Recommandation CM/Rec(2021)2 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures contre le commerce de biens utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(adoptée par le Comité des Ministres le 31 mars 2021, lors de la 1400e réunion des Délégués des Ministres)
Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1),
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses États membres, notamment en promouvant des normes communes et en menant des activités dans le domaine des droits de l'homme ;
Rappelant l'obligation des États membres d'assurer à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et ses protocoles ;
Réitérant son engagement indéfectible en faveur de l'abolition de la peine de mort conformément aux Protocoles nos 6 (STE no 114) et 13 (STE no 187) à la Convention européenne des droits de l'homme ;
Rappelant l'obligation des États membres d'interdire la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants conformément à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi qu'à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126) et à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif ;
Soulignant la grande importance de la formation initiale et continue des agents des services répressifs à l'utilisation appropriée des équipements de sécurité, conformément aux normes internationales et régionales en matière de droits de l'homme, et la nécessité qui en découle d'empêcher la formation à des pratiques abusives qui contreviennent à ces normes ;
Tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et des normes élaborées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sur l'utilisation de certains équipements et dispositifs de maintien de l'ordre ;
Rappelant la Recommandation 2123 (2018) de l'Assemblée parlementaire « Renforcer la réglementation internationale interdisant le commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort », qui appelle à donner des orientations techniques sur la manière d'établir et de mettre en œuvre un régime réglementaire efficace ;
Gardant à l'esprit :
i. les Résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies A/RES74/143 « Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et A/RES/73/304 « Mettre fin au commerce des instruments de torture : examen de la possibilité d'établir des normes internationales communes, du champ d'application de telles normes et des paramètres applicables » ainsi que le Rapport subséquent du Secrétaire général des Nations Unies A/74/969 qui a constaté que la plupart des États interrogés sont favorables à l'établissement de normes internationales communes et qu'une majorité est en faveur d'un instrument juridiquement contraignant établissant des mesures pour contrôler et restreindre le commerce de biens utilisés pour la peine capitale, la torture et autres formes de mauvais traitements ;
ii. le Règlement (UE) 2019/125 du Parlement européen et du Conseil du 16 janvier 2019 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
et iii. les Principes directeurs des Nations Unies de 2011 relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme – Mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies ;
Rappelant la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres aux États membres sur les droits de l'homme et les entreprises, qui souligne la nécessité de veiller à ce que les entreprises commerciales domiciliées dans les juridictions des États membres ne fassent pas le commerce de biens qui n'ont d'autre finalité pratique que la peine capitale, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans des pays tiers ;
Soulignant l'intérêt d'établir, selon un éventail de possibilités, des normes internationales communes et agréés de manière multilatérale sur le commerce d'équipements qui sont intrinsèquement cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d'équipements et d'armes des forces de l'ordre et autres biens pertinents pouvant être utilisés à mauvais escient pour la peine de mort, la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants ;
Profondément préoccupé par le fait que certains équipements et biens dont la seule utilisation pratique est la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains et dégradants puissent être produits, promus ou commercialisés dans les États membres du Conseil de l'Europe, y compris lors de salons professionnels européens ou sur les sites web d'entreprises européennes et d'entreprises établies en Europe,
Recommande aux gouvernements des États membres :
1. de revoir régulièrement leur législation et leur pratique nationales relatives au commerce de biens intrinsèquement abusifs, ainsi que les biens pouvant être utilisés à mauvais escient pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux mesures énoncées dans l'annexe de la présente recommandation ;
2. d'assurer, par des moyens et des actions appropriés, une large diffusion des principes énoncés dans l'annexe à la présente recommandation auprès des autorités compétentes, notamment celles qui mettent en œuvre et supervisent la réglementation du commerce des biens susceptibles d'être utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris en particulier les institutions nationales des droits de l'homme, les mécanismes nationaux de prévention, les institutions de l'ombudsman, les organisations syndicales concernées, les organisations de la société civile, les entreprises qui fabriquent, promeuvent et transfèrent des équipements destinés au maintien de l'ordre et autres biens pertinents, tels que certains produits chimiques pharmaceutiques, et les entreprises qui organisent et exploitent des salons professionnels ainsi que d'autres personnes physiques et morales pertinentes ayant leur domicile dans des États membres ;
3. d'examiner, au sein du Comité des Ministres, la mise en œuvre de la présente recommandation au plus tard cinq ans après son adoption.