Assemblée parlementaire
Doc. 10911
21 avril 2006
Position de l'Assemblée parlementaire à l'égard des Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe n'ayant pas aboli la peine de mort
Rapport
Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme
Rapporteur: Mme Renate Wohlwend, Liechtenstein, Groupe du Parti populaire européen
Résumé
La peine capitale constitue la violation du droit de l'homme le plus fondamental, le droit à la vie. Elle doit être bannie de manière absolue et définitive des législations des Etats attachés au respect de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme.
La peine de mort a été abolie dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, à une seule exception : plus de dix ans après son adhésion, la Fédération de Russie maintient toujours la peine de mort dans sa législation, bien qu'elle respecte un moratoire sur les exécutions depuis 1996. L'Assemblée a multiplié ces dernières années les appels aux autorités russes, les exhortant à ratifier immédiatement le Protocole no 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, conformément à leurs engagements. Le délai initial pour le respect de cet engagement a expiré en 1999.
Deux des Etats ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, le Japon et les Etats-Unis, continuent d'appliquer la peine de mort et d'enfreindre leur obligation fondamentale de respecter les droits de l'homme au titre de la Résolution statutaire (93) 26. Les appels lancés par l'Assemblée dans ses deux précédentes résolutions, dans lesquelles elle demandait au Japon et aux Etats-Unis d'instituer sans délai un moratoire relatif aux exécutions et de prendre les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort, sont restés lettre morte. 1016 exécutions ont eu lieu aux Etats-Unis depuis que la peine capitale a été rétablie en 1977; huit exécutions ont eu lieu au Japon depuis 2001.
La commission des questions juridiques et des droits de l'homme invite l'Assemblée à faire valoir sa position et à adopter un certain nombre de recommandations à l'attention du Comité des Ministres en ce qui concerne les Etats membres et Etats ayant le statut d'observateur concernés.
A. Projet de recommandation
1. L'application de la peine de mort constitue la violation du droit de l'homme le plus fondamental, le droit à la vie. La peine capitale doit être bannie de manière absolue et définitive des législations des Etats attachés au respect de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme.
2. L'Assemblée parlementaire se félicite du fait que, moins de quatre ans après son ouverture à la signature, 36 des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe ont déjà ratifié le Protocole n° 13 à la Convention européenne des Droits de l'Homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances (STCE n° 187) et que 7 autres Etats l'ont signé. Seules l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie ne l'ont à ce jour toujours pas signé.
3. La peine de mort a été abolie dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, à une seule exception. L'Assemblée rappelle que la Fédération de Russie s'est solennellement engagée lors de son adhésion à abolir la peine de mort et, plus précisément, à signer dans l'année et à ratifier dans les trois ans suivant son adhésion le Protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix (STCE no 114).
4. L'Assemblée déplore que cet engagement n'ait été que partiellement respecté et que plus de dix ans après son adhésion, la Fédération de Russie maintienne la peine de mort dans sa législation, bien qu'elle respecte le moratoire sur les exécutions qu'elle a introduit en 1996. Tout en reconnaissant que des efforts ont été réalisés par la délégation parlementaire russe pour promouvoir le respect de l'engagement pris, l'Assemblée regrette de n'avoir pas reçu, jusqu'à présent, une indication claire des intentions des autorités russes, au plus haut niveau, sur cette question. Elle exhorte les autorités russes à faire preuve, vis-à-vis de leur opinion publique, de la même détermination et de la même capacité de persuasion dont ont usé les autorités des autres Etats du Conseil de l'Europe qui ont su, dans le passé, faire preuve de volonté et de courage politiques pour abolir la peine de mort en surmontant l'éventuelle impopularité de la mesure.
5. A cet égard, l'Assemblée rappelle ses Résolutions 1455 (2005), 1277 (2002), et 1187 (1999) dans lesquelles elle a multiplié les appels aux autorités russes concernant l'abolition de la peine de mort, les exhortant à ratifier immédiatement le Protocole no 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme. L'Assemblée rappelle que le délai initial pour le respect de cet engagement a expiré en 1999.
6. En ce qui concerne les pays ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, l'Assemblée rappelle ses Résolutions 1349 (2003) et 1253 (2001) dans lesquelles elle demande au Japon et aux Etats-Unis d'instituer sans délai un moratoire relatif aux exécutions et de prendre les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort. Elle considère qu'il est inadmissible que ces appels soient restés lettre morte et que le Japon et les Etats-Unis continuent d'appliquer la peine de mort et d'enfreindre leur obligation fondamentale de respecter les droits de l'homme, au titre de la Résolution statutaire (93) 26. 1016 exécutions ont eu lieu aux Etats-Unis depuis que la peine capitale a été rétablie en 1977; huit exécutions ont eu lieu au Japon depuis 2001.
7. En ce qui concerne les Etats membres du Conseil de l'Europe, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
7.1. de poursuivre ses efforts afin que le Protocole n° 13 (STCE n° 187) soit ratifié par l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe dans les meilleurs délais;
7.2. d'obliger la Fédération de Russie à ratifier sans délai le Protocole n° 6 concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix (STCE n°114);
7.3. d'inviter l'Albanie et la Lettonie à abolir dans leur législation interne la peine de mort pour les crimes commis en temps de guerre ou durant l'état d'urgence;
7.4. de clarifier avec l'Azerbaïdjan la question de la situation des prisonniers condamnés à mort antérieurement à l'abolition de la peine capitale dans le pays en 1998, dont la peine n'aurait apparemment toujours pas été commuée et qui se trouveraient ainsi toujours dans les couloirs de la mort.
8. En ce qui concerne les Etats ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, l'Assemblée rappelle ses Recommandations 1627 (2003) et 1522 (2001) et demande instamment au Comité des Ministres de:
8.1. donner une suite concrète aux précédentes recommandations de l'Assemblée relatives à l'abolition de la peine de mort dans les Etats observateurs, et de tirer les conclusions qui s'imposent au vu de l'attitude des autorités des deux pays concernés sur cette question;
8.2. s'engager d'urgence dans un dialogue politique actif et substantiel avec le Japon et les Etats-Unis afin que les deux Etats instituent enfin un moratoire immédiat sur les exécutions, en faisant valoir la position de principe qu'il est désormais impossible pour le Conseil de l'Europe d'accepter que des Etats bénéficiant du statut d'observateur appliquent la peine de mort;
8.3. inviter fermement le Japon à abolir la peine de mort dans les meilleurs délais, et en toute hypothèse avant l'entrée en vigueur de la réforme judiciaire et la mise en place, en 2009, de jurys populaires;
8.4. inviter fermement les Etats-Unis à abolir la peine de mort dans les meilleurs délais;
8.5. inscrire à son ordre du jour d'ici la fin de l'année 2006 la question de la suspension du statut d'observateur au Japon et aux Etats-Unis si des progrès n'intervenaient pas sur la question d'ici là.
9. L'Assemblée recommande également au Comité des Ministres d'inviter instamment l'Union européenne à soulever la question de la peine de mort dans son dialogue politique avec la Chine.
B. Exposé des motifs
par Mme Wohlwend, rapporteur
I. Introduction
1. Au cours de ces douze dernières années, l'Assemblée parlementaire a adopté pas moins de cinq résolutions et quatre recommandations sur l'abolition de la peine de mort, dans lesquelles elle n'a eu de cesse de réaffirmer son opposition complète à la peine capitale, qu'elle considère comme un acte de torture et une peine inhumaine et dégradante, et incontestablement la plus grave des violations des droits de l'homme.
2. L'abolition de la peine capitale en Europe est l'une des plus grandes réussites du Conseil de l'Europe. Il s'agit d'un combat sans relâche qui ne trouvera son issue que lorsque la peine de mort aura été définitivement éradiquée du continent, et au-delà. Au niveau européen, un seul des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe n'a toujours pas aboli formellement la peine de mort: la Russie.
3. Au vu de la situation tant dans les Etats membres que dans les Etats observateurs, il m'a semblé fondamental de poursuivre l'œuvre entreprise. Aussi ai-je pris, en 2004, l'initiative d'une nouvelle proposition de recommandation1. Le 30 avril 2004, la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme en a été saisie pour rapport.
4. Le 7 juin 2004, la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme me renouvelait sa confiance en me désignant à nouveau rapporteur sur cette question. Le 16 décembre 2004, je présentais à la commission le premier état de mes réflexions; le 6 octobre 2005, je présentais une nouvelle note d'information.
5. Le présent rapport vise donc à faire le point sur la situation actuelle au regard de la peine de mort dans les Etats membres et Etats observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que, ce qui est pour moi inédit, dans les Etats géographiquement proches du Conseil de l'Europe, avec lesquels le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire entretiennent ou ont récemment entretenu des contacts politiques.
II. Situation dans les Etats membres du Conseil de l'Europe
i. Signature et ratification des instruments juridiques pertinents
6. 45 Etats membres ont ratifié le Protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix. Seule la Fédération de Russie manque à l'appel; elle l'a signé, mais ne l'a pas encore ratifié.
7. 36 Etats membres ont ratifié le Protocole n° 13 à la Convention européenne des Droits de l'Homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, et 7 Etats l'ont signé. Il est entré en vigueur au 1er juillet 2003. L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Fédération de Russie sont les seuls pays a ne l'avoir ni signé ni ratifié.
8. Il est intéressant de relever que l'Albanie et la Lettonie n'ont aboli la peine de mort que pour les crimes de droit commun. Ce sont les deux seuls Etats membres du Conseil de l'Europe dont la législation maintient la peine capitale pour des crimes avec circonstances aggravantes commis en temps de guerre (et, dans le cas de l'Albanie durant l'état d'urgence).
ii. La Fédération de Russie, seul Etat membre du Conseil de l'Europe à maintenir la peine de mort dans sa législation
9. La Russie est le seul des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe a n'avoir toujours pas aboli la peine de mort de jure2. La Russie a mis en place un moratoire sur la peine de mort depuis maintenant 10 ans, par décret présidentiel en mai 1996. Parallèlement, en février 1999, la Cour Constitutionnelle a jugé que les tribunaux ne pouvaient plus prononcer de peine capitale, tant que le système du jury n'était pas mis en place dans l'ensemble du pays pour juger des crimes qui encourent cette sentence. Les tribunaux avec jury sont graduellement introduit dans le pays depuis le 1er juillet 2002; cette réforme sera achevée normalement au 1er janvier 2007 avec son introduction dans la République tchétchène. Ainsi, même si le moratoire de 1996 était levé, la décision de la Cour constitutionnelle de 1999 empêcherait les condamnations à la peine capitale au moins jusqu'en 2007.
10. En mai 2005, Pavel Krasheninnikov, président de la commission des lois de la Douma, a appelé les parlementaires à adopter une loi qui confirmerait l'abolition de la peine de mort en Russie. Une telle démarche est encourageante, mais malheureusement isolée.
11. En effet, certains responsables politiques russes, y compris, ce qui est regrettable, des membres de la délégation parlementaire russe de l'Assemblée parlementaire, continuent régulièrement de prendre position publiquement en faveur de la levée du moratoire et de la réintroduction de la peine de mort, notamment pour les instigateurs d'actes terroristes. En février 2004, Dimitri Rogozine, l'ancien président de la délégation parlementaire russe – ce qui est un comble ! – déclarait publiquement être en faveur de la peine capitale pour les actes de terrorisme et de trafic de drogue. En octobre 2004, Vladimir Jirinovski proposait d'introduire dans un projet de loi portant sur la pénalisation de la pédérastie la peine de mort pour les activités homosexuelles. En mars dernier, à l'occasion de la commémoration du dixième anniversaire de l'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe, Guenadi Ziuganov appelait les autorités à lever le moratoire sur les exécutions.
12. Enfin, il est clair que certains évènements, notamment la tragédie de Beslan, pèse de tout leur poids sur la position de l'opinion publique russe dans le débat.
13. Lors du procès de Beslan qui se déroule à Vladikavkaz, le procureur général adjoint russe, Nikolai Shepel, requérait en février 2006 la peine de mort à l'encontre de Nur-Pashi Kulayev, le seul survivant du commando des preneurs d'otages. Toutefois, le Vice-président de la Douma, Vladimir Pekhtin, devait parallèlement déclarer à la presse, que la Douma n'était pas prête à lever le moratoire sur la peine de mort pour Kulayev.
iii. Initiatives de restaurer la peine de mort
14. Les politiciens russes n'ont pas l'exclusivité de tels dérapages: le 8 avril 2004, 48 députés de l'Assemblée nationale française présentaient une proposition de loi visant à rétablir la peine de mort pour les terroristes. J'ai moi-même vivement réagi à cette initiative et de nombreux membres de l'Assemblée se sont joints à moi en publiant une déclaration3.
15. En octobre 2004, des membres de la Diète polonaise ont rejeté, à une courte majorité (198 contre, 194 pour et 14 abstentions), une proposition – émanant du parti Loi et Justice alors dans l'opposition et désormais au pouvoir – visant à réintroduire la peine capitale. Le Président Kwasniewski avait clairement fait savoir qu'en cas de vote positif, il mettrait son veto. Il n'y a guère de quoi se réjouir du résultat et, tout au contraire, il y a tout lieu d'être inquiété, et même scandalisé, par un tel vote: il s'est tout de même trouvé 194 parlementaires pour voter en faveur de la restauration de la peine de mort en Pologne !
16. Rappelons, enfin, que l'actuel président de la Pologne, Lech Kaczynski, co-fondateur avec son frère Jaroslaw du parti Loi et Justice, porté au pouvoir à l'issue des élections de 2005, s'est exprimé en de nombreuses occasions, tout comme son frère, clairement pour le rétablissement de la peine capitale.
III. Situation dans les Etats observateurs du Conseil de l'Europe
17. Parmi les Etats observateurs du Conseil de l'Europe, seuls les Etats-Unis et le Japon conservent la peine de mort. L'Assemblée a demandé au Japon et aux Etats-Unis à deux reprises en 2001 et en 2003 d'instituer sans délai un moratoire relatif aux exécutions et de prendre les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort. Ces appels sont restés lettre morte.
18. Le Mexique, où elle n'était plus appliquée depuis 1937, a aboli formellement la peine de mort le 17 mars 2005.
i. Etats-Unis
19. En 2005, 60 condamnés à mort ont été exécutés (dont 19 pour le seul Etat du Texas). En 2004, 59 prisonniers avaient été exécutés (dont 23 au Texas). Ils étaient 65 en 2003 et 71 en 2002.
20. Au 1er janvier 2006, environ 3.400 condamnés étaient dans les couloirs de la mort. Il a été procédé à douze nouvelles exécutions sur les trois premiers mois de l'année 2006, ce qui porte le nombre total des personnes exécutées depuis que la peine capitale a été rétablie en 1977 à 1016.
21. 38 des 50 Etats de l'Union prévoit encore la peine de mort dans leur législation pénale. La peine de mort figure, en outre, toujours dans la législation fédérale militaire et civile.
22. Cependant, des pas importants vers l'abolition ont été faits. D'une part, la société civile, les ONG, se montrent depuis quelques années extrêmement actives dans le combat pour l'abolition. Mais de surcroît, la Cour Suprême américaine des Etats-Unis a fait avancer le droit de manière déterminante.
23. Dans un arrêt de principe du 1er mars 2005 (Aff. Roper c/ Simmons), la Cour Suprême, considérant que la mort constitue un châtiment disproportionné pour les criminels mineurs, a déclaré inconstitutionnelle la condamnation à mort de personnes âgées de moins de 18 ans à l'époque des faits pour lesquels ils sont jugés, en application du 8ème amendement qui prohibe les châtiments cruels et exceptionnels.4
24. Entre 1977 et 2003, les Etats-Unis ont exécuté 22 personnes qui étaient mineurs à l'époque des faits. Quelques 70 mineurs délinquants se trouveraient encore dans le couloir de la mort en 2004, dont plus d'un tiers au Texas.
25. En juin 2002, dans l'affaire Atkins, la Cour Suprême avait déclaré inconstitutionnelle la condamnation à mort de débiles mentaux (dans un précédent arrêt de 1986, elle déclarait leur exécution contraire à la constitution). Toutefois, des personnes ayant des antécédents de graves maladies mentales continuent d'être condamnées à mort. En 2004 et 2005, trois ont été exécutées.5
26. Par ailleurs, le 31 mars 2004, la Cour internationale de justice a rendu un jugement dans une affaire Avena et autres opposant le Mexique aux Etats-Unis. La Cour a jugé que les Etats-Unis, en condamnant à mort 51 Mexicains sans en aviser les autorités consulaires de leur pays, ont violé la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Elle demande un réexamen du verdict et de la peine prononcés. La Cour Suprême des Etats-Unis examine à l'heure actuelle, à travers l'appel formé par un détenu mexicain dans le couloir de la mort au Texas, José Medellin, les suites qui doivent être données au jugement de la CIJ.
27. Pour autant, plusieurs affaires ont été largement médiatisées et ont mobilisé l'opinion américaine et internationale: Frances Newton, exécutée en septembre 2005 au Texas, première femme noire exécutée depuis 1977, bien qu'elle ait toujours clamé son innocence; Stanley Tookie Williams, ancien chef de gang repenti et apôtre de la non violence, exécuté en décembre 2005 en Californie, après que le gouverneur, Arnold Schwarzenegger, ait rejeté sa demande de grâce; John Nixon, exécuté dans le Mississippi également en décembre 2005 (a 77 ans, il était la personne la plus âgée a avoir été exécutée aux Etats-Unis depuis 1997), ou encore Clarence Ray Allen (76 ans), le plus vieux condamné à mort de Californie, exécuté en janvier 2006.
ii. Japon
28. 77 personnes sont actuellement dans les couloirs de la mort. L'un d'entre eux l'est depuis 36 ans. Ce chiffre est en accroissement, puisque les tribunaux japonais continuent de prononcer des peines capitales. La dernière sentence de mort a été prononcée le 26 septembre 2005: Horie Morio a été condamné à mort, bien qu'il souffrirait de maladie mentale grave.
29. Plus récemment, le 29 mars 2006, la cour suprême japonaise a confirmé la sentence prononcée en 1995 et condamnant à mort Kazutoshi Takahashi, un homme âgé de 71 ans, pour le double meurtre d'un couple d'agents immobiliers commis en 1988. La défense du condamné a toujours clamé son innocence: il n'a pas tué; il a été forcé par les enquêteurs aux aveux; il n'existe aucune preuve matérielle de sa culpabilité.
30. Des exécutions ont eu lieu chaque année depuis 1993, date à laquelle le moratoire qui avait été décidé pour quatre ans a pris fin. Ce sont huit personnes qui ont été exécutées depuis 2001, dont deux exécutées en septembre 2004, et une autre en septembre 2005.
31. De surcroît, les conditions dans lesquelles la peine capitale est exécutée au Japon continuent d'être vigoureusement dénoncées: les condamnés sont exécutés (par pendaison) dans le plus grand secret, sans que leur famille en soit informée préalablement, et sans, d'ailleurs, qu'eux-mêmes en soient avertis plus qu'une heure ou quelques heures, à l'avance.
32. Les sondages les plus récents (décembre 2004) montrent que plus de 81 % de la population soutient la peine de mort, et que 80 % la trouve dissuasive. Dans ce contexte, l'entrée en vigueur de la réforme judiciaire et la mise en place, en 2009, de jurys populaires dans les tribunaux constituent des développements extrêmement préoccupants.
33. Face à une opinion publique radicale sur la question, les politiques n'ont pas la tâche facile. Il faut saluer ici les efforts de l'association des parlementaires japonais pour l'abolition, qui demeure toujours très active, à l'instar d'autres associations6. Une anecdote est d'ailleurs très révélatrice de la situation. Lors de la conférence de presse qui a suivi sa prise de fonctions, le 31 octobre 2005, le nouveau ministre de la Justice japonais, Sugiura Seiken, déclarait qu'il ne signerait pas d'ordres d'exécution, précisant que l'évolution générale des civilisations tendait sur le long terme vers l'abolition de la peine capitale. Il dut se rétracter par la suite en indiquant qu'il s'agissait d'une position personnelle.
IV. Situation dans les Etats aux portes du Conseil de l'Europe
34. Il est difficile de connaître avec exactitude le nombre d'exécutions qui ont eu lieu dans certains pays: de telles informations revêtent le secret d'Etat au Belarus et dans les Républiques d'Asie centrale et ne filtrent qu'au compte-gouttes, grâce aux familles des condamnés ou aux ONG.
35. Le Belarus reste le seul pays sur le continent européen à condamner à la peine capitale et à exécuter ces condamnés. D'après le Président de la Cour suprême du pays, le Belarus a procédé à deux exécutions en 2005 et quatre en 2004. Huit personnes ont été condamnées à mort en 2005 et deux en 2004. Il est vraisemblable que ces chiffres officiels soient dans la réalité plus élevés. La dernière condamnation à mort est intervenue en janvier 2006 et concerne un homme reconnu coupable de meurtre de deux jeunes femmes et d'une enfant, sous l'emprise de l'alcool.
36. En mai 2002, le parlement avait organisé une audition sur la question de la peine de mort, au terme de laquelle, et il avait adressé au gouvernement un certain nombre de recommandations. L'Assemblée s'était alors félicitée des efforts du Parlement pour ouvrir un débat public sur l'abolition de la peine de mort 7. Pour autant, la majorité des parlementaires bélarusses restait opposée non seulement à l'abolition de la peine capitale, mais également à la mise en place immédiate d'un moratoire sur les exécutions s'agissant de certains crimes graves.
37. Le 11 mars 2004, la Cour constitutionnelle, saisie par le parlement, se prononçait sur la conformité avec la constitution des dispositions du code pénal relatives à la peine capitale. Elle concluait, alors, à l'inconstitutionnalité de certaines dispositions et rappelait qu'il appartenait au chef de l'Etat et au parlement d'en tirer les conséquences et d'instaurer un moratoire sur les exécutions, et d'abolir la peine de mort.
38. En dehors du Belarus, il y a lieu de se réjouir des progrès qui ont été réalisés dans les autres pays proches de l'Europe: en février 2005, le Tadjikistan abolissait la peine de mort, rejoignant ainsi le Turkménistan, abolitionniste depuis 1999, au rang des Républiques d'Asie centrale ayant éradiqué la peine capitale.
39. En décembre 2003, le Kazakhstan introduisait un moratoire sur les exécutions (les dernières exécutions – au moins 19 personnes - ont eu lieu en 2003).
40. En Ouzbékistan, le Président Islam Karimov signait, le 1er août 2005, et à nouveau le 1er janvier 2006, un décret supprimant la peine capitale à compter du 1er janvier 2008, et son remplacement par la peine de prison à perpétuité. Ce délai de trois – longues – années s'explique, selon les autorités ouzbeks, par la nécessité de construire de nouveaux centres de détention pour accueillir les longues peines. On ne peut s'empêcher, toutefois, de voir dans ce délai un calcul purement politique, destiné à laisser les mains libres au président Karimov pour sceller le sort de l'opposition politique et des révoltés d'Andijan. Environ 50 personnes ont été exécutées en 2004.
41. Le Kirghizistan a prolongé d'une année le moratoire légal sur les exécutions qui avait été décidé en 1998. En octobre 2005, le Président Kurmanbek Bakiyev, à la tête du pays depuis avril 2005, a annoncé son souhait de procéder à l'amendement de la constitution du pays afin d'abolir la peine de mort.
42. L'Assemblée devrait également accorder davantage d'attention à la situation dans les pays du Maghreb – Algérie, Maroc et Tunisie – qui tous trois maintiennent la peine de mort dans leur législation.
43. L'Algérie observe depuis 1993 un moratoire de facto sur les exécutions. En 2003, 14 personnes ont été condamnées à mort par les tribunaux. Toutefois, la question fait désormais l'objet d'un débat public et diverses personnalités ont fait valoir dans les medias leur point de vue. Alors que les observateurs nationaux et internationaux escomptaient une abolition prochaine, le nouveau code pénal algérien, en cours de discussion au parlement, prévoit toujours la peine capitale.
44. La Tunisie, quant à elle, maintient la peine de mort dans sa législation. La dernière exécution remonte à 1991 et la dernière condamnation à 1996.
45. Le Maroc, enfin, maintient également officiellement la peine de mort dans sa législation. La dernière exécution remonte à 1993, les dernières condamnations à la peine capitale d'août 2005. Il y aurait de l'ordre de 150 condamnés à mort dans le pays.
46. En ce qui concerne le Proche-Orient, l'Assemblée a évoqué la question au cours du dernier débat qu'elle a tenu sur la situation au Proche-Orient8. Dans la Résolution 1452 (2005), elle décide « d'entamer un dialogue avec le Conseil législatif palestinien afin de soutenir les législateurs dans leurs efforts tendant à restaurer un moratoire aux exécutions, puis à abolir la peine de mort, et d'amener les opposants à l'abolition à débattre de cette question en toute connaissance de cause. » et d'offrir « son soutien et son expertise au Conseil législatif palestinien en vue d'instaurer un moratoire sur les exécutions et d'abolir la peine de mort, et de convier les adversaires de l'abolition à un débat éclairé. ».
47. Il appartient à la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de débattre des suites à donner à cette résolution, notamment en formulant des propositions concrètes à adresser au Bureau de l'Assemblée. Elle pourrait décider d'organiser une conférence, en coopération avec l'Autorité palestinienne, soit sur place, soit à Paris. Il est clair que la situation politique au Proche-Orient et plus spécifiquement la formation récente d'un gouvernement de l'Autorité palestinienne aux mains du Hamas ne laisse guère augurer d'une réponse positive à toute initiative de coopération de l'Assemblée parlementaire sur cette question.
V. Le cas des territoires séparatistes
48. On oublie trop souvent qu'il existe sur le territoire européen des territoires séparatistes, qui ne sont officiellement pas reconnus internationalement, et qui échappent au respect des conventions internationales. Si le Haut-Karabakh a aboli la peine de mort au 1er août 2003, en décidant de mettre en œuvre sur son territoire le nouveau code pénal de la République d'Arménie, en revanche les autres territoires - l'Abkhazie, la Transnistrie, et l'Ossétie du sud - continuent de maintenir l'existence de la peine de mort dans leur législation en temps de paix comme en temps de guerre. L'Ossétie du sud ayant décidé en 1992 que la législation russe serait applicable sur son territoire, elle observe donc, depuis 1996, un moratoire sur les exécutions. Un moratoire sur les exécutions a également été décrété par l'Abkhazie en 1993, mais depuis les tribunaux abkhazes ont continué de prononcer des sentences de mort. Quant à la Transnistrie, la peine de mort figure dans le code pénal qui est entré en vigueur en 2002. En juillet 1999, le président Smirnov, président de facto, a décrété un moratoire sur les exécutions. Il n'y aurait qu'un seul condamné dans les couloirs de la mort transnistriens. Ces territoires se trouvent placés sous l'influence directe de la Fédération de Russie, et aucun progrès déterminant ne parait envisageable tant que la Russie ne montrera pas l'exemple.
VI. Conclusion
49. L'abolition de la peine de mort est un combat de longue haleine. Depuis le dernier rapport de l'Assemblée parlementaire sur le sujet, qui remonte à octobre 2003, il n'y a eu que peu de progrès véritable. On peut certes se féliciter des quelques avancées dans la jurisprudence américaine, et de la progression de l'Asie centrale vers l'abolitionnisme. Il y également lieu de se réjouir du nombre considérable de ratifications du Protocole 13 à la Convention européenne des Droits de l'Homme.
50. Cependant, les préoccupations qui sont celles de l'Assemblée depuis une décennie demeurent: la Russie n'a toujours pas formellement aboli la peine de mort et est le seul Etat membre à maintenir cette position rétrograde; le Japon et les Etats-Unis continuent à condamner à mort et à exécuter.
ANNEXE I
- Journée mondiale contre la peine de mort: « la bataille est loin d'être gagnée » a déclaré le Président de l'Assemblée - 10 octobre 2005
- L'APCE demande instamment à l'Autorité palestinienne d'abolir la peine de mort - 21 juin 2005
ANNEXE II - Déclaration adoptée par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme lors de sa réunion du 3 mars 2005 à Paris
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Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Renvoi en commission: Doc. 10152, Renvoi n°2961 du 30 avril 2004
Projet de recommandation adopté à l'unanimité par la commission le 13 avril 2006
Membres de la commission: M. Dick Marty (Président), M. Erik Jurgens, M. Eduard Lintner, M. Adrien Severin (Vice-présidents), Mme Birgitta Ahlqvist, M. Athanassios Alevras, M. Rafis Aliti, M. Alexander Arabadjiev, M. Miguel Arias, M. Birgir Ármannsson, M. José Luis Arnaut, M. Abdülkadir Ate?, M. Jaume Bartumeu Cassany (remplaçant: M. Vincenç Alay Ferrer), Mme Meritxell Batet, Mme Soledad Becerril, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, M. Giorgi Bokeria, Mme Olena Bondarenko, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Pia Christmas-Møller, M. Boriss Cilevi?s, M. Domenico Contestabile, M. András Csáky, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Marcello Dell'Utri, Mme Lydie Err, M. Jan Ertsborn, M. Václav Exner, M. Valeriy Fedorov, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Jószef Gedei, M. Stef Goris, M. Valery Grebennikov, Mme Gultakin Hajiyeva, Mme Karin Hakl, M. Nick Harvey, M. Michel Hunault, M. Rafael Huseynov, Mme Fatme Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Sergei Ivanov, M. Tomáš Jirsa, M. Antti Kaikkonen, M. Uyriy Karmazin, M. Karol Karski, M. Hans Kaufmann, M. Nikolay Kovalev, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. Andrzej Lepper (remplaçante: Mme Ewa Tomaszewska), Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Tony Lloyd, M. Humfrey Malins, M. Andrea Manzella, M. Alberto Martins, M. Tito Masi, M. Andrew McIntosh, M. Murat Mercan, M. Philippe Monfils, M. Philippe Nachbar, M. Tomislav Nikoli? (remplaçant: M. Ljubiša Jovaševi?), Mme Ann Ormonde, M. Rino Piscitello, Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides, M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Martin Raguž, M. François Rochebloine, M. Armen Rustamyan, M. Michael Spindelegger, Mme Rodica Mihaela St?noiu, M. Christoph Strasser, M. Petro Symonenko, M. Vojtech Tká?, M. Øyvind Vaksdal, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis (remplaçante: Mme Elsa Papadimitriou), Mme Renate Wohlwend, M. Krysztof Zaremba, M. Vladimir Zhirinovsky, M. Zoran Žiži?, M. Miomir Žužul
N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras.
Secrétariat de la commission: M. Drzemczewski , M. Schirmer, Mme Clamer, Mlle Heurtin
1 Doc. 10152
2 Voir également le rapport sur le Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie (co-rapporteurs: M. Bindig et M. Atkinson), présenté par la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Doc. 10568), du 3 juin 2005.
3 Voir la Déclaration écrite n° 353 (Doc. 10211) - Initiative récente en France pour rétablir la peine de mort pour les auteurs d'actes de terrorisme – signée par 36 membres de l'Assemblée parlementaire.
4 Voir annexe II, déclaration adoptée par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme le 3 mars 2005.
5 Voir également le rapport d'Amnesty International United States of America -The execution of mentally ill offenders. (31 janvier 2006) http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR510032006.
6 Une conférence internationale sur les droits de l'homme et la peine de mort (“International leadership conference on human rights and the death penalty”) a eu lieu à Tokyo les 6 et 7 décembre 2005 conjointement organisée par la Commission européenne et les associations des barreaux japonais et américains.
7 Voir Doc. 9543, rapport du 13 septembre 2002 sur la situation au Belarus, Commission des questions politiques (rapporteur: M. Wolfgang Behrendt, Allemagne, Groupe Socialiste) et Résolution 1306 (2002).
8 Voir l'avis présenté par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Kevin McNamara (Royaume-Uni, Groupe Socialiste), Doc. 10594, 20 juin 2005.