14 avril 2015 – Lors du Congrès de l'ONU contre le crime qui se déroule à Doha, au Qatar, les participants d'une table ronde sur la peine de mort ont plaidé mardi en faveur de l'abolition de cette sentence, soulignant qu'il n'existe aucune preuve confirmant son caractère dissuasif.
« Au cours des 70 ans des Nations Unies, les choses ont changé, et aujourd'hui plus de 160 États membres ont, soit aboli la peine de mort, ou ne l'appliquent pas », a déclaré le Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l'homme, Ivan Simonovic, qui a animé la discussion. « Malgré ces développements positifs, un certain nombre d'États continuent toutefois d'imposer la peine de mort ».
La table ronde faisait partie des nombreux événements parallèles au Congrès qui se poursuit jusqu'au 19 avril. Parmi les participants figuraient le Ministre italien de la justice, Andrea Orlando, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Christof Heyns, le Directeur adjoint du bureau régional de l'ONG Penal Reform International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Haitham Shibli, et Jeffrey Fagan, professeur de droit à l'Université Columbia à New York.
M. Simonovic a souligné que l'ONG Amnesty International a noté dans un récent rapport sur les condamnations et exécutions à travers le monde qu'en 2014 il y a eu moins d'exécutions enregistrées mais une augmentation du nombre de personnes condamnées à mort.
« La propagation du trafic de drogue et du terrorisme est un facteur important pour de nombreux États quand ils se posent la question de conserver ou même de réintroduire la peine de mort », a-t-il ajouté. Le taux le plus élevé d'exécutions pour trafic de drogue est enregistré dans six pays : Chine, Iran, Viet Nam, Arabie saoudite, Singapour et Malaisie.
La table ronde organisée avec l'Italie a été l'occasion de présenter une publication du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) intitulée 'S'éloigner de la peine de mort, arguments, tendances et perspectives'. Le document sera bientôt disponible en arabe, a déclaré M. imonović.
« Le monde s'éloigne, à n'en pas douter, de la peine de mort, comme il l'a fait concernant l'esclavage, la torture judiciaire et d'autres pratiques similaires », a déclaré pour sa part M. Heyns. Il a rappelé qu'en 1948, seuls huit États avaient banni la peine de mort de leur législation. « Maintenant, 99 l'ont fait ». Seulement cinq États exécutent actuellement plus de 25 personnes par an : la Chine, l'Iran, l'Arabie Saoudite, l'Iraq, et les Etats-Unis.
Le Rapporteur spécial a souligné que « le facteur le plus important qui a joué au cours des sept dernières années, c'est qu'il n'est pas clair que la peine de mort a une valeur dissuasive particulière. En fait, il n'existe aucune preuve en la matière ».
« La peine de mort crée un faux sentiment de sécurité », a-t-il dit. Selon lui, les pays devraient concentrer leurs efforts sur l'amélioration de la police et sur la lutte contre les causes sous-jacentes.
M. Heyns a estimé qu'il y avait un changement concernant la peine de mort. « Il semble que dans quelques décennies il est très probable que très peu d'Etats auront toujours la peine de mort officiellement dans leur législation », a-t-il dit.
En ce qui concerne la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, M. Shibli a souligné que le champ d'application de la peine de mort était large et vague. Il a pris les exemples du Yémen, où plus de 360 crimes sont passibles de la peine de mort, du Maroc où plus de 325 le sont, et de l'Egypte.
« Elle est largement utilisée dans le droit pénal de la région », a déclaré M. Shibli. « En général, dans la région aujourd'hui, surtout avec l'instabilité politique, les gouvernements se sentent plus à l'aise d'utiliser la peine de mort ».
De son côté, M. Fagan a parlé de la situation aux États-Unis où la peine capitale est une sentence légale dans plus de 30 États. Il a souligné que la recherche empirique montre que « rien ne prouve que la peine de mort ait un effet plus dissuasif que les autres types de condamnation ».
« La dissuasion est l'une des justifications essentielles. Sans cette justification, je pense qu'il y a un problème constitutionnel », a-t-il ajouté. Selon lui, en raison de ces études scientifiques, les choses changent aux États-Unis. « Il y a un changement profond dans la société américaine en ce qui concerne la peine de mort », a-t-il conclu.