Nations Unies - Assemblée générale - Conseil des droits de l'homme - Quarante-deuxième session 9-27 septembre 2019
Point 3 de l'ordre du jour - Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement
Albanie*, Allemagne*, Australie, Autriche, Belgique*, Bénin*, Brésil, Bulgarie, Chili, Chypre*, Colombie*, Costa Rica*, Croatie, Danemark, Espagne, Fidji, Finlande*, France*, Géorgie*, Grèce*, Haïti*, Hongrie, Irlande*, Islande, Italie, Lettonie*, Liechtenstein*, Lituanie*, Luxembourg*, Macédoine du Nord*, Malte*, Mexique, Monaco*, Mongolie*, Monténégro*, Norvège*, Paraguay*, Pays-Bas*, Pologne*, Portugal*, République de Moldova*, Roumanie*, Slovaquie, Slovénie*, Suède*, Suisse*, Tchéquie et Ukraine : projet de résolution
* État non membre du Conseil des droits de l'homme.
42/... La question de la peine de mort
Le Conseil des droits de l'homme,
Guidé par les buts et principes de la Charte des Nations Unies,
Rappelant la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et tous les autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l'homme, et réaffirmant que tous les États doivent s'acquitter des obligations que leur impose le droit international relatif aux droits de l'homme,
Rappelant également le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort,
Rappelant en outre les résolutions de l'Assemblée générale 62/149 du 18 décembre 2007, 63/168 du 18 décembre 2008, 65/206 du 21 décembre 2010, 67/176 du 20 décembre 2012, 69/186 du 18 décembre 2014, 71/187 du 19 décembre 2016 et 73/175 du 17 décembre 2018 relatives à la question d'un moratoire sur l'application de la peine de mort,
Réaffirmant les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort énoncées dans l'annexe à la résolution 1984/50 du Conseil économique et social, en date du 25 mai 1984, et les dispositions relatives à l'application des garanties contenues dans les résolutions 1989/64 et 1996/15 du Conseil, en date respectivement des 24 mai 1989 et 23 juillet 1996,
Rappelant toutes les résolutions de la Commission des droits de l'homme sur la question de la peine de mort, dont la dernière est la résolution 2005/59 du 20 avril 2005,
Rappelant également sa propre décision 18/117 en date du 28 septembre 2011 relative au rapport du Secrétaire général sur la question de la peine de mort, sa résolution 22/11 en date du 21 mars 2013 relative à une réunion-débat sur les droits de l'homme des enfants dont les parents sont condamnés à la peine de mort ou ont été exécutés, sa décision 22/117 en date du 21 mars 2013 relative à une réunion-débat de haut niveau sur la question de la peine de mort, et ses résolutions 26/2, 30/5 et 36/17, en date respectivement du 26 juin 2014, du 1er octobre 2015 et du 29 septembre 2017, relatives à la question de la peine de mort,
Prenant note des rapports du Secrétaire général sur la question de la peine de mort, notamment du dernier, dans lequel le Secrétaire général a examiné les incidences de la reprise de l'application de la peine de mort sur les droits de l'homme, en prêtant une attention particulière à l'incompatibilité de l'application de la peine de mort avec les obligations internationales relatives aux droits de l'homme, à la limitation de l'application de la peine de mort aux « crimes les plus graves », au caractère disproportionné de l'application de la peine de mort pour tout autre crime n'ayant pas la mort pour résultat direct et intentionnel, et aux garanties d'une procédure régulière auxquelles porte atteinte la reprise de l'application de la peine de mort1,
Prenant acte du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme sur la réunion-débat de haut niveau sur la question de la peine de mort2, selon lequel les participants à la réunion ont conclu qu'il était pratiquement impossible que l'application de la peine de mort ne soit pas entachée de discrimination et que, par conséquent, afin d'éviter d'éventuelles erreurs judiciaires ayant des conséquences irréversibles et de prévenir des exécutions arbitraires, cette peine ne devrait pas être appliquée ;
Conscient du travail effectué par les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales qui ont examiné les questions relatives aux droits de l'homme en lien avec la peine de mort, notamment le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste,
Conscient également du travail entrepris par les organes conventionnels pour traiter les questions relatives aux droits de l'homme en lien avec la peine de mort,
Reconnaissant le rôle des instruments régionaux et sous-régionaux et des initiatives en faveur de l'abolition de la peine de mort qui, dans certains cas, ont conduit à l'interdiction de l'application de la peine de mort,
Notant avec satisfaction que la tendance internationale à l'abolition de la peine de mort se poursuit,
Notant également avec satisfaction que de nombreux États observent un moratoire sur l'application de la peine de mort,
Notant que des États ayant des systèmes juridiques, des traditions, des cultures et des contextes religieux différents ont aboli la peine de mort ou observent un moratoire sur son application,
Déplorant vivement le fait que l'application de la peine de mort conduise à des violations des droits de l'homme des personnes passibles de cette peine et des autres personnes concernées,
Notant que, selon le Comité des droits de l'homme, les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui ont aboli la peine de mort n'ont pas le droit de la réintroduire, et l'abolition de la peine de mort est juridiquement irrévocable,
Notant également que le rétablissement de la peine de mort par un État partie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques constitue une violation du droit international,
Rappelant le paragraphe 6 de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose qu'aucune disposition de cet article ne peut être invoquée pour retarder ou empêcher l'abolition de la peine capitale par un État partie au Pacte, et gardant à l'esprit que, d'après le Comité des droits de l'homme, les États parties qui ne sont pas encore totalement abolitionnistes devraient être engagés de manière irréversible vers l'abolition complète de la peine de mort, de facto et de jure, dans un futur prévisible,
Notant que, d'après le Comité des droits de l'homme, l'expression « les crimes les plus graves » doit être comprise de manière restrictive et s'entendre uniquement des crimes d'une extrême gravité, impliquant un homicide intentionnel, et que les crimes qui n'ont pas la mort pour résultat direct et intentionnel, tels que la tentative de meurtre, la corruption et autres infractions économiques et politiques, le vol à main armée, les actes de piraterie, les enlèvements, les infractions liées à la drogue et les infractions sexuelles, bien qu'ils soient de nature grave, ne peuvent jamais donner lieu à l'imposition de la peine de mort,
Se déclarant préoccupé par le fait que plusieurs États ont élargi l'application de la peine de mort à des infractions terroristes n'ayant pas la mort pour résultat direct et intentionnel, qui pourraient ne pas répondre au critère restrictif de « crimes les plus graves »,
Soulignant que la peine de mort ne saurait en aucune circonstance être appliquée pour sanctionner des comportements comme l'adultère, le blasphème, l'homosexualité, l'apostasie, la création de groupes politiques d'opposition ou le fait d'offenser un chef d'État, et que les États parties qui maintiennent la peine de mort pour de telles infractions manquent à leurs obligations internationales,
Soulignant également que le Secrétaire général, dans son rapport sur la question de la peine de mort3, affirme que rien ne prouve que la peine de mort a, plus que les autres formes de sanction, un effet dissuasif en ce qui concerne les infractions liées à la drogue ou d'autres infractions,
Condamnant la reprise de l'application de la peine de mort, en particulier pour les crimes qui ne font pas partie des « crimes les plus graves »,
Rappelant que, en particulier dans les affaires dans lesquelles une personne encourt la peine capitale, les États sont tenus de faire veiller à ce qu'elle bénéficie de l'assistance adéquate d'un conseil à tous les stades de la procédure, y compris pendant la détention et au moment de l'arrestation, sans discrimination d'aucune sorte,
Soulignant que l'accès des ressortissants étrangers à l'assistance consulaire, prévue par la Convention de Vienne sur les relations consulaires, est un élément important de la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort à l'étranger,
Soulignant également que l'absence de transparence dans l'application de la peine de mort a des conséquences directes pour les droits de l'homme, non seulement des personnes condamnées à mort, mais aussi des autres personnes concernées,
Conscient de l'intérêt qu'il y a à étudier la question de la peine de mort et à organiser, aux niveaux local, national, régional et international, des débats sur cette question,
1. Demande instamment à tous les États de protéger les droits des personnes passibles de la peine de mort et des autres personnes concernées en se conformant à leurs obligations internationales ;
2. Demande aux États qui n'ont pas encore adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, ou qui ne l'ont pas encore ratifié, à envisager de le faire ;
3. Demande aux États qui ont aboli la peine de mort ou qui appliquent un moratoire sur son application de ne pas recommencer à l'appliquer et rappelle aux États qui sont parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et qui ont aboli la peine de mort qu'ils ne peuvent pas la rétablir ;
4. Demande aux États qui appliquent encore la peine de mort de limiter son application aux « crimes les plus graves » et de supprimer de leur législation nationale toute application de la peine de mort aux crimes n'impliquant pas d'homicide volontaire, tels que les infractions liées à la drogue ou au terrorisme ;
5. Demande aux États de s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, et d'informer les ressortissants étrangers de leur droit de prendre contact avec le poste consulaire concerné ;
6. Demande aux États qui n'ont pas encore aboli la peine de mort de communiquer des informations pertinentes, ventilées par sexe, âge, nationalité et autres critères utiles, sur l'application de la peine de mort, notamment sur les chefs d'accusation, le nombre de personnes condamnées à mort, le nombre de personnes en attente d'exécution et le nombre de personnes exécutées, ainsi que sur le nombre de condamnations à mort annulées ou commuées en appel, le nombre d'amnisties ou de grâces accordées et les éventuelles exécutions prévues, tous éléments qui peuvent alimenter d'éventuels débats nationaux et internationaux éclairés et transparents, notamment sur les obligations des États en matière d'application de la peine de mort ;
7. Prie le Secrétaire général de consacrer le supplément annuel de 2021 à son rapport quinquennal sur la peine capitale aux conséquences, à différents stades, de l'imposition et de l'application de la peine de mort sur la jouissance des droits de l'homme par les personnes passibles de cette peine et les autres personnes concernées, en mettant particulièrement l'accent sur les répercussions du manque de transparence dans l'imposition et l'application de la peine capitale sur l'exercice des droits de l'homme, et de le lui présenter à sa quarante-huitième session ;
8. Décide que la réunion-débat biennale de haut niveau qui se tiendra à sa quarante-sixième session portera sur les violations des droits de l'homme liées à l'application de la peine de mort, en particulier en ce qui concerne la question de savoir si l'application de cette peine a un effet dissuasif sur le taux de criminalité ;
9. Prie le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme d'organiser la réunion-débat de haut niveau et de se concerter avec les États, les organismes compétents des Nations Unies, les organes conventionnels et les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l'ONU et les mécanismes régionaux des droits de l'homme, ainsi qu'avec les parlementaires, la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, et les institutions nationales des droits de l'homme, afin de s'assurer de leur participation ;
10. Prie également le Haut-Commissariat d'établir un rapport de synthèse sur la réunion-débat et de le lui soumettre à sa quarante-huitième session ;
11. Décide de poursuivre l'examen de cette question, conformément à son programme de travail.
___________
1 A/HRC/42/28.
2 A/HRC/42/25.
3 A/HRC/42/28.