Le Parlement européen ,
– vu l'interdiction absolue de la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, laquelle s'applique en toutes circonstances et, en tant que norme impérative du droit international, à tous les États,
– vu l'articulation de cette interdiction dans un certain nombre d'instruments et de documents internationaux et régionaux touchant aux droits de l'homme, notamment la déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants (convention contre la torture), la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la résolution adoptée par le Parlement européen le 3 octobre 2001(1) , invitant instamment la Commission à agir rapidement pour proposer un mécanisme communautaire approprié interdisant la promotion, le commerce et l'exportation d'équipements de police et de sécurité dont l'utilisation est intrinsèquement cruelle, inhumaine ou dégradante,
– vu le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants(2) , qui est entré en vigueur le 30 juillet 2006,
– vu les orientations pour la politique de l'UE à l'égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptées en 2001 et révisées en 2008,
– vu le rapport 2008 du secrétariat général du Conseil sur la mise en œuvre des orientations de l'UE en ce qui concerne la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu les mesures prises par d'autres pays à la suite de l'élaboration du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, en particulier les modifications de la loi des États-Unis sur le contrôle des exportations proposées par le Bureau de l'industrie et de la sécurité en août 2009, qui reprennent et, parfois, vont plus loin que les dispositions dudit règlement,
– vu le protocole d'accord entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, qui invite le comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe à renforcer sa coopération avec les institutions compétentes de l'Union, et le 17e rapport général sur les activités du comité pour la prévention de la torture (CPT), qui invite le Conseil de l'Europe à étudier le rôle que pourrait jouer le CPT dans la mise en œuvre du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil,
– vu les rapports publiés par Amnesty international et l'Omega Research Foundation en 2007 et en 2010, soulignant les faiblesses spécifiques du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil et exprimant des inquiétudes quant au fait que certains États membres de l'Union ne mettent pas en œuvre cet instrument de manière adéquate,
– vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que la convention contre la torture impose des obligations spécifiques aux États, qui sont tenus de prévenir la torture et les autres mauvais traitements, d'enquêter sur ces faits, de poursuivre en justice leurs auteurs et de fournir réparation aux victimes,
B. considérant que, en dépit de ces obligations, la torture ou d'autres mauvais traitements sont encore appliqués de par le monde et qu'un large éventail d'instruments de police et de sécurité sont employés à de telles fins,
C. considérant que le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture affirme qu'il est du devoir de chaque État de contrôler le commerce de ces instruments en vertu de la convention des Nations unies contre la torture,
D. considérant que, selon les orientations pour la politique de l'Union européenne à l'égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'Union européenne engagera les pays tiers à empêcher l'utilisation et la production ainsi que le commerce d'équipements conçus pour torturer ou infliger d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à empêcher l'utilisation abusive de tout autre équipement à ces fins,
E. considérant que, selon le rapport 2008 du secrétariat général du Conseil sur les mesures adoptées par l'Union en application de son engagement à lutter contre la torture et les autres mauvais traitements dans les pays tiers, l'adoption du règlement relatif aux instruments de torture constitue le premier exemple de législation de l'Union adoptée conformément aux lignes directrices en matière de respect des droits de l'homme; que le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a salué cette avancée et estimé que cet instrument pourrait servir de modèle pour une réglementation mondiale sur le sujet; que l'Union devra donc évaluer la mise en œuvre de ce règlement,
F. considérant que certains États membres de l'Union ont, après l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, autorisé l'exportation d'articles incluant des entraves pour les jambes, des agents chimiques irritants et des dispositifs incapacitants à décharge électrique – biens réglementés par le règlement – vers des pays affichant un piètre bilan en matière de respect des droits de l'homme,
G. considérant que seuls douze États membres ont mis en place, avant le 29 août 2006, les sanctions prévues par l'article 17 du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil,
H. considérant que seuls sept États membres ont fourni un ou plusieurs des rapports d'activités annuels publics fournissant des informations précises quant à leurs décisions d'autorisation visées à l'article 13 du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil,
I. considérant que le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil permet l'importation, dans les États membres de l'Union européenne, de dispositifs corporels de contrainte à décharge électrique, dont le commerce n'est pas interdit, bien qu'ils soient, en réalité, très semblables aux ceintures incapacitantes à décharge électrique interdites à l'importation dans l'Union européenne conformément audit règlement; que, selon des rapports d'Amnesty International, de l'Omega Research Foundation et de l'Inter-Press Service, des sociétés basées en Europe auraient importé de tels dispositifs dans certains États membres,
J. considérant que la liste des biens dont le commerce est interdit par le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil n'inclut pas certains équipements de police et de sécurité qui font actuellement l'objet d'un commerce international et qui n'ont aucune autre utilisation pratique que celle d'infliger la torture, notamment les matraques à pointe, certaines entraves fixées aux murs ou aux sols, certaines entraves pour les jambes, les menottes pour les doigts, les poucettes, les vis pour les pouces et les dispositifs incapacitants corporels à décharge électrique autres que les ceintures incapacitantes,
K. considérant que la liste des biens dont le commerce est réglementé par le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil n'inclut pas certains équipements de police et de sécurité qui font actuellement l'objet d'un commerce international et qui peuvent légitimement être utilisés à des fins répressives ou pénales, lorsque leur utilisation est réglementée conformément aux obligations internationales en matière de droits de l'homme et aux meilleures pratiques en matière répressive, mais dont il est très souvent fait mauvais usage à des fins de torture ou d'autres mauvais traitements, comme les menottes, les matraques et autres instruments manuels de frappe, les armes incapacitantes administrant des décharges électriques de haute tension inférieure à 10 000 volts, ainsi que des éléments et des accessoires spécialement conçus pour des équipements réglementés et faisant l'objet d'une interdiction,
L. considérant que le comité du régime commun applicable aux exportations de produits doit à nouveau se réunir le 29 juin 2010,
1. invite les États membres à informer immédiatement la Commission des sanctions applicables aux violations du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil qu'ils ont instaurées, comme ils y sont tenus en vertu de l'article 17 dudit règlement;
2. demande à la Commission et au comité du régime commun applicable aux exportations de produits de fournir conseils et assistance aux États membres pour renforcer ces sanctions lorsqu'elles sont insuffisantes ou n'ont pas été introduites;
3. rappelle qu'en vertu de l'article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, tous les États membres sont tenus d'établir en temps utile des rapports d'activités annuels publics et prie instamment la Commission d'appeler les États membres qui ne lui ont pas fourni ces rapports à satisfaire à leurs obligations;
4. invite instamment les États membres à inclure au minimum dans leurs rapports d'activités annuels, afin que ceux-ci fournissent des informations suffisantes pour permettre une surveillance publique satisfaisante: le nombre de demandes reçues, les biens concernés et les pays de destination pour chaque demande, ainsi que les décisions adoptées au sujet de chacune de ces demandes, et la mention des cas où aucune décision n'a été prise, le cas échéant;
5. demande instamment à la Commission d'élaborer un modèle pour les rapports d'activités annuels des États membres afin de faciliter l'établissement de ces rapports par tous les États membres et d'assurer leur cohérence;
6. invite instamment la Commission à entreprendre, avec l'assistance du comité du régime commun applicable aux exportations de produits (conformément à la compétence qui lui est conférée par les articles 15 et 16 du règlement), un examen en bonne et due forme de l'application du règlement par les États membres et de leur action en matière d'autorisations, conformément au règlement, en y incluant un examen de tous les rapports d'activités annuels des États membres, ainsi qu'à publier cet examen avec les rapports d'activités annuels reçus de chacun des États membres pour chaque année depuis l'entrée en vigueur du règlement;
7. demande instamment aux États membres de veiller à l'application correcte des procédures visées à l'article 13 du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, qui prévoient le partage, entre les États membres et la Commission, des informations concernant les décisions relatives aux autorisations et les mesures d'exécution, soit au travers du mécanisme de notification des refus instauré pour les refus d'exportation de technologie et d'équipements militaires dans le cadre du COARM, soit au travers d'autres procédures efficaces;
8. prie instamment la Commission d'informer le Parlement des actions entreprises jusqu'à présent pour faciliter le respect de l'article 13 par les États membres;
9. demande à la Commission de fournir au Parlement et de publier les informations qu'elle a reçues de chacun des États membres chaque année depuis l'entrée en vigueur du règlement, et plus particulièrement les décisions de rejet de demandes d'autorisation visées à l'article 11 du règlement, le détail des sanctions appliquées par chaque État membre pour des violations du règlement, et le contenu intégral des rapports d'activités annuels des États membres;
10. invite instamment la Commission et les États membres à veiller à ce que le comité du régime commun applicable aux exportations de produits se réunisse régulièrement, présente un calendrier précis pour l'examen en bonne et due forme du règlement et établisse une procédure permettant d'enquêter en temps voulu sur d'éventuelles violations de celui-ci;
11. invite tous les États membres à contribuer à la prévention de la torture et des autres traitements ou sanctions cruels, inhumains ou dégradants, et à superviser l'assistance technique apportée aux pays tiers, afin d'éviter que celle-ci ne soit détournée pour produire des biens destinés à être utilisés pour infliger la peine de mort, des tortures ou d'autres traitements ou sanctions cruels, inhumains ou dégradants;
12. condamne fermement toute tentative, de la part d'États membres ou de sociétés établies dans l'Union européenne, d'importer des ceintures à décharge électrique, dont l'importation est interdite par le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, ou d'autres entraves corporelles à décharge électrique, bien que légales, mais aux effets similaires pour l'essentiel, et exhorte la Commission à mener une enquête de toute urgence afin d'établir si et quand des ceintures à décharge électrique ou des éléments de tels dispositifs, d'autres dispositifs incapacitants corporels à décharge électrique, une assistance technique ou une formation ont été fournis à un État membre avant ou après l'entrée en vigueur du règlement, ainsi qu'à déterminer si des dispositifs de ce type ont été utilisés par des autorités policières ou carcérales dans ces pays, et à faire rapport de ses constats au Parlement;
13. invite la Commission à examiner et à actualiser la liste des biens interdits au titre de l'annexe II du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil afin d'y inclure les matraques à pointes, les entraves fixées aux murs et au sol, les fers pour les jambes, les chaînes et manilles, les poucettes, les menottes pour les doigts et les vis pour les pouces, les menottes incapacitantes et autres dispositifs corporels incapacitants à décharge électrique;
14. invite la Commission à examiner et à actualiser la liste des biens contrôlés au titre de l'annexe III du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil afin d'y inclure les menottes, matraques et autres instruments manuels de frappe ainsi que les dispositifs portatifs à décharge électrique de haute tension inférieure à 10 000 volts;
15. demande en outre à la Commission d'établir une procédure spécifique pour permettre le réexamen régulier des listes d'articles figurant aux annexes II et III, comme elle y est invitée à l'article 23 du règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil;
16. prie instamment à la Commission de présenter une proposition visant à introduire dans le règlement, aussi rapidement que possible, une disposition relative à l'utilisation finale à des fins de torture, qui permettrait aux États membres, sur la base d'informations antérieures, de soumettre à autorisation et, de cette manière, de refuser l'exportation de tout bien risquant fortement d'être utilisé pour infliger la peine capitale, des tortures ou d'autres mauvais traitement par les utilisateurs finals auxquels il est destiné;
17. invite instamment la Commission à présenter une proposition visant à introduire aussi rapidement que possible dans le règlement l'interdiction, pour toute personne physique ou morale de l'Union européenne, de négocier des transactions, quel que soit le lieu, lorsque ces transactions impliquent des transferts internationaux visant à financer le commerce d'instruments de torture, y compris la vente et l'exportation de biens n'ayant d'autre usage concret que la peine de mort, la torture ou d'autres traitements cruels, tels qu'ils figurent à l'annexe II du règlement; demande également que cette proposition exige des États membres qu'ils instaurent des mécanismes efficaces pour contrôler la négociation de transactions impliquant des transferts de biens énumérés à l'annexe III du règlement;
18. demande instamment à la Commission de présenter une proposition visant à introduire aussi rapidement que possible dans le règlement l'obligation pour les importateurs d'obtenir une autorisation d'importation pour les biens énumérés à l'annexe III du règlement dans l'Union européenne et, pour les États membres, l'obligation de refuser de telles autorisations d'importation lorsqu'il existe des motifs raisonnables de penser que ces équipements risquent d'être utilisés à des fins de torture ou d'autres mauvais traitements, soit à l'intérieur de l'Union européenne, soit, après revente, à l'extérieur de celle-ci;
19. invite instamment la Commission à étudier les moyens de supprimer l'exemption de l'obligation d'autorisation d'importation ou d'exportation pour les biens énumérés à l'annexe III en transit à travers l'Union européenne;
20. rappelle l'actualisation, effectuée en 2008, des orientations pour la politique de l'UE à l'égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et invite le Conseil et la Commission à mettre en exergue, conformément à ces orientations, le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil, en tant qu'exemple de bonnes pratiques, dans les réunions avec des pays tiers, ainsi qu'à encourager les pays tiers qui exportent des équipements dont ledit règlement interdit l'importation à sensibiliser les négociants de ces pays aux interdictions prévues par ce règlement;
21. invite instamment la Commission et les États membres à favoriser les contrôles sur le commerce international d'équipements susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres traitements inhumains à l'échelle internationale et, en particulier, à œuvrer à la diffusion de l'appel annuel de l'Assemblée générale des Nations unies à prévenir et interdire la production, le commerce, l'exportation et l'utilisation d'équipements spécifiquement destinés à infliger la torture, ainsi qu'à inviter tous les États à réglementer la production, le commerce, l'exportation et l'utilisation d'équipements qui, sans être spécifiquement destinés à infliger la torture ou d'autres traitements cruels, sont largement utilisés à cette fin;
22. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements des États membres.
(1) JO C 87 E du 11.04.02, p. 136.
(2) JO L 200 du 30.7.2005, p. 1.