Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l'Égypte, et notamment celles du 15 janvier 2015 sur la situation en Égypte et du 8 octobre 2015 sur la peine de mort,
– vu les conclusions sur l'Égypte du Conseil "Affaires étrangères" d'août 2013 et de février 2014,
– vu l'accord d'association UE-Égypte de 2001, qui est entré en vigueur en 2004 et a été complété par le plan d'action UE-Égypte de 2007,
– vu l'édition 2014 du rapport d'avancement sur l'Égypte dans le cadre de la politique européenne de voisinage, publié le 25 mars 2015,
– vu les récentes déclarations du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) sur l'Égypte, notamment celles du 16 juin 2015 sur les arrêts rendus par les tribunaux égyptiens et du 4 février 2015 sur la condamnation de militants en Égypte,
– vu la déclaration commune faite le 10 octobre 2015 par Mme Federica Mogherini, haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au nom de l'Union européenne, et par M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la Journée européenne et mondiale contre la peine de mort,
– vu les orientations de l'Union européenne concernant la peine de mort et les orientations pour la politique de l'Union à l'égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant et la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, auxquels l'Égypte est partie, vu les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, notamment celle du 18 décembre 2014 demandant un moratoire sur l'application de la peine de mort (69/186),
– vu la constitution de la République arabe d'Égypte,
– vu la loi égyptienne no 107 du 24 novembre 2013 sur le droit de rassemblement public, de défilé et de manifestation pacifique,
– vu l'ordonnance présidentielle de novembre 2014 (loi n° 140), qui permet aux ressortissants étrangers accusés d'une infraction pénale d'être rapatriés dans leur pays d'origine,
– vu les directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, adoptés par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
– vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant qu'Ibrahim Halawa, ressortissant irlandais, est incarcéré depuis plus de deux ans pour avoir participé à une manifestation illégale les 16 et 17 août 2013 alors qu'il passait des vacances en famille au Caire, manifestation au cours de laquelle des manifestants auraient commis des meurtres et dégradé des biens; que 97 personnes ont trouvé la mort lors de ces manifestations, la plupart en raison d'un usage excessif de la force par les forces de sécurité; qu'Ibrahim Halawa avait 17 ans – et qu'il était donc mineur au regard de la législation égyptienne et du droit international – au moment de son arrestation;
B. considérant qu'Ibrahim Halawa a été arrêté en même temps que ses trois sœurs alors qu'ils avaient trouvé refuge dans la mosquée Al-Fateh lorsque les violences ont éclaté au cours de la manifestation; que ses trois sœurs ont par la suite été libérées par les autorités;
C. considérant que le procureur n'a pu fourni aucune preuve de l'implication d'Ibrahim Halawa ne serait-ce que dans un seul acte de violence commis pendant les manifestations; qu'il dépend exclusivement de témoins et d'informations provenant des rangs de la police ainsi que des enquêtes des services de renseignement; que le procès d'Ibrahim Halawa a été reporté et ajourné à plusieurs reprises par la juridiction égyptienne, en dernier lieu le 15 décembre 2015; qu'Ibrahim Halawa n'a été inculpé que plus d'un an après son arrestation; qu'il attend, ainsi que 493 autres personnes, la plupart des adultes, un procès collectif qui devrait se tenir le 19 décembre 2015, sans aucune garantie quant au respect des normes minimales relatives à un procès libre et équitable, et qu'il risque la peine de mort s'il est condamné; qu'en mai 2015, l'Égypte a exécuté six personnes, dont l'une avait le même âge qu'a actuellement Ibrahim Halawa;
D. considérant que, depuis 2013, un nombre considérable de condamnations à mort ont été prononcées, lors de procès collectifs, à l'encontre de membres prétendus des Frères musulmans et de partisans présumés du président déchu, Mohammed Morsi; que ces procédures vont à l'encontre des obligations de l'Égypte en vertu du droit international;
E. considérant que l'article 10 de la déclaration universelle des droits de l'homme dispose que toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle;
F. considérant qu'Ibrahim Halawa est détenu pour avoir exercé pacifiquement ses droits à la liberté d'expression et de réunion et qu'Amnesty International le considère comme un prisonnier d'opinion; que la liberté d'expression et la liberté de réunion sont les piliers essentiels de toute société démocratique et pluraliste; que l'article 73 de la Constitution égyptienne dispose que les citoyens ont le droit d'organiser des réunions publiques, des marches, des cortèges et toutes les formes de manifestations pacifiques;
G. considérant qu'il a été signalé que, depuis la prise de pouvoir par l'armée en juin 2013, un grand nombre d'arrestations de manifestants et de prisonniers d'opinion ont lieu en Égypte; que les libertés d'association, de réunion et d'expression sont des sujets de grande préoccupation depuis juillet 2013;
H. considérant qu'Ibrahim Halawa subit des conditions d'emprisonnement extrêmement difficiles, y compris des actes présumés de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants au moment de son arrestation et lors de sa garde à vue, et qu'il s'est vu refuser l'accès à toute assistance médicale et judiciaire; que, selon sa famille et ses représentants légaux, Ibrahim Halawa observe une grève de la faim depuis le 21 octobre 2015 pour protester contre son maintien en détention, mettant ainsi sa santé gravement en péril;
I. considérant que le parquet égyptien du nord du Caire et le tribunal n'ont pas reconnu à Ibrahim Halawa le statut de mineur au moment de son arrestation, en violation des obligations incombant aux autorités égyptiennes en vertu de la convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle l'Égypte est partie;
J. considérant que toute sentence infligeant la peine de mort à des personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de leur infraction et leur exécution sont incompatibles avec les obligations internationales de l'Égypte;
K. considérant que Charles Flanagan, ministre irlandais des affaires étrangères et du commerce, a fait part de sa déception à la suite de l'ajournement répété du procès d'Ibrahim Halawa en Égypte; que des fonctionnaires consulaires irlandais ont assisté à toutes les audiences tenues à ce jour et ont également rendu 48 visites consulaires à Ibrahim Halawa, ce qui souligne l'importance qu'accorde le gouvernement irlandais à cette affaire;
L. considérant que l'Égypte a libéré des ressortissants étrangers au titre d'une ordonnance présidentielle publiée en novembre 2014 qui permet aux étrangers accusés d'une infraction pénale d'être expulsés vers leur pays d'origine;
M. considérant qu'à ce jour, l'Égypte n'a pas mis en œuvre les mesures provisoires demandées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en mars 2015 afin de garantir l'intégrité d'Ibrahim Halawa et des autres mineurs impliqués dans l'affaire en les libérant immédiatement sous caution;
N. considérant que, dans une large gamme de domaines, l'Union et ses États membres tentent d'établir des relations plus étroites avec l'Égypte et sa population, qu'elle considère comme un voisin et un partenaire importants; que l'Égypte est le pays arabe le plus peuplé, avec plus de 80 millions d'habitants, et qu'elle constitue un pays charnière dans le sud de la Méditerranée; qu'elle est confrontée à de graves problèmes de sécurité dus aux répercussions de la situation dans les pays limitrophes; que l'évolution politique, économique et sociale de l'Égypte a des répercussions importantes sur l'ensemble de la région et au-delà;
1. fait part de sa vive préoccupation quant à la violation inacceptable des droits de l'homme fondamentaux découlant de la détention arbitraire du citoyen irlandais Ibrahim Halawa et invite les autorités égyptiennes à le remettre immédiatement et sans condition aux autorités irlandaises conformément à l'ordonnance présidentielle publiée en novembre 2014 en application de la loi égyptienne n° 140;
2. exprime son inquiétude la plus vive face à la détérioration de l'état de santé d'Ibrahim Halawa en raison de sa grève de la faim et de ses mauvaises conditions de détention présumées; invite les autorités égyptiennes à faire en sorte de toute urgence que la santé et le bien-être d'Ibrahim Halawa soient préservés pendant son séjour en prison; exige que tous les soupçons de torture et de mauvais traitement à l'égard d'Ibrahim Halawa fassent l'objet d'enquêtes minutieuses et indépendantes;
3. demande aux autorités égyptiennes de garantir le respect de l'article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que "[t]oute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine";
4. rappelle aux autorités égyptiennes que l'Égypte est liée par des obligations internationales incontestables au titre de la convention relative aux droits de l'enfant, qui s'appliquent à Ibrahim Halawa; exige que les autorités égyptiennes excluent catégoriquement la menace de peine de mort si Ibrahim Halawa devait être condamné, puisqu'il était mineur au moment de son arrestation;
5. réitère l'opposition absolue de l'Union au recours à la peine de mort, quelles que soient les circonstances, et appelle de ses vœux un moratoire sur l'application de la peine de mort en Égypte; invite instamment l'Égypte à ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1996, visant à abolir la peine de mort;
6. est extrêmement préoccupé par l'incapacité du pouvoir égyptien à respecter le droit à un procès équitable d'Ibrahim Halawa et ses 493 coaccusés, en particulier l'impossibilité de faire réexaminer ou de contester leur maintien en détention et les charges retenues contre eux, le refus répété de leur donner accès à des avocats et la période excessive de détention provisoire, ce qui va à l'encontre des obligations nationales et internationales de l'Égypte;
7. demeure convaincu qu'il sera extrêmement difficile pour les avocats d'Ibrahim Halawa de préparer une défense individuelle si son affaire fait l'objet d'une audience dans le cadre d'un procès collectif concernant tous les accusés arrêtés en lien avec les manifestations du mois d'août 2013;
8. condamne vigoureusement le recours à un procès collectif dans le cadre de la procédure judiciaire et invite les autorités égyptiennes à se conformer au droit international et à respecter les normes internationales les plus élevées en matière de droit à un procès équitable et de respect de la légalité; invite les autorités égyptiennes à libérer les personnes détenues pour avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association, tel qu'il est consacré dans la Constitution égyptienne et d'autres conventions internationales auxquelles l'Égypte est partie; manifeste une préoccupation profonde devant la grave dégradation du paysage médiatique; condamne les procès et les condamnations par contumace de journalistes égyptiens et étrangers;
9. invite le Service européen pour l'action extérieure, par l'intermédiaire de la délégation de l'Union au Caire, et les États membres, notamment l'Irlande, à suivre toutes les audiences du procès d'Ibrahim Halawa et de ses coaccusés; attend du SEAE qu'il évoque cette affaire au plus haut niveau de son dialogue avec l'Égypte et qu'il fasse régulièrement rapport au Parlement sur le suivi du procès; invite les autorités irlandaises, ainsi que la délégation de l'Union, à continuer d'apporter tout leur soutien juridique, consulaire et autre à Ibrahim Halawa et à sa famille et à lui rendre visite régulièrement en prison; invite les autorités égyptiennes, compte tenu de la citoyenneté européenne d'Ibrahim Halawa, à continuer de faciliter l'accès aux services consulaires du gouvernement irlandais;
10. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, aux parlements et aux gouvernements des États membres, ainsi qu'au président de la République arabe d'Égypte et à son gouvernement provisoire.