa contribution constructive à la recherche de la stabilité dans la région méditerranéenne, notamment actuellement en Libye et au Proche-Orient; demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les citoyens égyptiens enlevés et actuellement retenus en Lybie, dont les 20 coptes égyptiens enlevés le 3 janvier 2015; réaffirme que l'Union est disposée à travailler avec l'Égypte en tant que partenaire dans la région en vue de faire face à ces graves menaces;
13. condamne fermement les récents attentats terroristes dans la péninsule du Sinaï ainsi que tous les autres actes de terrorisme contre l'Égypte; présente ses sincères condoléances aux familles des victimes; souligne que l'Union et la communauté internationale doivent se tenir fermement aux côtés de l'Égypte et coopérer avec elle dans sa lutte contre le terrorisme; invite les autorités égyptiennes à mettre tout en œuvre pour arrêter les réseaux criminels qui sont encore en activité sur les routes de la traite des êtres humains et du trafic des migrants à l'intérieur et en direction du Sinaï;
14. rappelle aux autorités égyptiennes leurs obligations juridiques nationales et internationales, et leur demande de hisser au rang de priorité la protection et la promotion des droits de l'homme ainsi que de veiller à ce que les auteurs de violations des droits de l'homme répondent de leurs actes, ce qui passe par une administration indépendante et impartiale de la justice;
15. constate que la baisse des prix du pétrole conduira directement à un abaissement des subventions à l'énergie, ce qui constitue le plus grand défi auquel les régimes post- révolution ont été confrontés depuis la révolution du 25 janvier; craint que cette baisse ait des effets considérables sur de nombreux plans gouvernementaux, dont les plus importants sont les efforts pour maintenir une marge de sécurité sur les devises étrangères;
16. prie instamment le gouvernement égyptien de mettre pleinement en œuvre les stratégies nationales de lutte contre les violences faites aux femmes et d'éradiquer toute forme de discrimination, en s'assurant que les organisations de femmes et d'autres organisations de la société civile soient dûment consultées et associées à la démarche;
17. manifeste son indignation devant l'intensification de la répression de la communauté LGBT en Égypte; exhorte les autorités égyptiennes à ne plus pénaliser, en vertu de la loi relative à la débauche, les personnes LGBT exprimant leur orientation sexuelle et exerçant leur droit de réunion, et à libérer toutes les personnes LGBT qui ont été arrêtées et emprisonnées au titre de cette loi;
18. invite les autorités égyptiennes à coopérer pleinement dans le cadre des procédures en matière de droits de l'homme des Nations unies, notamment en approuvant les demandes d'inspection introduites par plusieurs rapporteurs spéciaux, et à respecter leur engagement d'ouvrir un bureau régional du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme;
19. rappelle, conformément aux conclusions de la mission d'observation électorale de l'Union lors du scrutin présidentiel de 2014, que ces élections n'avaient pas satisfait aux normes internationales applicables et n'avaient pas respecté les droits fondamentaux exposés dans la Constitution, récemment adoptée, en raison, notamment, des restrictions imposées à la liberté d'expression et de réunion, et d'une réglementation insuffisante en ce qui concerne le financement de la campagne électorale ainsi que le droit de se présenter et de voter; demande au gouvernement égyptien de remédier aux failles décelées lors des élections présidentielles dans la préparation des élections législatives annoncées pour le 21 mars et le 25 avril 2015;
20. invite les États membres à définir une stratégie commune pour l'Égypte; exhorte à nouveau le Conseil, la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la Commission à œuvrer activement conformément au principe de conditionnalité ("donner plus pour recevoir plus") et à prendre en considération les lourds défis économiques auxquels l'Égypte est confrontée, dans les relations bilatérales que l'Union entretient avec ce pays et dans le soutien financier qu'elle lui apporte; réitère son appel à la définition claire et conjointe d'indicateurs à cet égard; réaffirme son engagement à aider le peuple égyptien dans le cadre du processus de réforme démocratique et économique;
21. encourage les représentants de la délégation de l'Union européenne et des ambassades des États membres de l'Union au Caire à assister aux procès sensibles du point de vue politique de journalistes égyptiens et étrangers, de blogueurs, de syndicalistes et de militants de la société civile dans le pays;
22. réitère sa demande adressée à la vice-présidente / haute représentante de préciser les mesures prises dans le prolongement de la décision du Conseil "Affaires étrangères" portant révision de l'aide fournie à l'Égypte par l'Union, en se référant également au rapport de la Cour des comptes de 2013; demande notamment des explications sur l'état d'avancement (i) du projet de programme de réforme de la justice; (ii) des programmes d'aide budgétaire de l'Union; (iii) du programme de renforcement du commerce et du marché intérieur; et (iv) de la participation de l'Égypte aux programmes régionaux de l'Union tels qu'Euromed Police et Euromed Justice; invite la Commission à préciser les garanties instituées dans les programmes financés au titre de la Facilité d'investissement dans le cadre de la politique de voisinage en ce qui concerne les risques de corruption et les entités économiques ou financières contrôlées par les militaires;
23. demande l'interdiction, à l'échelle de l'Union européenne, de l'exportation vers l'Égypte, de technologies d'intrusion et de surveillance susceptibles d'être utilisées pour espionner et réprimer les citoyens; appelle, conformément à l'arrangement de Wassenaar, à une interdiction des exportations de matériel de sécurité ou d'aide militaire qui pourrait être utilisé dans la répression de manifestations pacifiques ou contre les intérêts stratégiques et de sécurité de l'Union;
24. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux parlements et aux gouvernements des États membres, ainsi qu'au Président et au gouvernement de transition de la République arabe d'Égypte.