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Le Conseil des droits de l'homme tient son débat biannuel sur la peine de mort

GENEVE (1er mars 2017) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, sa réunion-débat biannuelle de haut niveau sur la peine de mort, en se penchant plus particulièrement, comme l'y invitait sa résolution 30/5, sur les violations des droits de l'homme liées au recours à la peine de mort, en particulier au regard de l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dans ses remarques liminaires à l'ouverture du débat, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a souligné que la peine de mort soulevait la question de sa conformité avec le droit à la dignité, le droit à la vie, ainsi que le droit de ne pas faire l'objet de traitements cruels, inhumains ou dégradant. Souscrivant aux propos de feu Sir Nigel Rodley, il s'est étonné que certains ne considèrent pas la peine de mort comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il a rappelé que de nombreuses cours nationales et internationales ont prohibé de nombreuses méthodes de mise à mort pour la souffrance qu'elles infligent. Par ailleurs, le phénomène dit des «couloirs de la mort», où les condamnés restent parfois des années, voire des décennies, déshumanise les personnes qui y résident et constitue en soi un traitement cruel, inhumain et dégradant, a poursuivi le Haut-Commissaire. Cela fait maintenant dix ans que l'Assemblée générale des Nations Unies a appelé les États à imposer un moratoire sur la peine de mort, a-t-il rappelé.

M. Harlem Désir, Secrétaire d'État auprès du Ministre des affaires étrangères et du développement international de la France, chargé des affaires européennes, a pour sa part regretté le nombre record d'exécutions dans le monde ces dernières années, ainsi que les tentatives de rétablissement de celle-ci dans certains pays prenant prétexte du terrorisme ou du trafic de drogue. Il a en outre rejeté l'emploi de la peine de mort pour le terrorisme. De plus, la peine de mort n'est pas une souffrance seulement infligée à celui qui est condamné, mais également à sa famille et à ses proches, a-t-il souligné. Il a ensuite déclaré que la peine de mort n'avait aucun effet dissuasif et plaçait la sanction au même niveau que le crime. M. Désir a affirmé sa conviction que la peine capitale était inhumaine, injuste et inefficace.

Ont ensuite nourri la discussion sur le sujet les panélistes ci-après: l'ancien président de la Tunisie, M. Moncef Marzouki; la Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, Mme Kagwiria Mbogori; le Représentant de la Thaïlande auprès de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), M. Seree Nonthasoot; ainsi que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Nils Melzer.

M. Marzouki a expliqué avoir échoué à faire de la Tunisie le premier pays arabe à abolir la peine de mort, essentiellement à cause d'une opposition politique, sociale et culturelle. Au Kenya, un moratoire est observé depuis 1997, a quant à elle rappelé Mme Mbogori. M. Nonthassot a quant à lui observé une tendance préoccupante au rétablissement de la peine de mort. M. Melzer a fait observer que formellement, la peine de mort ne viole pas le droit international , mais que ses modes d'administration sont de plus en plus souvent jugés contraires aux dispositions internationales sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Animé par Mme Verene Shepherd, Professeure d'histoire sociale à l'Université des Indes occidentales (University of the West Indies) de la Jamaïque, le débat qui a suivi ces présentations a vu s'opposer deux catégories d'intervenants*: d'une part ceux pour lesquels cette question relève de la justice pénale et, par conséquent, du droit souverain des États de choisir librement leurs systèmes juridiques; et d'autre part ceux pour lesquels la peine de mort est bel et bien un cas de torture, de traitement cruel, inhumain et dégradant compte tenu de ses modes d'administration. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas de consensus international sur le lien entre peine de mort et torture, et que rien n'interdit cette peine au plan international, les premiers se sont dits opposés à toute approche simpliste cherchant à culpabiliser les États qui pratiquent la peine de mort. Par son caractère dissuasif, cette peine protège la société et les victimes potentielles de la violence, ont-ils assuré. Les seconds ont au contraire plaidé pour l'abolition universelle de la peine capitale qui n'a selon eux aucun effet dissuasif et est, de surcroît, incompatible avec la dignité humaine, entraînant des souffrances injustifiées pour les condamnés et leurs familles. Cette peine ne semble par ailleurs viser que les catégories de population les plus défavorisées et marginalisées et est souvent appliquée au terme de procédures judiciaires entachées d'irrégularités, ont-ils déploré.

Demain dès 9 heures le Conseil tiendra une réunion-débat sur les changements climatiques, avant d'engager son débat interactif croisé avec l'Expert indépendant sur la dette extérieure et la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable (dont il a entendu la présentation des rapports aujourd'hui, à la mi-journée: voir notre communiqué précédent).

Réunion de haut niveau sur les violations de droits de l'homme liées au recours à la peine de mort

Déclarations liminaires

M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a souligné que la peine de mort soulevait la question de sa conformité avec le droit à la dignité, le droit à la vie, ainsi que le droit de ne pas faire l'objet de traitements cruels, inhumains ou dégradant. Souscrivant aux propos de Sir Nigel Rodley, il s'est étonné que certains ne considèrent pas la peine de mort comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il a rappelé que les systèmes judiciaires de nombreux pays avaient déclaré cette peine contraire à l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En outre, de nombreuses cours nationales et internationales ont prohibé de nombreuses méthodes de mise à mort pour la souffrance qu'elles infligent, rendant extrêmement compliqué pour certains États de trouver une méthode adéquate.

Par ailleurs, le phénomène dit des «couloirs de la mort», où les condamnés restent parfois des années, voire des décennies, déshumanise les personnes qui y résident et constitue en soi un traitement cruel, inhumain et dégradant, a poursuivi le Haut-Commissaire. Cela fait maintenant dix ans que l'Assemblée générale des Nations Unies a appelé les États à imposer un moratoire sur la peine de mort, a-t-il rappelé. Alors que certains pays lèvent aujourd'hui leur moratoire sur la peine capitale, et que les pays qui la pratiquent encore ont augmenté le nombre des exécutions, M. Al Hussein a de nouveau appelé les États à cesser de recourir à la peine de mort. Il s'est également félicité que la société civile se soit emparée du sujet, comme l'atteste le refus par plusieurs entreprise de vendre les produits médicamenteux utilisés dans les injections létales. En conclusion, le Haut-Commissaire a rappelé que la peine de mort était souvent appliquée de manière aléatoire et discriminatoire et n'avait jamais démontré sa nature dissuasive.

M. HARLEM DESIR, Secrétaire d'État auprès du Ministre des affaires étrangères et du développement international de la France, chargé des affaires européennes, a regretté le nombre record d'exécutions dans le monde ces dernières années, ainsi que les tentatives de rétablissement de celle-ci dans certains pays prenant prétexte du terrorisme ou du trafic de drogue. M. Désir a rejeté l'emploi de la peine de mort pour le terrorisme, jugeant que cela n'est pas nécessaire. De plus, la peine de mort n'est pas une souffrance seulement infligée à celui qui est condamné, mais également à sa famille et à ses proches, a-t-il souligné. Il a ensuite déclaré que la peine de mort n'avait aucun effet dissuasif et plaçait la sanction au même niveau que le crime. M. Désir a affirmé sa conviction que la peine capitale était inhumaine, injuste et inefficace.

L'abolition universelle de la peine de mort est un combat qui nécessite le travail de tous, a affirmé M. Désir, saluant le travail de la société civile sur le sujet. Alors que le droit international n'assimile pas explicitement la peine de mort à la torture, M. Désir a rappelé que la France considérait que la morale et le droit imposaient une évidence, celle de la contradiction entre le droit à la vie et la peine de mort. Par ailleurs, quelle que soit la méthode par laquelle elle est administrée, la peine de mort provoque toujours des souffrances profondes, tant psychiques que physiques. L'abolition universelle de la peine capitale est un combat politique et de principe, dans lequel la France est pleinement engagée, a insisté le Secrétaire d'État français. Il a fait part de son optimisme, affirmant que l'abolition de la peine de mort, en dépit de récents reculs, était un combat en passe d'être gagné.

Animant ce débat, MME VERENE SHEPHERD, Professeure d'histoire sociale à l'Université des Indes occidentales (University of the West Indies) de Jamaïque, a fait observer que cette discussion se déroulait dans un contexte d'universalisions de l'abolition de la peine de mort. Actuellement, 160 pays l'ont abolie ou ont adopté un moratoire de fait sur cette peine, a-t-elle souligné. Dans la région des Caraïbes, aucune exécution n'a eu lieu depuis 2008, a fait valoir Mme Sheperd. La Jamaïque n'a même pas prononcé de peine capitale depuis 2010, a-t-elle précisé. Historienne de formation, la modératrice du débat a estimé qu'il y a un relent de discrimination raciale dans cette peine, où l'on voit bien que ce sont les pauvres et les minorités qui sont visés. Selon Amnesty International, au moins 1634 personnes ont été exécutées dans 25 pays en 2015, dont 90% dans seulement 3 pays, sachant que certains condamnés avaient moins de 18 ans et que les méthodes employées incluaient la pendaison, les injection létales ou encore le peloton d'exécution. Toutes ces pratiques relèvent de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, a souligné Mme Sheperd.

Exposés des panélistes

M. MONCEF MARZOUKI, ancien président de la Tunisie (2011-2014), a déclaré avoir toujours voulu que son pays soit le premier pays arabe à abolir la peine de mort. Mais, durant son mandat, cet objectif n'a pu être atteint, même si le pays a pu élaborer une des meilleures constitutions de la région. Selon M. Marzouki, cet échec est essentiellement dû à trois obstacles. Le premier tenait d'abord au climat et au contexte sécuritaires qui ont prévalu à l'époque, avec beaucoup d'assassinats parmi les forces de sécurité et dans le pays; soulever une telle question n'aurait alors pas été compris. La seconde raison est purement politique, à savoir que l'Assemblée constituante était composée d'islamistes et d'opposants de gauche, favorables à la peine de mort ou opposés à ce que ce soit Moncef Marzouki qui permette de franchir ce pas historique. Le troisième obstacle est simplement culturel, car la peine de mort est soutenue par une grande majorité de la population, étant par ailleurs inscrite dans le Coran à titre de châtiment, a expliqué l'ancien président. Cela explique que la Tunisie fasse encore partie des pays dans le monde où cette peine reste en vigueur, même si aucune exécution n'a eu lieu ces dernières années.

MME KAGWIRIA MBOGORI, Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, a déclaré que même si la Constitution kényane garantit le droit à la vie, ce droit n'est pas absolu. Le Kenya a maintenu la peine capitale dans son droit et la méthode d'exécution retenue est la pendaison. Depuis 1997, le pays observe un moratoire sur la peine de mort, a néanmoins fait observer Mme Mbogori. Les prisonniers qui attendent une exécution sont de plus en plus nombreux, ce qui signifie qu'il y a de plus en plus de prisonniers dans les quartiers des prisons prévus pour les condamnés à mort. Le Président du Kenya a commué dernièrement les peines capitales en peine d'emprisonnement à perpétuité, pour plus de 2700 prisonniers. Le Gouvernement kényan reconnaît que si un prisonnier reste trop longtemps dans l'attente de son exécution, cette attente constitue un traitement inhumain, a indiqué la Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme. Le Gouvernement a donc demandé à un comité consultatif d'entreprendre un sondage national pour connaître le point de vue de la population s'agissant de la peine de mort. Ce processus est en cours, a précisé Mme Mbogori. La responsabilité d'abolir la peine de mort incombe au pouvoir législatif, a-t-elle rappelé. La question devient dès lors politique et sensible.

Les tribunaux continuent à prononcer des peines capitales car certains crimes ne sont sanctionnés que par la peine de mort, a expliqué Mme Mbogori. La Commission nationale des droits de l'homme a constaté que de très nombreux prisonniers dont la peine a été commuée refusaient de se rendre parmi les autres prisonniers car ils avaient trop attendus la mort, a-t-elle en outre fait observer. En 2015, a-t-elle poursuivi, la Commission nationale des droits de l'homme a participé, avec la société civile, à un processus de remise en question de la peine capitale. Une nouvelle jurisprudence devrait être prise prochainement par la Cour suprême s'agissant de cette question. En conclusion, Mme Mbogori a souligné qu'il n'y avait pas de façon humaine de mettre un terme à une vie humaine.

M. SEREE NONTHASOOT, Représentant de la Thaïlande auprès de la Commission intergouvernementale des droits de l'homme de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), a souligné que les membres de la famille d'un condamné étaient eux aussi victimes de traitement cruels, inhumains ou dégradants, face à l'opacité des procédures juridiques qui les maintient dans une attente insoutenable. Trop souvent, la famille apprend au dernier moment que la justice s'apprête à exécuter le condamné. A cet égard, des règles de transparences claires doivent être établies. En cas d'abolition de la peine de mort, les condamnés devront voir leur peine commuée, après avoir vérifié qu'une peine perpétuelle n'est pas également un traitement inhumain et dégradant. M. Seree Nonthasoot a par ailleurs dénoncé les peines capitales prononcées automatiquement dans certains pays d'Asie, rendant impossible toute latitude d'appréciation du juge.

Une tendance préoccupante au rétablissement de la peine de mort dans certains états, en contravention avec certains de leurs engagements internationaux, est à déplorer, a poursuivi M. Seree Nonthasoot. Chaque État devrait revoir le type de délits passibles de la peine de mort. La peine capitale ne peut être possible que pour les crimes les plus graves et pas pour des affaires de drogue, comme c'est trop souvent le cas en Asie.

M. NILS MELZER, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, a constaté que le droit international coutumier n'a pas encore évolué au point d'interdire la peine capitale. L'emploi de celle-ci ne viole pas formellement le droit international; cependant, il est aujourd'hui quasiment impossible d'administrer techniquement la peine de mort sans violer des dispositions relatives à la torture, compte tenu de la souffrance engendrée par les méthodes employées. Tant la pratique que l'opinion juridique des États tendent à l'abolition universelle, comme en attestent de nombreux protocoles aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Les statuts des tribunaux spéciaux et de la Cour pénale internationale n'autorisent plus la peine de mort pour les crimes les plus graves; l'interdiction coutumière généralisée de cette peine est donc possible, a insisté le Rapporteur spécial.

Non seulement les modes d'administration de la mort sont de plus en plus jugés comme étant contraires à l'interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais les conditions entourant l'exécution sont de plus en plus considérées comme des traitements inhumains et dégradants, notamment pour ce qui est de l'attente, parfois très longue, dans les couloirs de la mort, comme en a convenu la Cour européenne des droits de l'homme, a ajouté M. Melzer.

Débat

Des États favorables à la peine de mort, comme le Botswana, ont souligné qu'elle relève de la justice pénale et, par conséquent, du droit souverain des États. Ce même pays s'est aussi opposé à l'approche, culpabilisante pour les États, qui assimile la peine de mort à la torture. Singapour, au nom d'un groupe régional de 27 pays, a souligné qu'il est indispensable de protéger la société et les victimes potentielles de la violence. La peine de mort joue un rôle dissuasif dans ce domaine, a argué Singapour, qui a aussi relevé qu'il n'existe pas de consensus international sur le fait de savoir cette peine viole le principe d'interdiction de la torture. En définitive, les États ont le droit de choisir leur système juridique en toute souveraineté, a insisté Singapour.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a déclaré que si la peine de mort faisait partie de son Code pénal, cette inscription ne fait pas obligation. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a observé que la peine capitale n'est pas interdite par le droit international et s'est inquiétée que certains intervenants occultent cette réalité. Dans le même esprit, l'Inde a critiqué l'approche simpliste qui consiste à aborder la peine de mort comme une question relevant des droits de l'homme. Le droit indien, qui autorise la peine de mort, la régit d'une façon très stricte. L'Inde relève par ailleurs que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'a été ratifié que par 84 pays.

Parmi les États qui sont contre la peine de mort, le Chili s'est prononcé en faveur de son abolition universelle graduelle car il s'agit d'une sanction à l'efficacité nulle et qui ne contribue pas à garantir la sécurité des citoyens. Le Chili a appuyé l'approche assimilant cette sentence à un acte de torture, compte tenu des conditions dans lesquelles vivent les personnes dans le couloir de la mort. Le Mexique, au nom d'un groupe de pays, a souligné qu'un nombre croissant de pays ayant des systèmes et conceptions juridiques très divers ont désormais rejoint le mouvement d'abolition de la peine de mort. Le Brésil, au nom d'un groupe de quarante pays eux aussi opposés à la peine capitale, a relevé que cette peine, interdite dans un nombre croissant de pays, fait par ailleurs l'objet d'un moratoire qui tend progressivement à l'universalité. La peine de mort est un châtiment inhumain et dégradant, incompatible avec l'interdiction de la torture au niveau international, a fait valoir le Brésil.

L'Union européenne s'est non seulement opposée à la peine capitale en toutes circonstances mais aussi à la commercialisation des produits chimiques qui servent aux exécutions. L'Union européenne a dénoncé, par ailleurs, les conditions d'exécution atroces des condamnés à mort et observé que ces derniers appartiennent bien souvent aux catégories de population les plus défavorisées et marginalisées. La Croatie, également au nom d'un groupe de pays, relevant que la peine de mort n'a pas d'effet dissuasif démontré, a appelé tous les États à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant l'abolition de la peine de mort. Le Monténégro a lancé un appel à un moratoire sur l'application d'une peine inutile et obsolète. Il s'est dit préoccupé par la volonté affichée de certains États de rétablir cette peine, y compris sous des formes soi-disant «plus humaines» qui n'en ôtent pas, pour autant, le caractère incompatible avec la dignité humaine.

À son tour, la Finlande, au nom des pays baltiques et nordiques, s'est opposée à la peine de mort, un châtiment inhumain, dégradant et dénué d'effet dissuasif. L'Australie a reconnu et salué l'apparition d'une norme universelle du droit coutumier en matière d'interdiction de la peine de mort. Le Paraguay s'est dit prêt à participer aux efforts de la communauté internationale tendant à l'abolition de la peine de mort en tant qu'elle est incompatible avec le respect des droits fondamentaux de l'homme. Le Paraguay a relevé en particulier que l'attente de l'application de la peine de mort peut entraîner des souffrances injustifiées.

Le Portugal, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, a exprimé sa préoccupation devant l'augmentation du nombre d'exécutions de personnes pour des délits liés au trafic de drogue. La Communauté rappelle à ce propos que la peine de mort n'est pas seulement incompatible avec les droits de l'homme, mais qu'elle constitue en outre une violation flagrante du droit à la vie.

Le Conseil de l'Europe a rappelé qu'aucun pays ne peut devenir membre du Conseil s'il applique la peine capitale. Il est en train d'explorer la possibilité de promouvoir plus avant l'abolition de la peine de mort au niveau international. Le Saint-Siège a souligné l'incompatibilité entre la justice humaine, qui est intrinsèquement faillible, et la peine de mort, qui est irréversible. Le Saint-Siège est donc tout à fait favorable à l'imposition d'un moratoire sur l'application de cette peine.

L'Italie s'est félicitée de l'adoption par l'Assemblée générale de sa sixième résolution concernant un moratoire international sur la peine de mort. Face à la menace du terrorisme, a ajouté l'Italie, les États ne doivent pas céder à l'unilatéralisme mais collaborer, au contraire, à l'élaboration de stratégies plus efficaces de prévention des crimes et de riposte. Le Kenya, qui impose depuis 1997 un moratoire de fait sur l'application de la peine de mort, a créé un comité national consultatif chargé de conseiller le Président de la République sur l'exercice du droit de grâce. Les personnes condamnées à mort verront leur peine commuée.

La Grèce a déclaré son opposition à la peine de mort, quelle que soit la méthode employée ou les circonstances qui ont entrainées la condamnation. La peine capitale inflige des douleurs mentales et physiques inutiles au condamné et à sa famille qui peuvent être assimilées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Grèce attend des pays qui ont toujours recours à cette peine qu'ils se mettent en conformité avec les standards internationaux minimaux concernant son application et la procédure judiciaire. La Grèce espère que la tendance à un moratoire universelle ouvrira la voie à une abolition universelle.

L'Espagne a estimé que la torture était contraire à l'interdiction un traitement cruel, inhumain et dégradant. Il est en outre difficile d'imaginer une méthode d'exécution de même que des conditions de détention, dite «du couloir de la mort», qui ne constitueraient pas un acte de torture.

L'Argentine a souhaité attirer l'attention du Conseil sur le dernier rapport de la Commission interaméricaine concernant la condamnation à mort d'un ressortissant argentin au Texas, dont le traitement dans le couloir de la mort a été qualifié d'acte de torture. L'Argentine a réalisé de nombreux échanges diplomatiques avec d'autres pays de la région à ce sujet. Quant au Portugal, il a aboli la peine de mort dans la pratique et dans la loi il y a plus d'un siècle. La peine capitale est un déni du droit à la vie et à la dignité, a déclaré cette délégation, qui a vivement réfuté le caractère dissuasif de la peine de mort. En décembre 2016, l'Assemblée générale a voté en faveur d'un moratoire sur la peine de mort s'est félicité le Portugal, en exhortant les États qui la pratiquent à mettre en place un moratoire sur son application.

Estimant que cette sentence est une atteinte à la dignité de la personne, le Mexique a encouragé à garantir à tous les justiciables les normes les plus élevées en matière de protection judiciaire dans les pays où elle est encore pratiquée.

La Nouvelle-Zélande s'est félicitée de la tendance à l'abolition et rappelé que la peine de mort infligeait des souffrances physiques et mentales à la famille et aux proches. La peine capitale est une peine inhumaine et dégradante en elle-même, et pas seulement ses méthodes d'administration a souligné ce pays.

Pour la Suisse, la peine de mort n'est pas compatible avec l'interdiction de la torture et d'autres mauvais traitements. La Suisse a relevé la difficulté d'imaginer une application de la peine de mort qui soit exempte de mauvais traitements, physiques ou psychiques, infligés à la personne condamnée ou à ses proches.

L'Albanie considère la peine capitale comme une menace directe pour la dignité humaine et préconise l'introduction d'un moratoire sur les exécutions. De l'avis de ce pays, les couloirs de la mort constituent un acte de torture. La transparence est fondamentale afin que la famille et le condamné disposent d'une certaine visibilité sur son avenir. Pour le Lichtenstein, la peine capitale est une violation flagrante du droit à la vie, et n'a aucune valeur dissuasive. En outre, le Liechtenstein a exhorté à la ratification universelle du Pacte international relatif au droit civil et politique et des Protocoles facultatifs.

La Colombie a réitéré son engagement au non recours à la peine de mort et à la défense du droit inviolable à la vie. La peine de mort implique nécessairement un traitement cruel et inhumain pour le condamné mais également pour sa famille. La Colombie reconnaît et respecte la souveraineté de chaque pays mais encourage les États à poursuivre le dialogue sur la proportionnalité des peines, la grâce et les moratoires, ainsi que sur l'amélioration des conditions de détention.

L'Algérie observe un moratoire de fait sur la peine de mort depuis le début des années 1990. Plus d'une dizaine de cas pour lesquels la peine de mort était prévue ont été abrogés. Lorsque la peine capitale est prononcée, elle est souvent commuée par le Président et ne peut être appliqué à un mineur. L'Algérie a voté en faveur de la résolution de l'Assemblée générale sur le moratoire.

Les Fidji ont aboli officiellement la peine capitale en février 2015. Lorsque cette question a été débattue, le Parlement a été informé de la tendance internationale vers l'abolition. En outre, le poids de l'opinion internationale et nationale a joué dans la volonté des Fidji d'abolir cette peine. L'Examen périodique universel de 2014 a également eu un impact, a reconnu la délégation.

Parmi les organisations non gouvernementales ayant pris la parole, Amnesty International s'est résolument opposée à la peine de mort car il s'agit d'un châtiment inhumain et cruel. Concrètement, la peine de mort est parfois appliquée au terme de procédures judiciaires entachées d'irrégularités qui justifient pleinement l'instauration d'un moratoire, a déclaré cette organisation. L'Union américaine des libertés civiles (ACLU) a, elle, souligné le caractère tout à fait arbitraire des condamnations à mort prononcées aux États-Unis. Le soutien public à cette peine ne cesse d'ailleurs de reculer, a relevé l'ACLU. Elle a également dénoncé le système de justice appliqué dans la prison de Guantánamo. Center for Global Nonkilling a rappelé que le Programme de développement durable à l'horizon 2030 contient des cibles imposant aux États, et à chacune et chacun d'entre nous, de protéger le droit à la vie.

La Fédération internationale des chrétiens pour l'abolition de la peine de mort a affirmé que certaines méthodes d'exécution et le phénomène des couloirs de la mort constituent des traitements inhumains reconnus par le Jus Cogens. Cependant, la peine capitale en elle-même doit être jugée illégale au regard du droit international. L'évolution du droit coutumier laisse apparaître la possibilité de la prohibition de la peine de mort compte tenu du caractère illégal de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers a souligné que la condamnation d'un individu à la peine capitale pouvait également violer les droits de l'enfant. En effet, lorsqu'un parent est exécuté, les conséquences, psychologiques en particulier pourraient s'avérer dévastatrices pour ses enfants. Les États doivent respecter et prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant au moment de prononcer la sentence capitale.

Pour Ensemble contre la peine de mort, cette sentence viole le droit à la vie et constitue une peine cruelle, inhumaine et dégradante et, comme elle touche en priorité les minorités, elle est donc discriminatoire. L'International Bar Association a montré que de nombreuses formes d'exécution capitale constituent, de par les souffrances qu'elles infligent, des actes de cruauté et des violations des droits de l'homme. L'Association a relevé également que de nombreux sentences sont rendues au terme de procès ne répondant pas aux normes internationales.

Réponses des panélistes

M. NILS MELZER, Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements cruels inhumains ou dégradants, a souligné que la peine de mort était un problème de droit pénal. L'interdiction ne concerne pas uniquement les traitements cruels et dégradants mais aussi les peines en tant que telles. La tendance est clairement à l'abolition de la peine de mort dans le monde, a-t-il signalé.

M. Melzer a souligné que la peine de mort était de plus en plus considérée comme vecteur de souffrances, avec des effets secondaires sur les familles et les proches. On perçoit bien qu'il y a dans cette peine une négation inhérente de l'être humain. M. Melzer a incité le Conseil à continuer d'étudier le lien entre la peine de mort et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La question de la peine de mort n'est pas juste une question technique; c'est une question de vie et de définition que donne la société de l'être humain, a souligné le Rapporteur spécial sur la torture. M. Melzer a posé la question: faut-il déshumaniser son prochain pour le punir, prendre le risque de tuer un innocent ou au contraire prendre en compte la dimension humaine de cette question?

M. SEREE NONTHASSOT, Représentant de la Thaïlande auprès de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), a pointé du doigt l'absence de données claires sur l'efficacité de la peine de mort. Les crimes ne baissent pas au sein des juridictions qui pratiquent la peine de mort, a-t-il fait observer. La peine capitale peut aussi avoir des répercussions dans d'autres domaines comme la lutte contre la corruption, a relevé M. Nonthassot. Lorsqu'un État demande une extradition pour des faits de corruption, certains refusent de répondre à cette demande si cet État pratique la peine de mort, a-t-il précisé.

M. Nonthassoot a insisté sur la nécessité de recueillir des données ventilées et transparentes, car elles aideront les décideurs et le public à connaître les implications et répercussions de la peine capitale. Ces données pourront ensuite être utilisées pour analyser la transparence du système judiciaire, a notamment fait observer M. Nonthassoot.

MME KAGWIRIA MBOGORI, Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, a souligné que dans son pays, la surveillance des procès est du ressort de la Commission nationale des droits de l'homme mais que cette surveillance était tributaire des moyens financiers accordés à la Commission. Tous les mécanismes des droits de l'homme disposent d'une procédure de dépôt de plaintes qui sont ensuite examinées par ladite Commission. Mme Mbogori a également noté que la sentence de mort est souvent prononcée à l'encontre des personnes parmi les plus pauvres ce qui pose la question de savoir si toutes les personnes condamnées ont eu effectivement droit à un procès équitable.

Mme Mbogori a jugé quelque peu romantique l'idée selon laquelle l'Afrique sera la scène de la prochaine vague d'abolition de la peine de mort. Les gouvernements africains n'agissent pas dans cette direction. Beaucoup de dirigeants n'acceptent pas d'abolir la peine de mort car ils veulent continuer à être considérés comme ceux qui rendent justice; c'est assez séduisant de pouvoir se faire craindre de ses opposants, a souligné Mme Mbogori.

M. MONCEF MARZOUKI, ancien président de la Tunisie (2011-2014), a distingué deux catégories de dirigeants dans les pays arabes: ceux qui n'accepteront jamais d'abolir la peine de mort quelles que soient les pressions exercées au niveau international, comme l'Égypte, et de l'autre côté, ceux qui ne sont pas en mesure d'abolir cette sentence en raison du contexte spécifique du pays. Il a appelé de ses vœux l'élaboration d'une stratégie internationale visant à la réduction du nombre de pays qui pratiquent la peine de mort. Dans beaucoup de pays arabes, l'opinion publique estime que la peine de mort est un moyen adéquat pour réduire la criminalité. Par ailleurs, certains dirigeants religieux considèrent qu'une telle sentence est justifiée dans le Coran. M. Marzouki a encouragé à rechercher les moyens de résoudre cette résistance religieuse à l'abolition de la peine. Enfin, en l'absence de démocratie, cette peine continuera à être appliquée, a-t-il prédit, ajoutant que l'opinion publique peut jouer un rôle clé pour inverser la tendance si la population a honte de vivre dans un pays qui pratique la peine de mort. Il faut mettre en place ce type d'encouragement, a recommandé M. Marzouki. Dans le monde musulman et en Afrique, il faut faire participer les médias sur la question de la peine capitale, et démontrer ainsi que la peine de mort constitue un crime, a-t-il enfin préconisé.

M. Marzouki a relevé que chacun était convaincu que la peine de mort entraînait des souffrances mentales pour les détenus et pour leurs proches et a appelé à exercer davantage de pressions sur ceux qui appliquent encore cette peine. Il faut replacer ce débat dans le bon contexte. La peine de mort doit être replacée dans la perspective de la pauvreté et de la famille, a insisté M. Marzouki. Ce n'est pas un hasard si la peine de mort a été abolie dans les pays développés ou qui ne souffrent pas de la faim, a-t-il fait observer.

Souhaitant clarifier un point, la délégation de l'Égypte est intervenue en fin de séance pour contester certains dires de l'ancien président tunisien Marzouki qui laissait entendre que la peine capitale était utilisée pour régler des différends politiques. Les dispositions légales de l'Égypte sont en application depuis des années et n'ont rien à voir avec une quelconque notion de régime.

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* Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Botswana, Singapour (au nom d'un groupe régional de 27 pays), Papouasie-Nouvelle-Guinée, Inde, Chili, Mexique (au nom d'un groupe de pays), Brésil (au nom d'un groupe de quarante pays), Union européenne, Croatie, également au nom d'un groupe de pays), Monténégro, Finlande (au nom des pays baltiques et nordiques), Australie, Paraguay, Portugal (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise), Conseil de Europe, Saint-Siège, Italie, Kenya, Grèce, Espagne, Argentine, Portugal, Mexique, Nouvelle-Zélande, Suisse, Albanie, Lichtenstein, Colombie, Algérie, Fidji.

** Les organisations non gouvernementales ont pris la parole dans le cadre du débat: Amnesty International, Fédération internationale de l'ACAT Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT), Center for Global Nonkilling, American Civil Liberties Union, Ensemble contre la peine de mort et International Bar Association.
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